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La Pr Anne Demols (ULB Erasme, Bruxelles) a présenté de nouvelles données susceptibles de changer les pratiques dans le cholangiocarcinome. L'étude de phase III TOPAZ-1 1 a comparé, chez 685 patients avec cholangiocarcinome avancé, l'association CISGEM + durvalumab vs CISGEM + placebo pendant 24 semaines, suivie d'un traitement d'entretien par durvalumab vs placebo jusqu'à la progression. La mOS s'est élevée à 12,8 (11,1-14,0) vs 11,5 (10,1-12,5) mois (HR: 0,80 ; p = 0,021), sans effets secondaires inattendus. Le schéma incluant l'immunothérapie n'est pas encore la norme: son efficacité dans une population non asiatique reste mal établie. L'importance de l'expression de PD-L1 et l'efficacité du traitement d'entretien par chimiothérapie (CT) sont d'autres questions auxquelles l'étude KEYNOTE-966, en cours, peut apporter une réponse. Le cholangiocarcinome intrahépatique (CCAi) renferme plusieurs changements oncogènes potentiellement exploitables. Les fusions impliquant les récepteurs FGFR ( Fibroblast Growth Factor Receptor) et les mutations du gène IDH1 (isocitrate dehydrogenase 1) sont déjà cliniquement pertinentes. L'incidence rapportée des fusions de FGFR est d'environ 10-16%. Des études de phase II ont montré l'efficacité d'inhibiteurs de FGFR (tableau 1). Elles ont obtenu un ORR d'environ 30% et une PFSm de plus ou moins 7 mois. Les inhibiteurs ont donné des effets secondaires caractéristiques pour cette classe, mais gérables. Des mutations des gènes IDH1/2 sont présentes dans quelque 20% des CCAi. Dans l'étude de phase III ClarIDHy 5, l'ivosidenib (un inhibiteur d'IDH1) a entraîné une PFS significativement supérieure. Le spectre d'altérations moléculaires potentiellement traitables s'élargit. Une analyse intermédiaire de l'étude FIDES-016 a révélé que le déranzantenib a mené à un pourcentage élevé de contrôle de maladie, y compris chez 23 patients porteurs de mutations et d'amplifications de FGFR. KRYSTAL-17, une étude panier multicohorte de phase I/II évaluant l'adagrasib dans les tumeurs solides porteuses d'une mutation KRASG12C, a montré un contrôle de la maladie chez tous les patients et une réponse partielle chez 5 patients dans une cohorte de 8 patients atteints d'un carcinome biliaire. Les membres du panel se sont accordés à dire que, dans le CCAi, les analyses moléculaires sont indiquées au moment d'instaurer le traitement de 1re intention. Les analyses couvrent les fusions de FGFR, les mutations du gène IDH 1, l'amplification de HER-2, les mutations BRAF, les mutations KRAS (G12C), les mutations HRD (déficit de recombinaison homologue) ainsi que les marqueurs de tumeurs agnostiques MSI et NTRK. La Pr Karen Geboes s'est concentrée sur les nouvelles données relatives à l'inhibition directe de la mutation KRASG12C dans les CCRm. Ces derniers représentent une petite minorité (env. 4%) du total (env. 45%) de CCR porteurs de mutations RAS. Les mutations occasionnent une activation constitutionnelle de la voie de signalisation qui active la croissance tumorale. Les protéines RAS liées au guanosine diphosphate (GDP) sont désactivées, à l'inverse de celles liées au guanosine triphosphate (GTP). Les inhibiteurs directs de KRASG12C bloquent cette protéine dans sa conformation inactive, liée au GTP, via une liaison covalente irréversible au résidu cystéine. Les premières données cliniques sont connues pour le sotorasib et l'adagrasib. Le sotorasib a montré une activité antitumorale modérée et un profil de sécurité acceptable dans l'étude de phase II CodeBreaK1008. Cette étude panier en a évalué l'activité et la sécurité chez des patients atteints de tumeurs solides avancées, porteurs de mutations KRASG12C. Dans le groupe cancer colorectal réfractaire à la CT, 9,7% des 62 patients ont obtenu une réponse objective et 82,3%, un contrôle de la maladie. L'étude de phase Ib CodeBreak1019 a obtenu des résultats prometteurs avec l'association sotorasib + panitumumab. KRYSTAL-1, un essai panier de phase Ib/II, a testé l'adagrasib en monothérapie et en association avec le cétuximab chez des patients atteints de tumeurs solides avancées porteurs de mutations KRAS G12C et ayant épuisé tous les traitements possibles. Chez les 78 patients atteints de cancer colorectal10, la réponse a atteint 22% dans le groupe monothérapie (n = 46) et 43% dans le groupe association (n = 32). Le pourcentage de contrôle de la maladie s'est élevé respectivement à 87% et 100%. La monothérapie et l'association avec le cétuximab avaient un profil de sécurité gérable. Une étude de recherche préclinique se concentre aussi sur le blocage de la mutation KRAS G12D, plus fréquente,11 et sur les inhibiteurs pan-RAS. Les membres du panel se sont accordés sur l'intérêt et les promesses de ces données. Il reste néanmoins certaines questions auxquelles seules les recherches complémentaires pourront apporter une réponse. Ils ont souligné l'importance d'inclure des patients dans les études cliniques. L'expression de PD-L1 est un test complémentaire ou concomitant pour les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire dans les tumeurs de l'oesophage, de la jonction oesogastrique (GEJ) et de l'estomac. Le Dr Vasiliki Siozopoulou (UZA Antwerpen) insiste sur la complexité du test et sur la confusion qui règne toujours sur sa méthodologie et son interprétation. Plusieurs systèmes de score coexistent: le score TPS ( Tumor Proportion Score) est le pourcentage de cellules tumorales PD-L1-positives par rapport au nombre total de cellules tumorales viables ; le score CPS ( Combined Positive Score) est le rapport de cellules PD-L1-positives (cellules tumorales, lymphocytes, macrophages) sur le nombre total de cellules tumorales viables. Les critères de remboursement actuels reposent sur le score CPS (tab. 2). Il est important que l'anatomopathologiste dispose d'informations correctes. Le matériel analysé ne doit pas dater de plus de 5 ans et le test ne peut être exécuté qu'en cas de carcinome invasif ou d'adénocarcinome intra-muqueux et lorsque la cytologie n'est pas possible. L'expression de PD-L1 est hétérogène et peut changer après un traitement. Elle dépend en outre de la localisation, entre une tumeur primitive et une métastase. Le Dr Siozopoulou a insisté sur le fait qu'une nouvelle biopsie de la métastase doit de préférence être prélevée. Les opinions divergeaient en ce qui concerne l'utilisation d'un test différent, avec un anticorps spécifique pour le nivolumab et le pembrolizumab. Le Pr Van Cutsem a estimé que cela ne pose aucun problème sur le plan clinique, car les résultats présentent une bonne corrélation. Cette condition dans les critères de remboursement n'est pas fixée. Il a souligné l'importance de l'expertise de l'anatomopathologiste et la nécessité d'une standardisation. Le Dr Siozopoulou "ne lui a pas donné tort" mais il a noté que, dans les tumeurs GI, la corrélation entre les différents tests n'a pas encore été démontrée. D'après le Pr Marc Van den Eynde (ULB Erasme, Bruxelles), 2021 a été l'année de l'immunothérapie. ? En traitement adjuvantL'étude CheckMate 57714 a comparé un traitement adjuvant par nivolumab à un placebo après une chirurgie R0 pour une tumeur de l'oesophage et de la GEJ (tant un adénocarcinome qu'un carcinome épidermoïde) avec tumeur résiduelle après une radiochimiothérapie néoadjuvante (> ypt1 ou > ypN1). L'étude de phase III a atteint une PFS significativement plus longue dans le groupe nivolumab (PFS médiane: 22,4 vs 11,0 mois ; HR: 0,69) avec maintien de la qualité de vie.Les résultats d'OS ne sont pas encore connus. Sur cette base, et dans le cadre des critères de l'étude, le traitement adjuvant par le nivolumab est la norme. ? En 1re ligneTrois études ont évalué l'immunothérapie par rapport à la CT standard en traitement de 1re intention. Dans l'étude CheckMate 64815, elle a été testée dans le carcinome spinocellulaire de l'oesophage ; l'étude KEYNOTE 59013, dans l'adénocarcinome de l'oesophage et l'adénocarcinome HER-2-négatif de la GEJ ; et l'étude CheckMate-64912, chez des patients avec adénocarcinomes HER-2-négatifs avancés de l'estomac et de la GEJ. Comme le Dr Siozopoulou l'a précisé, il existe des différences de méthodologie et de valeur plafond de l'expression de PD-L1. Les 3 études ont révélé un allongement significatif de l'OS et de la PFS dans le groupe PD-L1-positif, mais aussi chez tous les patients indépendamment de cette valeur. Dans l'étude CheckMate-648 (15), le traitement dans le 3e bras, par l'association nivolumab + ipilimumab, a aussi résulté en une OS significativement meilleure qu'avec la CT seule, et ce tant chez les patients PD-L1 > 1% que chez les autres. Les critères de remboursement reposent sur les études CheckMate-649 et KEYNOTE-590. Pour terminer, le Pr Van den Eynde a mentionné les bons résultats préliminaires de l'étude KEYNOTE-811 pour l'association CT + trastuzumab + pembrolizumab dans les tumeurs gastriques avec amplification de HER-216. Si ces résultats se confirment, ils pourraient bien changer la norme. Au cours de la discussion, tous ont affirmé que l'immunothérapie s'impose comme traitement de premier choix dans les cancers MSI-H. Les études de phase III font encore défaut, mais les analyses de sous-groupes et les études de phase II ont fourni des indices solides. Le Pr Van Cutsem a mentionné l'étude NEONIPIGA17, qui a testé l'association immunothérapie + nivo + ipi en traitement préalable à la chirurgie chez 32 patients avec adénocarcinome dMMR de l'estomac ou de la GEJ, dont 17 ont obtenu une réponse pathologique complète (58,6%).