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La Pr Piccart a débuté son exposé en précisant qu'il n'y a guère eu cette année de nouvelles vraiment marquantes dans le domaine, à l'exception, justement, des premières données d'OlympiA. Cette étude à grande échelle a investigué l'effet d'un inhibiteur de PARP dans un contexte adjuvant chez les femmes porteuses d'une mutation BRCA 1/2 et atteintes d'un cancer du sein HER2 négatif (HER2-) à récepteurs hormonaux positifs (HR+) ou triple négatif (TNBC). Il s'agit donc ici d'une population à très haut risque de rechute, a souligné la Pr Piccart. Les patientes pouvaient être randomisées dans cette étude après chimiothérapie néo-adjuvante. L'absence de réponse partielle à la chimiothérapie (CT) était suffisante chez celles qui souffraient d'un TNBC ; celles qui étaient atteintes d'une tumeur HR+ devaient par contre présenter une maladie résiduelle significative. Les patientes pouvaient également être enrôlées après thérapie adjuvante mais, là aussi, elles devaient présenter certaines caractéristiques indiquant un risque élevé de rechute, à savoir une tumeur mammaire T2 ou N1 en cas de TNBC et au moins 4 ganglions axillaires positifs en cas de cancer du sein HR+. Toutes les patientes avaient reçu au minimum 6 cycles de CT néo-adjuvante ou adjuvante ; au total, plus de 1800 femmes ont été randomisées pour recevoir soit de l'olaparib 300 mg deux fois par jour pendant un an, soit un placebo. Le critère d'évaluation primaire était la survie sans maladie invasive (iDFS). Les facteurs de stratification étaient entre autres le statut hormonal, le traitement néo-adjuvant vs adjuvant et l'administration éventuelle de cisplatine. (Figure 1) Cette population comptait davantage de mutations BRCA 1 (72%) que de mutations BRCA 2 (27%) et davantage de femmes ménopausées que pré-ménopausées. 82% des participantes étaient atteintes d'un TNBC. Environ la moitié avaient reçu une CT néo-adjuvante, l'autre moitié une CT adjuvante. Chez la moitié des femmes qui avaient reçu une CT néo-adjuvante, le schéma d'administration comprenait un dérivé du platine. Les résultats assez révolutionnaires présentés lors de l'ASCO 2021 font suite à une analyse portant sur un suivi médian de 2,5 ans. Concernant le critère d'évaluation primaire, l'iDFS, on observe un rapport des risques (HR) statistiquement significatif de 0,58 (0,41-0,82), avec un gain de près de 9% en faveur de l'olaparib sur une période de trois ans. L'étude a également permis l'analyse d'un groupe "mature", en l'occurrence les 900 premières patientes randomisées dans ce cadre, qui ont logiquement bénéficié d'un suivi plus long. Là aussi, les auteurs ont relevé un bénéfice significatif en termes d'IDFS. Cependant, une diminution de la survie sans métastases à distance (DDFS) a été relevée dans le groupe olaparib (HR = 0,57 (0,39-0,83)). En outre, s'il existe des indices que la survie globale (OS) pourrait également être améliorée dans le bras olaparib, le seuil de signification statistique n'a pas pu être atteint dans le cadre de ce suivi limité. L'analyse de sous-groupes pour l'iDFS livre des informations extrêmement intéressantes, souligne encore le Pr Piccart. On n'observe en effet aucune hétérogénéité statistique entre un sous-groupe quelconque et l'effet thérapeutique pour ce critère d'évaluation, et rien ne permet donc de penser que certaines sous-populations ne retireraient pas de bénéfice d'un traitement par olaparib (Figure 2). Néanmoins, le Pr Piccart tient à attirer l'attention sur deux groupes pour lesquels l'intervalle de confiance est extrêmement large - celui des patientes ayant reçu un dérivé du platine et celui des patientes atteintes d'un cancer du sein HR+. Un suivi plus prolongé sera nécessaire pour confirmer avec certitude les bénéfices de l'olaparib dans ces deux catégories spécifiques, précise la spécialiste. Comme on pouvait s'y attendre, l'analyse de toxicité a mis au jour davantage d'effets secondaires sous olaparib, mais ce constat ne se vérifiait pas pour les effets secondaires graves. Les patientes sous olaparib étaient néanmoins légèrement plus nombreuses à avoir dû interrompre leur traitement (9% vs 4% sous placebo). Un dernier point capital est qu'aucune nouvelle tumeur primaire n'a été observée dans le bras olaparib à ce stade du suivi, a encore souligné la Pr Piccart. Elle reste toutefois convaincue qu'un suivi plus prolongé est nécessaire non seulement pour identifier les éventuels cas de LMA ou de SMD, mais aussi pour établir un possible bénéfice de survie. 1 Une autre présentation très intéressante épinglée par la Pr Piccart était l'analyse d'une sous-population de Monarch-E. Il s'agit d'un essai adjuvant dans lequel des patientes atteintes d'une tumeur mammaire HR+/HER2- à haut risque recevaient ou non de l'abemaciclib en sus d'un traitement hormonal. Les résultats présentés lors de l'ASCO 2021 portaient plus spécifiquement sur les patientes qui avaient bénéficié d'une CT néo-adjuvante avant randomisation (n = 2056). Dans ce sous-groupe, l'abemaciclib en combinaison avec une thérapie hormonale adjuvante débouchait sur une amélioration significative de la survie dans maladie invasive (HR 0,61), correspondant à un gain absolu de 6,6% après deux ans de suivi. 2 Une équipe de recherche allemande a présenté les premiers résultats d'ADAPT, un essai adjuvant de nouvelle génération qui s'intéresse à l'individualisation de la prise de décision (néo-)adjuvante dans le cancer du sein à un stade précoce. Il a pour objectif d'identifier des marqueurs prédictifs précoces de substitution pour la réponse thérapeutique sous un bref traitement d'induction (comme p.ex. Ki-67) en vue d'individualiser la thérapie au maximum et de prévenir l'exposition inutile à la toxicité de traitements inefficaces.Cet essai randomisé multicentrique prospectif de phase II/III sans mise en aveugle repose sur un concept novateur de protocole "parapluie" ; ce dernier est utilisé chez toutes les patientes et consiste à tester de façon dynamique la réponse précoce au traitement. ADAPT a prévu d'inclure 4 936 participantes dans quatre sous-analyses en fonction du type de tumeur mammaire. Plus de 4 000 patientes atteintes de tumeurs HR+ et HER2- ont ainsi été reprises dans la sous-analyse ADAPT HR+/HER2- et classées en fonction de la masse tumorale totale ( tumor burden), du score de récurrence (SR) et du score KI-67 après trois semaines de traitement hormonal. Les premiers résultats de la sous-population à haut risque indiquent un bon pronostic chez certaines patientes avec plus de 4 ganglions axillaires positifs et un faible SR. En outre, la combinaison d'un plus faible score Ki-67 post-traitement endocrinien et d'une charge tumorale limitée peut représenter un critère prometteur pour une stratégie de désescalade de la CT, même en présence d'un SR élevé.3 Le Pr Piccart a encore commenté quelques études portant sur le cancer du sein métastatique, dont notamment les résultats mis à jour de PALOMA-3 et MONALEESA-3 pour l'OS. Elle a rappelé qu'il s'agit là d'analyses exploratoires qui ont été présentées parce que l'OS avait déjà été exposée antérieurement, comme prévu dans les protocoles d'étude. Pour rappel, PALOMA-3 porte sur l'adjonction (ou non) du palbociclib à un traitement par fulvestrant, MONALEESA-3 sur l'adjonction (ou non) du ribociclib au fulvestrant. Les deux essais présentent toutefois un certain nombre de différences, que le Pr Piccart a résumées dans un tableau synoptique (Figure 3). La population de l'essai MONALEESA-3 - qui autorisait une CT préalable et randomisait aussi bien en 1re qu'en 2e ligne - présentait un profil plus favorable que celle de PALOMA-3. Les deux études continuent toutefois à démontrer un bénéfice constant en termes d'OS. Dans PALOMA-3, 23% des patientes qui recevaient du palbociclib étaient encore en vie après 5 années de suivi, contre 17% dans le groupe contrôle ; dans MONALEESA-3, ces proportions étaient de 46% et 31% respectivement. Le Pr Piccart a tenu à attirer l'attention sur les sous-groupes moléculaires identifiés dans PALOMA-3. Les résultats étaient ici légèrement moins bons, mais confirmaient malgré tout un avantage pour les patientes sous palbociclib. 4,5 La Pr Piccart s'est ensuite arrêtée sur l'étude CONCEPT, un essai randomisé comparant le cabazitaxel 25 mg/m2 pendant 3 semaines à la dose hebdomadaire bien connue de 80 mg/m2 de paclitaxel chez les patientes atteintes d'un cancer du sein HER2- à un stade avancé. Les résultats pour la PFS et l'OS étaient quasi identiques, mais les deux produits présentaient par contre des différences de profil de toxicité très intéressantes. Le cabazitaxel était ainsi associé à davantage de nausées et de vomissements mais aussi à plus de neutropénies fébriles, tandis que les patientes traitées par paclitaxel étaient beaucoup plus nombreuses à développer des neuropathies périphériques. La qualité de vie a été mesurée au moyen de différents outils (EQ5D Single index utility, EQ5D Visual analog scale, FACT-B Breast Cancer subscale). En comparaison avec leurs homologues sous paclitaxel, les patientes sous cabazitaxel présentaient une meilleure qualité de vie à toutes ces échelles. 6