À la veille de la Fête de la musique ce 21 juin (qui a lieu en fait tout ce week-end et jusqu'à mardi), penchons-nous sur la magnifique exposition que la KBR consacre à Toots Thielemans, lequel aurait eu cent ans cette année...
...
C'est un peu le Eddy Merckx de la musique, l'icône qui réunit tous les Belges, le Marollien authentique, le Zinneke américain qui a paradé avec les plus grands musiciens de jazz. L'exposition que lui consacre la Bibliothèque Royale de Belgique (KBR) se veut un hymne au musicien bruxellois et mélange - de manière fluide - archives, vidéos, et moments immersifs ; une mélodie proposée bien entendu sur fond sonore, ceux des morceaux de Toots (la playlist fait 50 minutes, de Bluesette son plus grand succès à Alleen zonder jou de Will Tura). L'exposition débute par un parcours chronologique qui conte la carrière longue de 71 ans de Jean-Baptiste Thielemans, dont le premier enregistrement date de 1943 et l'instrument initial fut... l'accordéon. D'ailleurs, comme l'explique la section consacrée à son côté instrumentiste, notamment au travers de ceux légués aux Musée des instruments de musique parties prenantes de l'expo, le piano à bretelles fait partie des instruments à anche libre comme l'harmonica ou le mélodica. La collection impressionnante d'harmonicas Hohner qui sponsorisa l'harmoniciste belge est d'ailleurs présentée du plus grand (l'harmonica d'accompagnement 48 accords différents et 384 anses et long de près de 50 cm! ) au Little Lady qui fait 3,5 cm: Toots en avait toujours un en poche. Étonnante tout de même la destinée de cet authentique Bruxellois, victime dans sa jeunesse de problèmes respiratoires (il dut arrêter des études de mathématiques entreprises à l'ULB)! Il choisit d'ailleurs la guitare ; une rickenbacker, montrée dans l'expo, modèle que le jeune John Lennon adopta en référence à Toots. Au gré de cette expo inventive, qui propose de grands dioramas, des écrans tactiles et des séquences d'interviews ou de concerts, l'on apprend qu'étant jeune, le futur harmoniciste fut d'abord attiré par Django Reinhardt, Louis Armstrong avant de succomber à Charlie Parker, qu'il découvrit les États-Unis à la fin des années 40, et travailla de jour pour la Sabena à New York! Des photos le montrent en compagnie de Quincy Jones, Bill Evans ou Paul Simon. Ce stakhanoviste, qui prônait une philosophie body and soul (très jazz) dans la vie, débuta donc sa carrière américaine avec la guitare, avant de siffler Bluesette en 1963 qui lui procurera une célébrité mondiale (son autre plus grand succès Lady Fingers se vendra à six millions d'exemplaires). Son style musical est notamment illustré au cours d'une immersion sonore dans le palais de Charles de Lorraine (ouvert pour l'occasion, une autre découverte) et démontre la dualité de Toots qui se voulait aussi savant et jazzy ( Blue on Green) que populaire dans son interprétation de Stranger than paradise. Dualité répliquée dans sa double nationalité, belge et américaine, et ses racines musicales, entre musette européenne, et blues américain, condensées dans son tube Bluesette. S'il savait jouer le blues, la technique de l'harmonica de Toots se révélait beaucoup plus étendue, son harmonica jazz étant d'une sophistication bien plus grande que celui utilisé dans le blues. Une autre partie de l'exposition qui se déploie dans cinq salons du palais met en exergue la diversité du jeu de Toots Thielemans qui enregistra nombre de disques de musique brésilienne notamment avec des interprètes aussi célèbres que Chico Buarque (pour un morceau intitulé O Football) ; l'une des expériences immersives permet d'ailleurs au visiteur de l'accompagner avec une percussion carioca, le ganza, sur un rythme samba. L'on peut aussi voir, à côté de carnets de notes qui démontre le travail fourni par un compositeur auteur de plus de 100 morceaux, celui d'un jazzman oscillant constamment entre composition et improvisation, le développement progressif à l'écran de ce chef-d'oeuvre que fut Bluesette sur écran tactile, avant l'apothéose que constitue les images datant de 99, de l'improvisation conjointe de Toots et Stevie Wonder sur ce titre emblématique. L'une des nombreuses vedettes à avoir joué avec Toots (ou l'inverse), lequel fit même de la pub pour Oxfam avec Tom Barman au début de ce millénaire ainsi que de la réclame pour les puffs (qui rappelle ses problèmes pulmonaires! ). Toots a également oeuvré, les affiches photos et extraits le démontrent, pour le cinéma, de Macadam Cow-boy au Guignolo avec Belmondo. Ala fin de sa vie, Toots Thielemans regrettait seulement de ne pas avoir enregistré avec Frank Sinatra et Boris Vian, son idole absolue. L'homme à l'harmonica était bien celui du grand écart... de ton!