La gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS) et l'hématopoïèse clonale (HC) sont deux expansions clonales précliniques dans la moelle osseuse. Leur prévalence augmente selon l'âge, et dépasse les 10% chez les plus de 70 ans. Le risque accru de tumeur myéloïde est connu depuis longtemps dans le myélome multiple (MM). Une association entre l'HC et la MGUS peut contribuer à l'expliquer. Une analyse menée chez 777personnes âgées (médiane: 91 ans), sélectionnées sur base de l'HC, a montré que la prévalence de la MGUS était de 9,6% ; celle de l'HC, de 17,3%. L'HC est présente chez 9,7% des patients atteints d'une MGUS, tandis que la MGUS est présente chez 5,5% des porteurs d'une HC. Il n'existe toutefois aucune corrélation significative et leur association avec des covariables cliniques et de laboratoire diffère: toutes deux sont des anomalies clonales de l'hématopoïèse liées à l'âge, mais ne sont pas liées entre elles. Ce résultat contraste avec les conclusions de l'étude sur l'impact de l'association avec des lymphomes de bas grade, en particulier la maladie de Waldenström (MW) où l'HC était présente chez 14% des patients. Les patients porteurs d'une HC présenteraient un risque accru de progression de la MGUS IgM ou de la MW indolente vers une MW active.

MMI: myélome multiple indolent

La prise en charge du MMI à haut risque reste un défi. "Traiter ou ne pas traiter: le médecin doit-il prendre la décision pour le patient ou le patient doit-il décider après avoir reçu des informations adéquates?" (d'après l'IMF-International Myeloma Foundation)

Le risque de progression vers un MM actif peut être estimé correctement. Trois classifications sont ainsi cliniquement utilisables: celle de la Mayo Clinic (2007), la classification espagnole (2007) et celle de l'IMWG (2020). Chacune distingue trois groupes, en fonction du nombre de facteurs de risque, et prédisent la progression à 2 ans ou plus. Les patients atteints d'un MMI à haut risque présentent des caractéristiques spécifiques (selon le profilage génomique, avec un risque de progression d'au moins 50% à 2 ans, selon des découvertes récentes). Des interventions thérapeutiques précoces peuvent donc leur être utiles.

De nombreuses études en cours ou terminées récemment ont pour objectif thérapeutique soit un ralentissement significatif de la progression de la maladie, soit une guérison opérationnelle. Len-Dex contre observation et Elo-Rd ou Ixa-Rd ou KRdx8 avec Len en entretien (phaseII) en sont quelques exemples. L'isatuximab en monothérapie et le daratumumab en monothérapie dans différentes intensités de dose sont étudiés ici. Tous ces traitements induiraient une PFS/OS à deux ans (ou plus) supérieure à 90%! Le traitement par daratumumab seul semble également prometteur.

Il va de soi que plus de patients doivent être traités, avec un suivi significatif, avant que des conclusions puissent être dégagées. L'approche préventive doit être privilégiée.

La séquence de KRDx6-ASCT-KRDx2-Len Dex est un exemple de stratégie curative pendant deux ans. Ses résultats? Négativité de la MR mesurable chez 52%, avec une PFS de 94% et une OS de 95% après cinq ans! Plusieurs autres études de grande ampleur sont en cours, par exemple l'essai ASCENT évaluant le KRd-D, qui montre d'ores et déjà une bonne tolérance...

MM actif

• Traitements de 1re ligne: selon les directives de l'EHA/ESMO, il est possible d'opter pour une combinaison quadruple, suivie par une greffe autologue de cellules souches, puis Len ou Len avec un inhibiteur du protéasome pour le groupe à haut risque.

La collecte en temps voulu d'une quantité suffisante de cellules souches est essentielle: ni trop tôt, ni trop tard! Si la greffe autologue de cellules souches n'est pas une option, des directives préconisent le Dara Rd ou le VRd avec le Len en entretien ou l'association dara-bortézomib-melphalan-predni ou le Rd (risque standard) ou le bortézomib (patients à haut risque).

• 1re rechute, selon la sensibilité résiduelle au Len: si le patient est encore sensible, dara-Rd- Krd ; autrement, une combinaison d'anti-CD38 (dara ou isa) comme carfil-dx. On ignore encore laquelle de ces trithérapies deviendra un meilleur choix.

• MM R/R: de nouvelles options apparaissent dans le cadre d'études, comme le bélantamab mafodotine ciblant le BCMA ou la thérapie par cellules CAR-T avec idécabtagène vicleucel ou ciltacabtagène autoleucel. La disponibilité (agents ciblant le BCMA) et la capacité de production (CAR-T), entre autres, sont des facteurs limitants. Les résultats sont toutefois impressionnants.

Il existe d'autres options, notamment des combinaisons avec le sélinexor, avec le vénétoclax (porteurs de t(11 ; 14)) et, bien entendu, avec les CT plus traditionnelles. L'avantage " off the shelf" des anticorps bispécifiques est important. La liste des thérapies bispécifiques ne cesse de s'allonger: teclistamab, elranatamab... Parallèlement à l'administration classique par voie intraveineuse, la voie sous-cutanée gagne du terrain et est désormais presque standard pour le daratumumab.

Le BCMA ( B-Cell Maturation Antigen) est donc une cible moléculaire des nouveaux anticorps bispécifiques, parallèlement au daratumumab non conjugué (ciblant la CD38) ou à l'élotuzumab (SCAN7), ainsi qu'aux " T-cell engagers" spécifiques. Le CD3 sur les lymphocytesT endogènes devient également une telle cible potentielle.

L'utilisation actuelle des lymphocytes T contre le MM nous permet de tirer quelques conclusions: les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire n'offrent pas de résultats suffisants, mais les anticorps bispécifiques demeurent prometteurs et la stratégie par cellules CAR-T fournit d'excellents résultats.

Les risques existants lors des traitements par cellules CAR-T sont désormais bien connus et en grande partie contrôlables. Les toxicités majeures sont le syndrome de relargage des cytokines (SRC), mais aussi un syndrome neurotoxique, l'ICANS ( Immune effector Cell Associated Neurotoxicity Syndrome). La durabilité de la réponse reste l'une des variables à surveiller.

L'alternance entre ces nouveaux traitements et les différentes combinaisons seront également étudiées. D'autres cibles moléculaires s'annoncent par ailleurs. Ces adaptations et d'autres éventuellement à venir sont donc attendues avec impatience dans la prise en charge du MM R/R, même aux phases plus précoces de la maladie. Ce paysage thérapeutique évolue effectivement très rapidement!

Must read:

A. Keller et al.Front.Oncol. 2022. Harnessing the T Cell to Treat MM: Dawn of New Therapeutic Paradigm

La gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS) et l'hématopoïèse clonale (HC) sont deux expansions clonales précliniques dans la moelle osseuse. Leur prévalence augmente selon l'âge, et dépasse les 10% chez les plus de 70 ans. Le risque accru de tumeur myéloïde est connu depuis longtemps dans le myélome multiple (MM). Une association entre l'HC et la MGUS peut contribuer à l'expliquer. Une analyse menée chez 777personnes âgées (médiane: 91 ans), sélectionnées sur base de l'HC, a montré que la prévalence de la MGUS était de 9,6% ; celle de l'HC, de 17,3%. L'HC est présente chez 9,7% des patients atteints d'une MGUS, tandis que la MGUS est présente chez 5,5% des porteurs d'une HC. Il n'existe toutefois aucune corrélation significative et leur association avec des covariables cliniques et de laboratoire diffère: toutes deux sont des anomalies clonales de l'hématopoïèse liées à l'âge, mais ne sont pas liées entre elles. Ce résultat contraste avec les conclusions de l'étude sur l'impact de l'association avec des lymphomes de bas grade, en particulier la maladie de Waldenström (MW) où l'HC était présente chez 14% des patients. Les patients porteurs d'une HC présenteraient un risque accru de progression de la MGUS IgM ou de la MW indolente vers une MW active. La prise en charge du MMI à haut risque reste un défi. "Traiter ou ne pas traiter: le médecin doit-il prendre la décision pour le patient ou le patient doit-il décider après avoir reçu des informations adéquates?" (d'après l'IMF-International Myeloma Foundation) Le risque de progression vers un MM actif peut être estimé correctement. Trois classifications sont ainsi cliniquement utilisables: celle de la Mayo Clinic (2007), la classification espagnole (2007) et celle de l'IMWG (2020). Chacune distingue trois groupes, en fonction du nombre de facteurs de risque, et prédisent la progression à 2 ans ou plus. Les patients atteints d'un MMI à haut risque présentent des caractéristiques spécifiques (selon le profilage génomique, avec un risque de progression d'au moins 50% à 2 ans, selon des découvertes récentes). Des interventions thérapeutiques précoces peuvent donc leur être utiles. De nombreuses études en cours ou terminées récemment ont pour objectif thérapeutique soit un ralentissement significatif de la progression de la maladie, soit une guérison opérationnelle. Len-Dex contre observation et Elo-Rd ou Ixa-Rd ou KRdx8 avec Len en entretien (phaseII) en sont quelques exemples. L'isatuximab en monothérapie et le daratumumab en monothérapie dans différentes intensités de dose sont étudiés ici. Tous ces traitements induiraient une PFS/OS à deux ans (ou plus) supérieure à 90%! Le traitement par daratumumab seul semble également prometteur. Il va de soi que plus de patients doivent être traités, avec un suivi significatif, avant que des conclusions puissent être dégagées. L'approche préventive doit être privilégiée. La séquence de KRDx6-ASCT-KRDx2-Len Dex est un exemple de stratégie curative pendant deux ans. Ses résultats? Négativité de la MR mesurable chez 52%, avec une PFS de 94% et une OS de 95% après cinq ans! Plusieurs autres études de grande ampleur sont en cours, par exemple l'essai ASCENT évaluant le KRd-D, qui montre d'ores et déjà une bonne tolérance... • Traitements de 1re ligne: selon les directives de l'EHA/ESMO, il est possible d'opter pour une combinaison quadruple, suivie par une greffe autologue de cellules souches, puis Len ou Len avec un inhibiteur du protéasome pour le groupe à haut risque.La collecte en temps voulu d'une quantité suffisante de cellules souches est essentielle: ni trop tôt, ni trop tard! Si la greffe autologue de cellules souches n'est pas une option, des directives préconisent le Dara Rd ou le VRd avec le Len en entretien ou l'association dara-bortézomib-melphalan-predni ou le Rd (risque standard) ou le bortézomib (patients à haut risque). • 1re rechute, selon la sensibilité résiduelle au Len: si le patient est encore sensible, dara-Rd- Krd ; autrement, une combinaison d'anti-CD38 (dara ou isa) comme carfil-dx. On ignore encore laquelle de ces trithérapies deviendra un meilleur choix. • MM R/R: de nouvelles options apparaissent dans le cadre d'études, comme le bélantamab mafodotine ciblant le BCMA ou la thérapie par cellules CAR-T avec idécabtagène vicleucel ou ciltacabtagène autoleucel. La disponibilité (agents ciblant le BCMA) et la capacité de production (CAR-T), entre autres, sont des facteurs limitants. Les résultats sont toutefois impressionnants.Il existe d'autres options, notamment des combinaisons avec le sélinexor, avec le vénétoclax (porteurs de t(11 ; 14)) et, bien entendu, avec les CT plus traditionnelles. L'avantage " off the shelf" des anticorps bispécifiques est important. La liste des thérapies bispécifiques ne cesse de s'allonger: teclistamab, elranatamab... Parallèlement à l'administration classique par voie intraveineuse, la voie sous-cutanée gagne du terrain et est désormais presque standard pour le daratumumab. Le BCMA ( B-Cell Maturation Antigen) est donc une cible moléculaire des nouveaux anticorps bispécifiques, parallèlement au daratumumab non conjugué (ciblant la CD38) ou à l'élotuzumab (SCAN7), ainsi qu'aux " T-cell engagers" spécifiques. Le CD3 sur les lymphocytesT endogènes devient également une telle cible potentielle. L'utilisation actuelle des lymphocytes T contre le MM nous permet de tirer quelques conclusions: les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire n'offrent pas de résultats suffisants, mais les anticorps bispécifiques demeurent prometteurs et la stratégie par cellules CAR-T fournit d'excellents résultats. Les risques existants lors des traitements par cellules CAR-T sont désormais bien connus et en grande partie contrôlables. Les toxicités majeures sont le syndrome de relargage des cytokines (SRC), mais aussi un syndrome neurotoxique, l'ICANS ( Immune effector Cell Associated Neurotoxicity Syndrome). La durabilité de la réponse reste l'une des variables à surveiller. L'alternance entre ces nouveaux traitements et les différentes combinaisons seront également étudiées. D'autres cibles moléculaires s'annoncent par ailleurs. Ces adaptations et d'autres éventuellement à venir sont donc attendues avec impatience dans la prise en charge du MM R/R, même aux phases plus précoces de la maladie. Ce paysage thérapeutique évolue effectivement très rapidement!