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Le Pr Patrick Neven (oncologie gynécologique, UZ Leuven) a donné un aperçu des présentations sur la chirurgie du cancer du sein. Selon lui, une désescalade du traitement chirurgical comme de la chimiothérapie (CT) est nécessaire. En effet, une détection précoce, une meilleure connaissance de la biologie tumorale et des traitements systémiques plus efficaces rendent nécessaire une réévaluation de ce qui est actuellement considéré comme la chirurgie standard. Le Pr Neven s'est d'abord intéressé à la chirurgie axillaire. Quelle est l'approche actuelle du cancer du sein à ganglions cliniquement négatifs, avec moins de 3 ganglions positifs? Au cours des 50 dernières années, leur mode de traitement a beaucoup évolué. Une étude néerlandaise de 2018 montre que les patientes présentant des ganglions cliniquement négatifs (cN0), avec des ganglions axillaires positifs lors de la biopsie des ganglions sentinelles, ont subi une chirurgie axillaire moins étendue. Diverses études randomisées confirment cette approche, comme l'étude SINODAR ONE présentée lors du SABCS 2021, et menée chez des patientes atteintes d'un cancer du sein cN0 mais avec macrométastases dans moins de 3 ganglions lymphatiques positifs. Cette étude italienne, présentée par le Dr Damiano Gentile (Humanitas Research Hospital, Milan), a comparé le curage axillaire (CA) à l'absence de CA dans cette population qui n'avait pas reçu de radiothérapie (RT) de l'aisselle. Après un suivi de 34 mois, aucune différence n'a été observée entre les deux modes de traitement en ce qui concerne la rechute et la survie. Cette étude a dès lors été arrêtée prématurément, pour des motifs éthiques. La conclusion de cette étude était par conséquent de ne plus réaliser de CA chez les patientes atteintes d'une maladie macrométastatique avec moins de 3 ganglions positifs.1 Le Pr Neven s'est alors demandé si nous pouvions omettre le CA. Dès 2018, la Society of Surgical Oncology (SSO) recommandait de ne pas procéder systématiquement à une biopsie du ganglion sentinelle chez les patientes atteintes d'un cN0, âgées de plus de 70 ans, et présentant un type luminal HER2 négatif. Un poster2 basé sur la National Cancer Database, a toutefois présenté des données contradictoires dans une étude de contrôle des patientes en ce qui concerne les conséquences de l'omission de la biopsie du ganglion sentinelle. Les patientes de cette étude avaient subi une chirurgie mammaire entre 2012 en 2017, étaient âgées de plus de 70 ans, présentaient un score Charlton > 1, étaient ER+/HER2- et étaient atteintes d'un cancer du sein cT1N0M0. La comparaison de la survie à 5 ans entre les patientes qui avaient subi ou pas une biopsie du ganglion sentinelle a conclu qu'il ne faudrait pas l'omettre dans cette population. En effet, sur les 14.150 patientes de l'étude, 13,6% ne l'avaient pas subie et leur survie à 5 ans était significativement inférieure, par rapport au groupe qui l'avait subie (76,1% vs 66,4% ; p < 0,001). Toutefois, lorsque la RT et le traitement adjuvant sont pris en considération, la survie globale (OS) s'améliore dans les deux groupes. Ces données correspondent à la présentation d'une étude faite l'année dernière par McKevitt et al. parmi une population similaire (CT1N0, ER+/HER2-, > 70 ans) et qui a examiné la valeur pronostique d'une biopsie positive du ganglion sentinelle. Il en ressortait qu'un ganglion sentinelle positif ne possédait une valeur prédictive de survie moindre que dans le groupe de patientes qui n'avaient pas reçu de traitement adjuvant.3 De plus amples études randomisées sont nécessaires à cet égard, selon le Pr Neven. L'étude INSEMA est la première étude randomisée qui évalue l'omission de la biopsie du ganglion sentinelle chez les patientes atteintes d'un cancer du sein cN0. La qualité de vie (QoL) a été rapportée lors de ce SABCS, plus particulièrement l'impact de la chirurgie axillaire sur les symptômes au niveau du bras et du sein.4 Après randomisation au ratio de 1 pour 4, une biopsie du ganglion sentinelle a été pratiquée chez 4184 patientes. Seul un petit nombre (n = 12) avait 4 ganglions positifs ou plus. Il a été demandé au groupe de patientes présentant 1 à 3 ganglions positifs (n = 478) de compléter un questionnaire relatif à la QoL et qui portait sur la douleur dans le bras et/ou l'épaule, le gonflement du bras et de la main et la limitation de la mobilité du bras. L'étude met en évidence de meilleurs résultats pour la douleur dans le bras/sein et le gonflement du bras/main chez les patientes qui n'ont pas subi de biopsie du ganglion sentinelle. En outre, il est apparu que ces symptômes s'améliorent chez les patientes qui ont subi uniquement la biopsie, par rapport au groupe de patientes qui ont subi un curage axillaire. Les résultats de la survie sans maladie (DFS) ne seront disponibles qu'à la fin de l'année 2024. Le Pr Neven s'est ensuite demandé si la chirurgie mammaire peut être omise chez les patientes présentant une rémission complète (pCR) après une chimiothérapie néoadjuvante (NACT). Le SABCS 2019 nous a appris à ne pas le faire. Toutefois, si un nombre suffisant de biopsies mammaires sous vide a été prélevé, le rapport de faux négatifs est contrôlé, de sorte que la chirurgie mammaire peut éventuellement être omise. Lors du SABCS 2021, deux posters ont été présentés à ce sujet: une étude japonaise qui n'a pas pu montrer que la chirurgie mammaire pouvait être omise5 et la présentation d'un groupe allemand qui est parvenu à très bien prévoir une pCR grâce à l'intelligence artificielle.6 Le Pr Philip Poortmans ( Iridium Netwerk & UZA) a commenté les principales présentations relatives à la RT dans le carcinome mammaire. Il a débuté sa présentation par le débat sur l'hypofractionnement et l'ultra-hypofractionnement dans le cancer du sein. Le Pr C. Coles (Université de Cambridge) y était favorable, contrairement au Pr J. White (Ohio State University, Columbus). Le Pr Coles a expliqué pourquoi une RT d'une durée d'une semaine devrait être la nouvelle norme en cas de cancer du sein. Au Royaume-Uni, l'hypofractionnement, mais aussi la personnalisation de cette radiothérapie en fonction de la patiente individuelle, ont été gérés avec ordre lors des 30 dernières années, selon elle. Pensons, à cet égard, à l'irradiation partielle du sein, à l'augmentation de la dose de rayonnement sur la tumeur primitive et même à l'omission de la RT chez les patientes qui présentent un risque très faible de récidive. En outre, des études montrent à la fois l'efficacité et la sécurité de l'hypofractionnement. Le Pr Poortmans a évoqué les résultats de l'étude FAST-Forward qui a montré que les 2 schémas de 5 jours n'étaient pas inférieurs à une irradiation de 40 Gy sur une durée de 3 semaines. En ce qui concerne les effets tardifs également, aucune différence n'a été observée entre les 26 Gy en 5 fractions et les 27 Gy en 15 fractions. En conclusion, nous pouvons dire que l'hypofractionnement sur 5 jours présente des avantages nets à la fois pour la patiente et pour le système de soins de santé. En outre, la pandémie de COVID-19 a entraîné une introduction rapide de cet hypofractionnement, malgré les "mythes" visant à ne pas encore l'appliquer dans la pratique. Le Pr Poortmans a conclu que les fondements scientifiques de l'hypofractionnement sont avérés et soutenus par les résultats d'études cliniques s'étendant sur une période de 30 ans. En outre, l'avantage pour la patiente individuelle est très clair, de sorte qu'une irradiation du sein pendant une semaine devrait être ou devenir la nouvelle norme. En janvier 2022, l'ESTRO a dès lors publié un consensus adapté en faveur de l'utilisation de l'ultra-hypofractionnement (26 Gy en 5 fractions) lors de l'irradiation totale du sein, de l'irradiation de la paroi thoracique et de l'irradiation partielle du sein. En ce qui concerne l'irradiation des ganglions, il faut cependant encore attendre les résultats de la sous-étude Nodal FAST Forward.7 Le deuxième sujet particulièrement intéressant était, selon le Pr Poortmans, la maladie oligométastatique (OMD). Lors du SABCS 2021, le Pr Yolande Lievens, de l'Université de Gand, avait présenté une définition de l'OMD et sa prise en charge actuelle, en renvoyant à cet égard aux recommandations de consensus de l'ESTRO, publiées en 2020.8 La réponse à la question de savoir ce qu'est exactement l'OMD ne se limite pas au nombre de métastases. Il existe en effet différents types d'OMD, donnant lieu à différents modèles dynamiques: de-novo OMD (premier diagnostic d'OMD), repeat OMD (antécédents d'OMD) et induced OMD (antécédents de maladie polymétastatique). Ces modèles ont été validés par le Pr Guckenberger (Zurich University Experience). Les résultats de cette validation montrent que tant la de-novo OMD que la repeat OMD possèdent un meilleur pronostic que l' induced OMD. Selon le Pr Poortmans, la prise en charge de l'OMD était également un des thèmes de la collaboration E2-RADIATE entre l'EORTC et l'ESTRO, dans laquelle 3 cohortes prospectives ont été définies: OligoCare, Particle Care et ReCare. Dans la cohorte OligoCare, une étude observationnelle pragmatique a été mise en place afin d'évaluer la RT radicale chez les patientes atteintes d'OMD. La première patiente a été incluse en août 2019. Depuis, 37 sites sont actifs dans 10 pays différents et ont inclus 868 patientes jusqu'à présent. En outre, des preuves en faveur de la radiothérapie stéréotaxique appliquée au corps entier (SBRT) dans l'OMD, issues de la réalité quotidienne en Belgique et disponibles au Royaume-Uni, montrent que l'OS après 1 et 2 ans est respectivement de 85,5% et 70% pour les patientes belges (n = 2790) et de 92,3% et 79,2% en ce qui concerne les données britanniques (n = 1422). Lors du SABCS 2021, la présentation du Pr Palma (London, Canada) a également abordé les traitements ablatifs dans l'OMD.Diverses études randomisées ont montré un effet positif potentiel de la radiothérapie stéréotaxique ablative (SABR) dans l'OMD en cas de cancers du poumon, de la prostate et colorectal. L'étude SABR-COMET, qui a également inclus des patientes atteintes d'une tumeur primitive du sein, a mis en évidence un avantage de survie pour les patientes qui ont reçu une SABR à un moment quelconque de leur traitement. Le Pr Poortmans a conclu que des données prometteuses relatives au rôle de la thérapie ablative chez les patientes présentant des oligométastases sont actuellement disponibles. La SABR est la modalité de traitement à la plus grande force probante pour ces patientes. Espérons que des études de phase III randomisées le confirmeront. L'utilisation d'un traitement local plutôt que systémique dans la maladie oligoprogressive (OPD) a été abordée par le Dr Amy Xu (Memorial Sloan Kettering Cancer Center). Le Dr Xu se base sur l'hypothèse oligométastatique selon laquelle les gènes exprimés chez les patientes polymétastatiques sont fondamentalement différents par rapport aux patientes présentant une OMD. Une étude de Wijetunga, dans laquelle une SBRT a été administrée à des patientes atteintes d'un carcinome mammaire métastatique a montré que l'avantage de survie chez les patientes atteintes d'un cancer du sein triple négatif était significativement plus faible que chez les patientes atteintes d'un cancer du sein luminal ou HER2+.9 En résumé, le Pr Poortmans a déclaré que l'OMD est peut-être une maladie métastatique intermédiaire potentiellement curable - entre l'absence de métastases et la maladie polymétastatique. La RT est très efficace comme traitement axé sur les métastases. Un sujet suivant abordé par le Pr Poortmans était la désescalade du traitement locorégional du cancer du sein. On pense ici en général principalement à la désescalade de la chirurgie mammaire, ainsi que le Pr Neven l'a déjà évoqué dans la première partie. Des informations intéressantes sur la désescalade de la RT ont également été données. La Dr Seung Won Seol (Northwestern University, Chicago) a présenté les données de l'étude rétrospective LUMINA, menée dans plusieurs hôpitaux. Elle a examiné si la RT peut être omise chez les patientes atteintes d'un cancer du sein précoce à faible risque. L'analyse des données a souligné l'importance du traitement endocrinien: les patientes qui l'ont reçu présentaient un pronostic favorable, contrairement aux patientes qui ne l'avaient pas reçu ou qui avaient reçu un traitement endocrinien insuffisant. Dans ce dernier groupe, une diminution nette de la DFS locorégionale à 5 ans était notable. Par conséquent, la RT peut être omise chez les patientes qui remplissent les critères d'inclusion dans l'étude LUMINA et qui supportent le traitement endocrinien pendant 5 ans.10 Il convient toutefois de se demander si ces patientes ont besoin d'un traitement endocrinien d'une durée de 5 ans. Le traitement locorégional seul serait-il suffisant chez certaines patientes? Le Dr M. Espinosa-Bravo (University Hospital Vall d'Hebron, Barcelone) a présenté les données d'une étude prospective sur la sécurité de la ré-irradiation du sein en cas de récidive ipsilatérale isolée du cancer du sein après une chirurgie conservatrice du sein. L'étude n'a inclus que 35 patientes, pendant une durée médiane du 154 mois jusqu'à la récidive ipsilatérale du cancer du sein. Toutes les patientes ont subi une deuxième lumpectomie et ont été réirradiées. Après un suivi médian de 37, seules 4 récidives ont été observées, dont 3 maladies métastatiques. La survie sans récidive régionale à 5 ans était de 82,4%, la survie sans métastases à 5 ans de 84,6% et l'OS de 92,3%.11 Ces données sont similaires à ce qui a été observé dans la base de données du GEC-ESTRO Breast Cancer Working Group. Cette étude montre également qu'en ce qui concerne la rechute locale ou régionale, il n'existe pratiquement pas de différence entre les patientes qui ont subi une mastectomie "de sauvetage" ou une deuxième chirurgie conservatrice du sein.12 L'étude NRG/RTOG 1014 a également montré des résultats identiques pour la réirradiation du sein. La survie à 5 ans après un suivi médian de 5,5 ans était de 95% dans cette étude.13