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ThéâtreUne Lune énorme suspendue et sombre qui passe rapidement du croissant au disque complet mais à rebours, de manière inversée, de droite à gauche. A ses pieds, trois personnages assis sur des stèles, la regardent puis regardent la salle : de jeunes cyclopes féminins et nubiles semble-t-il, qui n'ont qu'un oeil bien sûr, lunaire également, et le visage dissimulé par de longs cheveux. Des masques en fait qu'ils finissent par enlever et révéler des femmes d'âges murs : l'une raconte son rêve de petit chaperon rouge devenu blanc, une autre fait les comptes du prix de ses tampons et de ses couches afin de présenter la note à son mari, une bonne catholique de Ciney qui n'avait jamais connu le plaisir jusqu'à 48 ans, s'est soudain libérée, désinhibée et sorti de son carcan social pour assouvir ses désirs. Une architecte a des bouffées de chaleur fatidiques en pleine présentation, un débat oppose un gynécologue phallocrate, à une sexologue méno mais peu posée qui assène que "le problème de la ménopause chez la femme c'est l'homme". Mais pas que.... D'ailleurs, lui aussi qui est parfois lâche, est également souvent démuni, se sent basique face au " complexe " de la femme.Spectacle subtil écrit par Caroline Safarian et Dominique Patuelli, Ménopausées baigne dans une ambiance à la fois onirique, une atmosphère parfois aqueuse de liquide amniotique, dans ses intermèdes chorégraphiques qui sont autant de respirations à une parole qui se voudrait libérée face à un sujet encore tabou et qui comme le dit l'un des personnages n'est pas une maladie ; en variant les milieux sociaux et culturels au travers de témoignages divers (plus de cinquante), la pièce montre sans lourdeur et souvent avec humour, comment la ménopause peut être vécue comme une malédiction, mais aussi comme une libération. Passé cette période (et pas " periods ", règles en anglais), la femme devient aussi libre que l'homme, à condition que, comme la Lune, astre mort, cette expérience face office de reflet lumineux pour qu'elle s'aime tel qu'elle est, à son propre regard, sans dépendre de celui des autres... ou de l'autre.La mise en scène fluide et ingénieuse de Caroline Safarian a l'idée audacieuse de confier des rôles féminins à Serge Demoulin, symbole de ces figures féminines aussi libres que leurs pendants masculins. Sans chercher à jouer à la femme, il parvient à discrètement les personnifier de manière assez bluffante, tout en interprétant par ailleurs des rôles de mâles alphas, parfois bêtas ou d'hommes aux abois face à cette nouvelle métamorphose de leurs partenaires. Marie-Paul Kumps et Dominique Patuelli complètent magnifiquement ce ménage à trois qui se démultiplie sans accrocs, tant les comédiens endossent aisément cette multitude de figures de femmes (et d'hommes) formant une constellation de témoignages d'éclipses de Lune. Laquelle change de couleur, blanche, bleutée, rouge, mais n'est jamais ce trou noir et béant: juste un long moment opaque de chaleur et de bouleversement, qui peut être vécu comme une nouvelle croissance (de Lune) et non une décroissance. Bref, comme une libération; celle de la parole dans le cas de MénopauséesMénopausées jusqu'au 2 février au Théâtre de Poche, 1 chemin du Bois de la Cambre 1000 Bruxelles. 02 649 17 27 reservation@poche.be www.poche.beA l'Espace Delvaux du 7 au 9 mars. Rue Gratès 3 1170 Watermael-Boitfort lavenerie.be 02 672 14 39Bernard Roisin