Situé en bord de Loire, le château de Chaumont, qui fut la demeure de Catherine de Médicis, accueille depuis 31 ans un festival qui met en compétition une trentaine de propositions de jardins éphémères autour d'un thème, celui de la résilience cette année.
À cela s'ajoute, depuis une quinzaine d'années, une saison d'art contemporain qui propose au regard des oeuvres d'artistes et plasticiens, certaines d'ailleurs se révèlent pérennes et décorent les différents bâtiments, les écuries, l'ancien château d'eau, l'antique ferme dans le cas de l'artiste brésilien Henrique Oliveira " Momento fecundo " et son imitation d'arbre immense poussant dans l'une des ailes du bâtiment; la chapelle privée de la mère de Henri II se voit pour sa part investie par la forêt suspendue, poétique et ironique des Suisses Gerda Steiner et Jörg Lenzlinger, tandis qu'au-dehors l'oeuvre monumentale d'Alison Stigora tente de rivaliser avec les cèdres en majesté et vieux de deux siècles qui l'entourent.

Dans ce parc immense, piqueté d'arbres remarquables, d'autres installations évoquent encore les éditions anciennes du festival, comme celle de Guiseppe Penone, montrant un main tenant une tige d'arbre au travers d'une sculpture en bronze.
Symbiose
À cela vient s'ajouter cette année une quinzaine de propositions contemporaines d'artistes, dont certains sont également réparties dans le parc. C'est le cas de notre compatriote Bob Verschueren, spécialiste du land art, et habitué des lieux. Lequel a conçu un essaim surélevé de nichoirs à martinets, espèce en voie de disparation, et obligée de se tenir toujours en hauteur sous peine de ne pouvoir redécoller.
Non loin de celle-ci, s'intégrant dans un bouquet de bouleaux, l'oeuvre en fil de fer à béton recouvert de ciment mélangé à des fibres végétales de Lionel Sabatté, aux tons parfois ocres et striés comme des écorces. Une oeuvre qui évoque une termitière évidée, un labyrinthe aux allures de membrane organique.
C'est le bois par contre qu'utilise Christian Lapie sous forme de grands troncs lazurés de noir à silhouette humaine, qui leur donne l'air de géants aux airs rembrunis. Quatre groupes ou individu se répondent sur une grande pelouse, et évoquent également les arbres immenses qui les entourent, ces sculptures conférant à leurs collègues sylvestres un supplément d'âme.
On retrouve le même Lapie dans une salle du château, dont les derniers occupants, les de Broglie, ont laissé le décor renaissant fait notamment de magnifiques tapisseries de Bruxelles après leur départ dans les années 30. À l'abri des intempéries, le même artiste présente surtout des grands dessins d'arbres, notamment la forêt diluvienne, toujours en noir.
Autre forêt faite de grandes poutres debout, au naturel cette fois, surplombés de cloches, une installation de Jannis Kounellis, située dans les cuisines, qui donne à l'ensemble une allure de verger à un seul fruit, ou d'un intérieur d'Alhambra... sylvestre.
En face, dans la tour de Diane, le coréen Lee Ufan a disposé à même le sol un grand miroir circulaire sur lequel pendouille du plafond un fil blanc : un étrange pendule de Foucault immobile qui donne le vertige, le reflet de la coupole donnant l'impression d'un abîme, d'une oubliette, d'un sentiment d'infini, d'éternité renvoyant par l'entremise d'une douce lumière naturelle, diffusée par une fenêtre orpheline, à l'immensité de l'univers.
Anémone... de terre
Un autre compatriote est de la partie : Pierre Alechinsky, dont la commissaire et directrice Chantal Colleu-Dumond a sélectionné 274 oeuvres sur papier : d'un style reconnaissable, un peu systématique, de tailles variables évoquant des volcans, fontaines, soleils noirs et dont le dessin le plus touchant est celui petit d'un arbre intitulé " le lieu dit "... En effet.

Tout n'est pas de la même portée parmi les oeuvres des quinze artistes présentés : le bosquet de candélabres floral disposé sur la table de la salle à manger du château par Pascal Convert laisse sceptique, tout comme les tableaux en bois et 3D du Roumain Stefan Ramniceanu rappellent du Picasso cubiste, ou plutôt du Braque en 3D. Ils sont certes bien jolis, mais l'on voit mal le lien avec la thématique de la nature à part le fait qu'ils sont en bois.
Par contre, les visions parfois cosmiques ou constellaires et florales du Belge Yves Zurstrassen, situé dans l'asinerie de la ferme, se révèlent à la fois organiquement et figurativement bien, qu'il s'agisse d'art plutôt abstrait, en symbiose avec le site dédié à la nature qu'est Chaumont-sur-Loire (Conservatoire international des parcs et jardins et du paysage).

L'oeuvre florale à nouveau, suspendue et aérienne de l'Irlandaise Claire Morgan en est un autre exemple, tout comme les trois stèles de pierre, minérales évidemment, massives et pourtant d'aspect fragile, qui semblent à peine " rabotées " par le bien nommé Denis... Monfleur.
L'une des plus belles oeuvres, de faune aquatique, est celle en porcelaine de Grégoire Scalabre qui propose notamment, montrée à la dernière Biennale de Venise, une sculpture aux allures de corail ou plutôt d'anémone géante, qui ramène cette belle exposition fluide harmonieuse, en symbiose en effet, au milieu aquatique et à la Loire, sur laquelle quelques barges, les toues, ressemblent d'ailleurs à des installations. Trois d'entre elles sont plantées comme des totems dans le parc du château par le sculpteur ghanéen El Anatsui. Symbiose entre la nature, l'eau et l'art...

Saison d'art 2023, jusqu'au 29 octobre au Domaine de Chaumont sur Loire. Festival des jardins de Chaumont sur Loire jusqu'au 5 novembre.