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La Pr Karolien Goffin (médecine nucléaire, UZ Leuven) a considéré l'étude VISION portant sur le traitement du cancer de la prostate (PCa) par 177Lu-PSMA-617 (LuPSMA) comme temps fort dans le domaine de la médecine nucléaire. VISION est une étude internationale de phase III, en ouvert, incluant des patients atteints d'un PCa métastatique résistant à la castration (mCRPC), avec une progression de la maladie après au moins un traitement par un nouvel agent ciblant les récepteurs des androgènes (ARTA) et au moins une cure de taxane1. Les patients atteints d'une maladie positive au PSMA ont été randomisés au LuPSMA + traitement standard (SOC) ou au SOC uniquement (figure 1). Le traitement par PSMA a été administré en 4 cycles + 2 cycles supplémentaires chez les patients répondants. Le suivi médian était de 20,9 mois. La survie globale (OS) était plus longue dans le groupe PSMA, avec un risque de décès de 38% inférieur (OS médiane: 15,3 vs 11,3 mois ; HR 0,62 ; IC à 95% 0,52-0,74 ; P < 0,001). La survie sans progression (PFS) radiologique a également été significativement allongée lors de l'ajout du LuPSMA au SOC (8,7 vs 3,4 mois ; HR 0,40 ; IC à 99,2% 0,29-0,57 ; P < 0,001). Le traitement LuPSMA + SOC a aussi amélioré significativement tous les critères d'évaluation secondaires importants, notamment le plus long laps de temps jusqu'au premier événement squelettique symptomatique (médiane 11,5 vs 6,8 mois ; HR 0,50 ; IC à 95% 0,40-0,62 ; P < 0,001). L'incidence des effets indésirables de grade III ou supérieur était plus marquée avec le LuPSMA (52,7% vs 38,0%), principalement des toxicités hématologiques qui ont pu être bien traitées chez la majorité des patients, a expliqué le Pr Goffin. La fatigue et la sécheresse buccale, liée à l'absorption du PSMA dans les glandes salivaires, étaient des effets indésirables plus fréquents mais moins graves. Le Pr Tombal a ouvert le débat par une question pratique, afin de souligner que le traitement par LuPSMA n'est pas un traitement polyclinique comme le radium 223, par exemple. Les patients traités par LuPSMA passent une nuit à l'hôpital, condition d'ailleurs requise pour le remboursement, en Belgique. A l'UZ Leuven, comme l'explique le Pr Goffin, le patient est admis le matin pour le traitement par LuPSMA ; le lendemain, le rayonnement encore émis par le corps est mesuré. Si cette valeur est suffisamment basse, le patient peut rentrer chez lui. La Dr Carole Mercier (radiothérapie, GZA Antwerpen) a présenté les résultats à long terme de l'étude SAKK 09/10, qui a comparé l'efficacité et la toxicité de la radiothérapie de rattrapage (SRT) conventionnelle et intensive chez des hommes présentant une progression biochimique après une prostatectomie radicale (RP) 2. Dans cette étude de phase III, randomisée, multicentrique, des patients ont été affectés de manière aléatoire à la SRT conventionnelle (64 Gy en 32 fractions quotidiennes de 2 Gy) ou intensive (70 Gy en 35 fractions quotidiennes de 2 Gy) ciblant le lit prostatique (figure 2). La Dr Mercier a souligné que les groupes de patients étaient équilibrés et reflétaient bien la pratique clinique. Aucune différence significative n'a été observée entre les deux groupes en ce qui concerne la PFS biochimique et clinique, la survie sans thérapie de privation androgénique et l'OS. Une différence en termes de toxicité a toutefois été constatée entre les deux groupes. Des effets indésirables gastro-intestinaux tardifs de grade II ou plus ont été significativement plus nombreux dans le groupe recevant la SRT intensive (HR 2,20 ; IC à 95% 1,21-4,00 ; P = 0,009), mais n'ont pas donné lieu à des différences en matière de qualité de vie rapportée par les patients. Sur la base des résultats de cette étude, la Dr Mercier a conclu que la SRT conventionnelle ciblant le lit prostatique est suffisante chez les patients présentant une progression biochimique précoce après une prostatectomie radicale. Durant le débat, le Pr Tombal a souhaité savoir quelle était l'approche actuelle en ce qui concerne la SRT en pratique clinique. Une IRM préalable est recommandée afin d'éliminer la récidive de la tumeur dans le lit prostatique. Une cure d'hormonothérapie de courte durée avant le début de la radiothérapie (RT) semble bénéfique parmi cette population de patients, selon la Dr Mercier. Le Dr Peter Schatteman (urologie, OLV Aalst) a présenté l'étude PEACE-1 comme temps fort de 2021 et a montré l'évolution rapide des options thérapeutiques pour les patients atteints d'un PCa métastatique hormonosensible. Pendant des décennies, les patients ont été traités uniquement par privation androgénique (ADT). Ces dernières années, toutefois, de nombreuses études ont mis en évidence un avantage de survie après l'ajout d'un traitement à l'ADT ou par irradiation de la tumeur primitive (figure 3). C'est dans ce paysage en mutation que des patients ont été recrutés pour l'étude PEACE-1 et que le SOC du protocole a par conséquent été modifié d'ADT seule en ADT + docétaxel, a expliqué le Dr Schatteman. PEACE-1 est une étude de phase III, de plan factoriel 2 x 2, évaluant l'abiratérone + prednisone et/ou la RT locale chez des hommes atteints d'un PCa résistant à la castration métastatique de novo. Au total, 1173 patients ont été randomisés. L'analyse actuelle incluant 710 patients compare le SOC (ADT ± docétaxel et ± RT) et le SOC + abiratérone3. Le suivi médian était de 36 mois. L'ajout d'abiratérone a été associé à une amélioration statistiquement significative de 50% de la rPFS, tant chez les patients présentant un volume pathologique élevé que chez ceux présentant un volume pathologique faible. Des résultats comparables ont été observés pour l'OS: + 18% lors de l'ajout d'abiratérone (HR 0,82 ; IC à 95% 0,69-0,98 ; P = 0,030). Le risque de décès a diminué de 25% chez les patients présentant un volume pathologique élevé, mais les données relatives à la survie ne sont pas encore suffisamment matures (OS médiane de 4,4 ans vs "pas atteint" (HR 0,75 ; IC à 95% 0,59-0,95 ; P = 0,017). Les données relatives aux patients présentant un volume pathologique faible sont encore trop peu nombreuses pour être analysées. Les auteurs de cette étude ont conclu que ces données changent la pratique et que les hommes atteints d'un PCa métastatique de volume élevé de novo doivent recevoir la trithérapie par ADT, docétaxel et abiratérone. Cependant, le Dr Schatteman a conclu en posant un regard critique sur ces données. S'il reconnaît qu'administrer les trois traitements actifs aux patients atteints d'un PCa à haut risque est indiqué, il se demande si une administration simultanée de ces trois traitements est nécessaire. Le Pr Tombal l'a rejoint sur ce point et a souligné qu'il manque un bras dans cette étude, à savoir abiratérone ± docétaxel, car le SOC a été modifié dans le courant de l'étude. Selon les experts autour de la table, la seule conclusion qui peut être tirée sur base de l'étude PEACE-1 est que plus aucun rôle n'est réservé au docétaxel + ADT, maintenant que l'abiratérone semble efficace. Il est donc peut-être plus raisonnable de commencer par un ARTA, puis de passer à la CT en cas de progression de la maladie. Le Dr Seront a indiqué que l'abiratérone ne peut pas être administrée à certains patients, mais que les chances de survie du patient dépendent du nombre de traitements qu'il peut recevoir. Il a confirmé que dans la pratique actuelle, la préférence va à l'ADT + un ARTA. Le Dr Emmanuel Seront (oncologie médicale, UCL Bruxelles) a abordé le rôle des inhibiteurs de PARP dans le cancer de la prostate avancé, en se référant à l'étude PROFOUND, la première étude positive guidée par biomarqueur dans le PCa 4. Des patients atteints d'un mCRPC présentant une progression durant le traitement par ARTA et des anomalies génétiques impliquées dans la réparation de l'ADN ont été randomisés à l'inhibiteur de PARP olaparib ou au SOC, c'est-à-dire l'enzalutamide ou l'abiratérone, au choix du médecin. 65% des patients avaient déjà reçu du docétaxel auparavant. Les patients ont été répartis en deux cohortes, en fonction de leur type de modification génétique: la cohorte A se composait de patients présentant au moins une anomalie des gènes BRCA1, BRCA2 ou ATM, tandis que la cohorte B rassemblait des patients présentant des anomalies des 12 autres gènes impliqués dans la réparation de l'ADN. Le critère d'évaluation principal était la rPFS chez les patients présentant des mutations des gènes BRCA1, BRCA2 ou ATM (cohorte A). Dans cette cohorte, la rPFS médiane était significativement plus longue dans le groupe olaparib que dans le groupe témoin (7,4 vs 3,6 mois ; HR 0,34 ; IC à 95% 0,25-0,47 ; P < 0,001). Le traitement par olaparib après progression sous traitement par ARTA s'est accompagné d'un risque nettement plus faible de progression ou de décès (66%), par rapport à un traitement par enzalutamide ou abiratérone. Dans la cohorte A, l'OS médiane était de 19,1 mois dans le groupe olaparib et de 14,7 mois dans le groupe témoin (HR 0,69).Dans la cohorte B, elle était de 14,1 mois avec l'olaparib, contre 11,5 mois avec le SOC (HR 0,96). Comme respectivement, 67% et 63% des patients du groupe témoin ont finalement été traités par olaparib, les HR après correction pour cross-over sont de 0,42 (cohorte A) et 0,83 (cohorte B). L'analyse des sous-groupes a montré que le plus grand avantage a été observé chez les patients présentant des mutations de BRCA1 et BRCA2. Dans le sous-groupe ATM, l'olaparib n'a pas permis d'obtenir de réel avantage. Dans les autres sous-groupes génétiques, le nombre de patients était encore trop faible pour observer un effet du traitement (figure 4). Les effets indésirables les plus fréquents avec l'olaparib ont été une anémie et des nausées, mais le Dr Seront a souligné que ce groupe de patients avait déjà suivi un traitement lourd auparavant. Il a conclu que l'olaparib doit être utilisé chez les patients présentant une anomalie du gène BRCA. Des questions subsistent certes encore, telles que la place de l'olaparib dans le plan de traitement, par exemple avant ou après la CT. Le Pr Tombal se demande si nous devons désormais tester tous les patients dans la pratique clinique afin de détecter les mutations génétiques et, le cas échéant, à quel moment. Le Dr Seront est favorable au test de tous les patients atteints d'un PCa métastatique, en particulier les patients jeunes qui régressent rapidement durant un traitement par ARTA ou docétaxel. La Dr Simone Albisinni (urologie, hôpital Erasme, Bruxelles) a commenté des données qui indiquent un risque accru de mortalité précoce chez les survivants d'un cancer du testicule ayant reçu une CT au platine ou une RT. Cette évaluation a été réalisée dans le contexte d'une étude de cohorte populationnelle, lors de laquelle les données de 5707 patients atteints d'un cancer du testicule enregistrées dans le registre du cancer norvégien ont été liées à la base de données dans laquelle sont rapportées les causes de décès5,6. Durant un suivi médian de 18,7 ans, une cause de décès différente du cancer du testicule a été enregistrée pour 665 hommes (12%). La surmortalité totale des survivants d'un cancer du testicule était de 23% par rapport à une même classe d'âge de la population générale. Une augmentation significative de la mortalité due à un 2e cancer après une CT ou une RT a été observée (53% par rapport à la population totale) (figure 5). Un risque accru de suicide dans le groupe ayant reçu une CT et un risque accru d'affections gastro-intestinales dans le groupe ayant reçu une RT ont également été notés. La mortalité cardiovasculaire totale à long terme n'était pas supérieure parmi la population de l'étude (augmentation après 1 an). Par rapport à la chirurgie, la mortalité totale après plus de 10 ans de suivi était supérieure après au moins 4 cycles de CT au platine. Un risque accru de cancer de la thyroïde ou de mélanome a été observé dans le groupe traité par chirurgie, mais selon La Dr Albisinni, l'explication est peut-être génétique ou la conséquence de scanners répétés. La Dr Albisinni a souligné que les survivants d'un cancer du testicule doivent être accompagnés et que les aidants doivent être conscients du risque accru de suicide après une CT au platine. La Dr Mercier a commencé sa présentation par les directives de consensus de l'ESTRO-EORTC afin de clarifier le large spectre de la maladie oligométastatique. L'oligoprogression est définie comme l'apparition d'oligométastases durant un traitement systémique actif. La radiothérapie stéréotaxique (SBRT) permet de reporter la modification du traitement systémique chez les patients atteints d'un cancer du rein métastatique (mRCC) présentant une oligoprogression. Une étude prospective multicentrique a évalué la SBRT chez des patients atteints d'un mRCC présentant une oligoprogression (5 métastases au maximum), qui ont réagi à un traitement d'au moins 3 mois par un inhibiteur de tyrosine kinase (TKI) 7. L'étude a été fermée prématurément en raison de l'inclusion lente ; 37 patients présentant 57 tumeurs avec oligoprogression ont ainsi finalement été inclus. La Dr Mercier a souligné qu'il s'agissait d'une sélection représentative de patients, avec une durée médiane de traitement par TKI de 18,6 mois. Les patients présentaient au maximum 3 lésions résultant de l'oligoprogression. Les hôpitaux qui participaient à l'étude pouvaient appliquer leur propre politique en matière de SBRT. Le contrôle local des tumeurs irradiées après 1 an était de 93%. La PFS médiane après SRT était de 9,3 mois. La durée médiane jusqu'à la modification du traitement systémique était de 12,6 mois. L'OS après un an était de 92% (IC à 95% 82-100%). La SBRT s'est révélée sûre, sans toxicité de grade III-V aiguë ou tardive. Une autre étude prospective de phase II a évalué le potentiel de la radiothérapie afin de reporter la modification du traitement systémique chez les patients atteints d'un mRCC présentant une oligoprogression8. Lors d'un suivi médian de 17,5 mois, la PFS médiane était de 22,7 mois et la survie sans traitement systémique à 1 an était de 82%. 10% des patients présentaient des toxicités aiguës de grade ? III, mais aucune toxicité de grade ? III tardive n'a été observée. La Dr Mercier considère ces résultats comme prometteurs et indique que la place exacte de la SBRT dans le mRCC doit être déterminée de manière plus précise. Espérons que l'étude OligoRARE de l'EORTC apportera des réponses claires en la matière (figure 5). Les spécialistes autour de la table ont confirmé qu'ils utilisent la SBRT dans leur pratique quotidienne chez les patients présentant une progression rapide de quelques métastases. Le Dr Emmanuel Seront a indiqué que 40 à 50% des patients atteints d'un cancer du rein (RCC) et présentant des facteurs de risque élevés rechutent après une néphrectomie et nécessitent un traitement adjuvant. L'étude de phase III KEYNOTE-564 a évalué le pembrolizumab comme traitement adjuvant après néphrectomie chez des patients atteints d'un carcinome à cellules claires du rein (ccRCC) confirmé par l'histologie et présentant des facteurs de risque intermédiaires-élevés, des facteurs de risque élevés ou un statut M1 NED (pas de preuve de la maladie après une résection complète de la tumeur primitive + des métastases des parties molles ? 1 an après la néphrectomie) (figure 6)9. Les patients avaient subi une néphrectomie au moins 12 semaines avant la randomisation et n'avaient pas reçu de traitement systémique précédemment. La survie sans maladie (DFS) était plus longue avec le nivolumab en adjuvant qu'avec le placebo dans la population en intention de traiter (ITT) et chez les patients présentant un niveau d'expression de PD-L1 de 1% ou plus.La DFS après 24 mois était de 77,3%, contre 68,1% (HR 0,68 ; IC à 95% 0,53-0,87 ; P = 0,002). Le pourcentage estimé de patients en vie après 24 mois était de 96,6% dans le groupe pembrolizumab et de 93,5% dans le groupe placebo (HR 0,54 ; IC à 95% 0,30-0,96). Par rapport au placebo, le pembrolizumab a permis d'obtenir une amélioration statistiquement significative et cliniquement pertinente de la DFS dans les différents sous-groupes. Chez les patients M1 NED également, le pembrolizumab a été associé à moins de rechutes, mais le nombre de patients dans ce groupe est faible, selon le Dr Seront. Celui-ci a conclu qu'il existe des preuves solides que le pembrolizumab ralentit la progression de la maladie après une néphrectomie, mais la véritable question est de savoir si cela a un impact sur son évolution. Si une récidive se développe, en quoi cette stratégie adjuvante modifie-t-elle le traitement de 1re ligne? Pour le savoir, un plus long suivi ainsi que des données relatives à l'OS sont nécessaires. Ces données peuvent néanmoins être considérées comme un premier pas dans la tentative de guérison des patients atteints d'un RCC au moyen d'un traitement adjuvant, selon le Dr Seront. Le Pr Christof Vulsteke (oncologie médicale, Maria Middelares, Gent) a présenté les premiers résultats de l'étude de phase III Checkmate 274 évaluant le nivolumab en adjuvant chez des patients ayant subi une cystectomie radicale en raison d'un carcinome urothélial infiltrant le muscle (MIBC) à haut risque10. Les patients qui avaient reçu une CT adjuvante au cisplatine avant le début de l'étude étaient autorisés à participer. L'étude a atteint ses critères d'évaluation principaux, tant dans la population ITT que dans la population PD-L1 positive. Après 6 mois, 74,9% des patients du groupe nivolumab étaient sans maladie, contre 60,3% dans le groupe placebo. Le HR pour la récidive ou le décès était de 0,70, ce qui correspond à une réduction de 30%. La DFS médiane était presque deux fois plus élevée, par rapport au placebo (figure 8). Parmi les patients présentant un niveau d'expression de PD-L1 ? 1%, le pourcentage de patients sans maladie était, respectivement, de 74,5% et 55,7% (HR 0,55 ; P < 0,001). Nous disposons désormais d'une première étude positive dans le contexte adjuvant, alors que l'étude IMVigor-010 était négative, selon le Pr Vulsteke. Il a indiqué que les deux études possèdent un plan comparable et qu'il est difficile d'expliquer la différence entre les résultats. Il a souligné que la DFS n'est pas un bon paramètre pour introduire dès maintenant des modifications dans la pratique clinique: il faudra attendre les données relatives à l'OS.