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La Dr Karen Geboes, Universitair Ziekenhuis (Gand), s'est intéressée aux nouveaux développements sur le plan des traitements systémiques des tumeurs malignes de l'oesophage, de la jonction gastro-oesophagienne et de l'estomac. Le traitement actuel des patients souffrant d'un (adéno)carcinome métastasé de l'oesophage, de la jonction gastro-oesophagienne ou de l'estomac consiste essentiellement en une chimiothérapie de 1re ligne, le plus souvent dans le cadre d'études cliniques. Le Pr Geboes a évoqué trois nouvelles études randomisées de phase III (CheckMate 649, KEYNOTE-590 et ATTRACTION-4) comparant la chimiothérapie à la chimiothérapie + immunothérapie avec des inhibiteurs des points de contrôle. Selon ces études, le traitement combiné présente un avantage statistiquement significatif, tant pour l'adénocarcinome que pour le carcinome épidermoïde (SCC). KEYNOTE-590 montre en outre un avantage important pour les patients présentant un score positif combiné (CPS) ? 10 (voir Tableau). Entre-temps, la FDA américaine a approuvé le nivolumab (nivo) et le pembrolizumab pour le traitement de 1re ligne des adénocarcinomes. Après l'approbation de l'EMA, le Pr Geboes s'attend à ce que ces inhibiteurs des points de contrôle soient bientôt disponibles en Belgique pour les traitements de 2e ligne des SCC métastatiques (monothérapie), en 1re ligne pour les adénocarcinomes et les SCC (traitement combiné avec une chimio), pour les traitements adjuvants après une chimio-radiothérapie d'induction et pour le traitement des tumeurs présentant une instabilité microsatellitaire élevée (MSI-H). Le Pr Geboes a présenté un outil pratique, l' ESMO-magnitude of clinical benefit scale (ESMO-MCBS) grâce auquel on peut déterminer l'impact clinique de tous les nouveaux médicaments anticancéreux pour les traitements adjuvants et non adjuvants. Le Pr Geboes a souligné qu'il est important d'inscrire les patients dans des études cliniques pertinentes, car elles sont de plus en plus nombreuses. En Belgique, les études et les patients peuvent être enregistrés via le site Web cancertrials.be. À l'avenir, d'autres biomarqueurs moléculaires joueront également un rôle, comme la surexpression du FGFR2b.Le Pr Geboes estime qu'il doit y avoir un débat sociétal sur les critères de sélection des patients. Elle pense que de plus amples études s'imposent au sujet des différents biomarqueurs afin de déterminer quels patients tirent des bénéfices de certains traitements, de sorte que les coûts restent maîtrisables. L'ESMO-MCBS serait un bon outil à cet égard. Le panel a également discuté de la question des seuils. Sur ce plan, l'assurance-maladie examine l'expression de PD-L1, de sorte que le traitement est remboursé chez certains patients et pas chez d'autres. Dr Pieter Demetter, Institut Jules Bordet (Bruxelles) a pour sa part évoqué les marqueurs moléculaires dans les tumeurs malignes du tractus gastro-intestinal supérieur: il souligne que leur nombre augmente de façon spectaculaire. Les anatomopathologistes doivent dès lors effectuer de plus en plus de tests. Le problème est que bon nombre de médecins ne savent pas exactement lesquels demander. Il existe déjà de bonnes recommandations, comme celles de l'ESMO concernant la recherche de l'instabilité microsatellitaire pour l'immunothérapie. Le premier choix est l'immunohistochimie (IHC), suivie de la réaction en chaîne par polymérase (PCR) et du séquençage de nouvelle génération (NGS), en fonction du type de tumeur maligne. Le Pr Demetter a expliqué que le test de PD-L1 pose de nombreux problèmes. Dans les tumeurs malignes du tractus gastro-intestinal supérieur, le PD-L1 est principalement déterminé à l'aide du Combined Positive Score (CPS), mais le seuil n'est toujours pas clair. En outre, de nombreux échantillons et biopsies sont très difficiles à évaluer par IHC. Le Cancer Genome Atlas (TCGA) est un projet international qui tente de subdiviser tous les types de cancers en sous-groupes. Pour le cancer gastrique, on a entretemps défini quatre groupes principaux (voir figure). Ces groupes ont chacun leurs caractéristiques et altérations moléculaires propres. Les tumeurs avec instabilité chromosomique (CIN) comptent ainsi trois nouveaux sous-groupes, HER2, cMET et FGFR2, ce dernier devenant de plus en plus important dans les tumeurs malignes de l'estomac et les cholangiocarcinomes. Malheureusement, souvent, il est difficile de savoir exactement ce qu'il faut tester ainsi que la meilleure stratégie de traitement. Le Pr Demetter a terminé son exposé en expliquant les fusions des gènes NTRK et la manière de tester un échantillon pour détecter leur présence (voir figure). Il a également rappelé les recommandations existantes de l'ESMO à ce sujet ( ESMO recommendations on the standard methods to detect NTRK fusions in daily practice and clinical research). Le Pr Demetter pense que les médecins et les anatomopathologistes donneront aux patients un CPS plus élevé pour qu'ils puissent participer à une étude. Le Dr Van Laethem, qui pense également que le CPS n'est pas une bonne méthode, préfère prendre en compte la charge tumorale mutationnelle TMB comme marqueur objectif et quantitatif. Le Dr Van den Eynde et le Pr Geboes soulignent que les seuils constituent à nouveau un problème ici, tout comme la fiabilité du TMB. Enfin, le panel a discuté de l'importance de faire la distinction entre les amplifications et les mutations de HER2. En outre, les médecins doivent savoir que le HER2 en cas de cholangiocarcinomes est différent du HER2 en cas de cancer gastrique. Naturellement, il serait scientifiquement intéressant de tester tous les carcinomes avec le NGS, mais cela deviendrait très coûteux. De plus, même le NGS ne peut donner de réponses concluantes, en raison des nombreuses amplifications et mutations. L'exposé du Pr Ivan Borbath, UCL Saint Luc (Bruxelles) s'est concentré sur le carcinome hépatocellulaire (CHC) de stade II et III, sur base de la stadification Barcelona Clinic Liver Cancer (BCLC)1. Jusqu'il y a peu, le traitement standard du CHC était le sorafénib, un inhibiteur de la tyrosine kinase (ITK), suivi du régorafénib, auxquels se sont ensuite ajoutés le lenvatinib, le cabozantinib et le ramucirumab. Ces dernières années, de nombreuses études ont été menées avec des inhibiteurs des points de contrôle immunitaires (ICI) en cas de CHC. Malheureusement, les études de phase III avec une monothérapie furent négatives, tant en 1re qu'en 2e ligne. L'étape suivante a consisté à étudier des traitements combinés, par exemple avec des anti-CTLA4 ou des inhibiteurs de l'angiogenèse. L'an dernier, l'étude de phase III IMbrave 150 a été publiée2. Elle comparait l'atézolizumab + bévacizumab avec le sorafénib pour le traitement de 1re ligne du CHC avancé. La combinaison était supérieure en termes d'OS, de PFS, de qualité de vie et de toxicité. Une deuxième étude de phase III dans la même population a comparé le sintilimab + bévacizumab avec le sorafénib, et elle a montré des résultats similaires3. De nombreuses études avec des traitements combinés sont encore en cours. Le Pr Borbath s'attend à ce qu'à l'avenir, l'inhibition des points de contrôle immunitaires constitue la base du traitement du CHC, en y ajoutant d'autres traitements, simultanément ou séquentiellement4. Afin de permettre une sélection adéquate des options de traitement, il sera important de développer (plus avant) des biomarqueurs prédictifs utiles. Enfin, le Pr Borbath a présenté les recommandations actualisées de l'ESMO, qui stipulent désormais clairement que l'association atézolizumab + bévacizumab est le traitement standard de 1re ligne pour le CHC avancé, le sorafénib et le lenvatinib étant des alternatives possibles. En 2e ligne, après le sorafénib ou le lenvatinib, le cabozantinib, le régorafénib ou le ramucirumab peuvent être administrés. Après l'atézo/béva en 1re ligne, les cinq agents peuvent être administrés, bien que les preuves à ce sujet soient actuellement très limitées. Le Pr Van Laethem a ouvert la discussion en se demandant à haute voix si nous devions continuer à donner des ICI tout au long du traitement, et passer d'une combinaison à une autre. Le Pr Borbath a répondu que, bien qu'il n'existe actuellement aucune donnée à ce sujet, il est certainement possible que la résistance aux ICI puisse être surmontée en changeant de combinaison, et que cela mérite d'être exploré davantage. Le Pr Van Cutsem a demandé si certains patients pourraient entrer en ligne de compte pour un traitement systémique, pour lesquels le Pr Borbath préférerait un traitement par ITK en 1re ligne ; sa réponse était que ce serait effectivement son choix pour les patients ayant subi une transplantation. Chez ceux présentant des varices (avec ou sans saignement récent), il traiterait d'abord les varices avant de commencer un traitement systémique. La Pr Anne Demols, ULB Erasme (Bruxelles), dernière oratrice de cette réunion, a parlé des tumeurs des voies biliaires ( biliary tract cancers, BTC), un groupe très hétérogène, tant d'un point de vue anatomique que génétique. La Pr Demols a expliqué que tant le traitement de 1re que de 2e ligne des BTC est resté inchangé depuis un certain temps, en l'occurrence gemcitabine + cisplatine, suivi de mFOLFOX en 2e ligne. Les fusions ou recombinaisons du FGFR se produisent dans 15 à 20% des cholangiocarcinomes intrahépatiques (IHCC). Deux études de phase II ont porté sur un traitement de 2e ligne avec les inhibiteurs du FGFR que sont le pemigatinib et l'infigratinib5,6. Dans les deux études, des OS et des PFS acceptables ont été obtenus dans le groupe de patients présentant des anomalies du FGFR, et la toxicité était conforme au profil connu des produits. Ces deux traitements font actuellement l'objet d'études de phase III, en tant que traitement de 1re ligne. Environ 20% des patients souffrant d'IHCC présentent une mutation IDH 1 ou 2. L'ivosidénib est un inhibiteur de l'IDH1, qui a déjà été évalué dans une étude de phase III, contrôlée par placebo. Tant la PFS que l'OS étaient significativement allongées dans le bras ivosidénib. Actuellement, l'ivosidénib n'est pas (encore) disponible en Belgique. Les mutations et amplifications de Her2, ainsi que les mutations de BRAF sont d'autres cibles intéressantes qui doivent être étudiées plus avant. Le Pr Demols a ensuite évoqué les fusions de NTRK1, 2 et 3, dont son groupe de recherche a maintenant confirmé qu'elles se produisent également dans environ 1% des cas de BTC7. Le larotrectinib, un inhibiteur de NTRK, est remboursé en Belgique depuis avril. La MSI-H n'est également présente que dans environ 1% des cas, et les premiers résultats avec l'immunothérapie semblent alors favorables. Le Pr Demols espère que les thérapies ciblées joueront un rôle plus important à l'avenir. L'étude Moscato a montré que les patients atteints de BTC avec une " actionable target" qui ont reçu un traitement personnalisé ont obtenu de bien meilleurs résultats que ceux qui n'en avaient pas bénéficié. Ce concept sera étudié plus en détail dans l'étude SAFIR ABC-010, à laquelle le BGDO va participer, en collaboration avec des groupes britanniques et français. Le Pr Van Cutsem a fait remarquer que le gène BRCA et d'autres gènes responsables de HRD peuvent également jouer un rôle dans les BTC, et qu'ils devraient probablement être ajoutés à la liste des altérations potentielles. Le Dr Van den Eynde a demandé si le Pr Demols s'attend à ce que la chimiothérapie pour les BTC soit finalement remplacée par des thérapies ciblées en 1re ligne également. Elle a répondu que, pour le bien des patients, elle espère vraiment que les études en cours seront couronnées de succès, car, dans de nombreux cas, cela rendrait le traitement plus facile à tolérer.