Avec 7 arts, le Civa de Bruxelles évoque l'épopée de l'avant-garde moderne belge au travers de ce magazine qui parut entre 1922 et 1928...
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La revue est fondée par trois compères, Pierre Bourgeois et son frère Victor, célèbre architecte très présent dans l'expo comme d'ailleurs le peintre Pierre-Louis Flouquet, le troisième larron. Ils seront bientôt rejoints par Georges Monier, compositeur et Karel Maes, peintre graveur et créateur de meubles. D'emblée, l'on saisit l'aspect pluridisciplinaire du mouvement initié par 7 arts, qui ne fait que répondre à d'autres comme le montre très bien l'expo : qu'il s'agisse du Futurisme italien, du Bauhaus allemand ou du Stijl hollandais. Défenseurs de la " plastique pure ", ils ont pour ambition de faire pénétrer les arts dans toutes les dimensions de la vie urbaine moderne et, de la sorte, de la transformer. 7 arts se veut donc une revue de combat, comme le montre le parcours de l'exhibition, tout en angles évidemment, afin de rappeler les caractéristiques géométriques du mouvement, qu'elle aborde bien sûr en tant que Centre international pour la Ville, l'Architecture et le Paysage d'un point de vue plus... architectural. Qualifiée " d'organe de doctrine et de combat" par Flouquet dont les tableaux pullulent, la revue publie des oeuvres d'artistes d'avant-garde tels que René Magritte, lequel signe un portrait de Pierre Bourgeois en 1920 des plus abstraits. S'attachant aussi à étayer son propos par des plans de maisons, des photographies, mais également du mobilier, l'exposition montre comme les constructions de Huib Hoste, Louis-Herman De Koninck ou Victor Servranckx - qui ne fut pas que plasticien - intègrent la couleur, contrairement à ce que les photographies noir et blanc de l'époque donnent penser. À l'intérieur, l'harmonie entre le mobilier (notamment celui de Servranckx encore) et le bâtiment est respectée dans un style épuré qui évoque immanquablement De Stijl et le Bauhaus : la sensation d'espace, le confort et la lumière étant renforcés par l'usage de la couleur, du tapis et de la peinture, le tout souligné par des lignes et des formes géométriques qui en sont la pierre... angulaire. Le rythme est un autre élément important, symbolisé par un tango parfaitement stylisé par Marthe Donas, un projet de vitrail, et un ensemble de mobilier de Hoste, des toiles de Servranckx et Jozef Peeters, des projets de maison d'Herman De Koninck à Uccle, une photographie d'appartements de Victor Bourgeois à Koekelberg et même une robe, bien sûr géométrique et colorée, signée Marcel-Louis Baugniet. Lequel dans l'espace intitulé Mouvement, exécute une série de kaloprosopies, des gravures sur bois sans doute inspirées des spectacles de son épouse, la danseuse Akarova. Certains architectes un peu oubliés ressurgissent également, comme Stanislas Jasinski, auteur notamment d'un somptueux projet de maison pour Flouquet justement. Autre élément essentiel de cette avant-garde ressuscitée au Civa, l'angle droit qui semble en opposition directe avec la volute et l'arrondi de l'Art nouveau antérieur. Car, s'il n'est jamais prononcé au travers de l'expo, le terme d'Art déco vient aussi à l'esprit, même si dans le cas du versant belge du mouvement, il n'est que rarement rutilant. Dans le cas du bâtiment central de la Cité moderne conçue par Victor Bourgeois, dont on peut admirer plans, maquettes et photographies, la répétition de l'angle droit autorise un jeu de déploiement spatial permettant de créer des espaces sans vis-à-vis directs et des vitrines de magasins visibles des deux côtés. La maison blanche à Lot a droit au même traitement, alors que De Koninck l'utilise également dans la conception d'un fauteuil, et qu'il est apprécié des artistes comme Baugniet Servranckx, Karel Maes, Jozef Peeters ou Félix De Boeck, en tout cas à ses débuts. Enfin, la revue 7 arts consacre une partie de ses pages aux bruits de la ville, à l'éclairage public, aux enseignes lumineuses, aux vitrines ou à la publicité notamment... Bref, tout ce qui peut oeuvrer à la propagation de la modernité notamment aux côtés de l'architecture, à l'instar du cinéma : le film Impatience, réalisé par Charles Dekeukelaere, est projeté non loin d'affiches de spectacles théâtrales signées Magritte (lequel signe également la couverture d'une partition musicale) ou Baugniet, tandis que ce dernier imagine une grande publicité pour les ampoules Philips. Cette avant-garde, qui tentait d'embrasser tous les arts et disciplines, est joliment mis en valeur par cette exposition qui, a son tour, combine divers supports - films, musique, photographies, peintures, maquettes, plans, dessins - afin de replonger le visiteur au coeur de ce mouvement un peu " fol ", né dans des années qui ne l'étaient pas moins...