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Revenons sur quelques présentations de la session orale consacrée au myélome multiple (MM) et à la transplantation autologue de cellules souches (autoSCT). Le premier orateur était le Dr Harsh Parmar (John Theurer Cancer Center, New Jersey, USA) qui a abordé le lien entre la reconstitution immune dans le microenvironnement tumoral (iTME) et le résultat clinique après une autoSCT. Bien que les patients soient exempts de maladie après une autoSCT, certains rechutent, spécifiquement à cause de la présence de cellules immunosuppressives qui empêchent le rejet des cellules tumorales. Le but de cette étude était d'examiner comment les schémas d'iTME coïncident avec les caractéristiques des patients et les résultats à long terme. L'étude a inclus 58 patients qui avaient subi une biopsie de moelle osseuse au moins 100 jours après une autoSCT. Pour l'induction, une majorité avait reçu une trithérapie incluant un médicament immunomodulateur (IMiD). Le traitement d'entretien n'a été administré qu'à 60% des patients. Le Dr Parmar et son équipe ont pu identifier 26 sous-groupes lymphoïdes dans le microenvironnement tumoral peu après la transplantation ; sur base des clusters, les patients ont été répartis en deux groupes. Le groupe 1 contenait plus de sous-groupes naïfs et de sous-groupes dont les lymphocytes T étaient terminalement différenciés. Les patients des deux groupes ne présentaient pas de caractéristiques différentes à la situation de départ, mais le résultat après la transplantation était significativement différent. Le groupe 1 présentait une survie globale (OS) et une survie sans progression (PFS) plus médiocres que le groupe 2, indépendamment de l'âge, des caractéristiques à haut risque, de la réponse hématologique et du traitement d'entretien. Le Dr Parmar a conclu que deux schémas d'iTME clairs pouvaient être distingués et que le groupe rassemblant plus de sous-groupes naïfs et de sous-groupes dont les lymphocytes T étaient terminalement différenciés obtenait des résultats significativement plus mauvais, indépendamment, en outre, des caractéristiques à haut risque sur la base d'une hybridation in situ en fluorescence (FISH). Nous pouvons formuler l'hypothèse que la présence de lymphocytes T aux extrémités du spectre de différenciation donne lieu à une élimination moins efficace des cellules malignes. Les limitations de l'étude étaient notamment le nombre restreint de patients, le fait qu'un statut de maladie résiduelle minime (MRD) n'était disponible que pour la moitié des patients ayant atteint une réponse complète (CR) et le faible nombre de patients suivant un traitement d'entretien (60%), ce qui correspond à la pratique clinique d'il y a dix ans. La Dr Joanna Drozd-Sokolowska (Université de médecine de Varsovie, Pologne) a commencé sa présentation par une brève explication concernant l'autoSCT. Il s'agit du traitement standard chez les patients atteints d'un MM remplissant les conditions en vue d'une transplantation ; elle fait généralement partie du traitement de première ligne, seule ou en tandem. Dans certaines conditions, elle convient chez les patients en récidive après une autoSCT antérieure. Toutefois, si les cellules souches stockées ne suffisent pas, une nouvelle mobilisation est nécessaire. La littérature contient peu de données sur l'efficacité d'une nouvelle mobilisation et sur les risques d'une autoSCT "de rattrapage" à l'aide de cellules souches à nouveau mobilisées. Les chercheurs ont évalué ces risques, avec la mortalité sans rechute (NRM) comme critère de jugement. L'autoSCT "de rattrapage" à l'aide de cellules souches à nouveau mobilisées après une autoSCT antérieure s'associe à une NRM (5% après 2 ans et 9% après 4 ans) et à une incidence cumulée attendue de tumeurs malignes secondaires (1% après 2 ans et 3% après 4 ans) acceptables. La principale cause d'échec est la progression de la MM dans l'intervalle entre l'autoSCT précédente et la première récidive: les patients présentant un intervalle de plus de 30 mois entre la dernière autoSCT "non de rattrapage" et la première progression avaient une meilleure OS et une meilleure PFS. L'année au cours de laquelle l'autoSCT "de rattrapage" a été pratiquée influençait également l'OS et la PFS: les résultats étaient plus mauvais chez les patients qui avaient subi une transplantation avant 2005. Le Pr Mohamad Mohty a participé à la réunion depuis Paris, où il dirige le service d'hématologie de l'Hôpital Saint-Antoine et de Sorbonne Université. Il a commencé par donner un bref aperçu de l'isatuximab, un anticorps monoclonal IgG1 qui cible un épitope spécifique du CD38, inhibant ainsi l'activité ectoenzymatique de ce dernier. Le médicament est actuellement autorisé dans plusieurs pays en combinaison avec le pomalidomide et la dexaméthasone en cas de myélome multiple réfractaire /récidivant (RRMM), après au moins deux autres lignes de traitement (notamment le lénalidomide et un inhibiteur du protéasome). Ensuite, il a abordé la justification de l'analyse de ce sous-groupe de l'étude IKEMA de phase III: - De nouveaux traitements sont nécessaires pour les patients qui connaissent une rechute après une autoSCT ; - Les patients atteints de RRMM qui ont subi une autoSCT précédemment possèdent diverses caractéristiques biologiques uniques ; - Des études antérieures ont mis en évidence une meilleure PFS parmi ce groupe de patients qui a reçu du carfilzomib. 302 patients ont été inclus dans l'étude. Les caractéristiques de base des groupes de traitement étaient similaires, tant parmi la population totale de l'étude (intention de traiter) que dans le sous-groupe ayant subi une transplantation précédemment (N = 185, un peu plus de 60% des patients). Le sous-groupe ayant subi une transplantation précédemment comptait toutefois moins de patients âgés. La PFS chez les patients ayant subi une transplantation précédemment correspondait à celle de la population totale ; la médiane n'a pas été atteinte dans le groupe Isa-Kd et était de 19,15 mois dans le groupe Kd, avec un HR de 0,578. Dans le sous-groupe des patients ayant subi une autoSCT précédemment et ayant suivi une seule ligne de traitement antérieure, des résultats comparables ont été observés, bien que la médiane n'ait été atteinte dans aucun des deux groupes. La réponse totale (OR) était très comparable dans les deux groupes de traitement, mais le pourcentage de patients présentant une très bonne réponse partielle (VGPR) ou mieux était significativement plus élevé dans le groupe Isa-Kd: 72,4% vs 55,1% (p = 0,0036). Le pourcentage de patients négatifs à la MRD était également nettement meilleur dans le bras recevant le traitement expérimental: 31,9% vs 13%. La durée de traitement médiane était de 80 semaines dans le groupe Isa-Kd et d'environ 20 semaines de plus dans le bras de contrôle, ce qui montre indirectement une bonne tolérance et une bonne activité. En termes de sécurité, davantage d'effets indésirables apparaissant pendant le traitement (TEAE) de grade III ou supérieur ont été observés dans le bras Isa-Kd, mais il n'y avait aucune différence en ce qui concerne les TEAE graves ni le pourcentage de patients qui ont arrêté le traitement de manière définitive. Le profil de sécurité général parmi la population transplantée était comparable avec celui de la population totale. Le Pr Mohty a conclu que l'Isa-Kd offre des avantages comparables chez les patients ayant subi précédemment une autoSCT (y compris ceux n'ayant reçu qu'une seule ligne de traitement) et dans la population totale, et peut devenir un nouveau traitement standard pour les patients atteints de RRMM récidivant de manière précoce, y compris ceux ayant subi une transplantation. Le Pr Dr Kröger (Hôpital universitaire de Hambourg, Allemagne), esquissant brièvement le contexte, a précisé que le rôle de la transplantation allogénique de cellules souches (alloSCT) chez les patients atteints de MM est encore controversé.En outre, aucune étude comparant la transplantation autologue-allogénique de cellules souches (auto-alloSCT) et la double transplantation autologue de cellules souches (autoTSCT) avec traitement d'entretien par thalidomide chez les patients (de moins de 60 ans) atteints d'un MM nouvellement diagnostiqué n'a encore été réalisée précédemment. Le but de cette étude multicentrique sans insu à groupes parallèles était d'évaluer si l'auto-alloSCT influence positivement la PFS, la survie dans récidive (RFS) ou la PFS après 4 ans comme critère de jugement. Les 132 patients du bras auto-alloSCT ont été comparés aux 46 patients qui avaient subi une autoTSCT. Après la transplantation, les patients des deux bras ont reçu un traitement d'entretien par thalidomide (100 ml) pendant deux ans. Le Pr Kröger a souligné, à cet égard, que 20% des patients des deux groupes n'ont pas reçu de thalidomide, pour une raison inconnue, et que 30% ont arrêté en raison de la toxicité. La PFS s'est avérée significativement meilleure chez les patients qui avaient reçu un traitement d'entretien par thalidomide. - ConclusionsCette étude prospective a montré qu'après 4 ans, la PFS différait de manière non significative de 12% en faveur du bras auto-alloSCT. La différence de 20% prévue par les chercheurs n'a pas été atteinte. Avant le début de l'étude, les chercheurs présumaient qu'environ 60% des patients auraient un donneur adéquat et passeraient à une alloSCT après l'autoSCT. Toutefois, 74% des patients inclus avaient subi une alloSCT et seuls 26% avaient subi une deuxième autoSCT. Un suivi plus long d'une durée de 8 ans a de nouveau mis en évidence une différence non significative de 22% de la PFS. Une analyse multivariée a montré que la PFS et l'OS étaient nettement meilleures après un traitement d'entretien par thalidomide et une rémission complète après une chimiothérapie d'induction. Des résultats plus mauvais ont été observés parmi les patients à haut risque présentant une translocation t(4 ; 14) et une délétion 17 p. En guise d'introduction, le Dr Roy (Université de Montréal, Canada) a rappelé que, malgré le développement de nouveaux médicaments, le MM reste une maladie mortelle associée à une survie à cinq ans de 54%. En cas de stade très avancé (ISS III) et avec un profil génétique défavorable, la survie est encore plus courte. Les patients de moins de 50 ans présentent la plus grande perte significative en termes d'années de vie. Des études rétrospectives récentes suggèrent que la transplantation allogénique de cellules souches (alloSCT) peut apporter une réponse au pronostic médiocre des patients à haut risque avec un profil génétique défavorable. Malgré une PFS de 20-40% après une alloSCT chez les patients récemment diagnostiqués, le pourcentage de récidive reste élevé (environ 50%). Nous savons que le bortézomib (BTZ) est significativement actif en cas de MM, y compris chez les patients à haut risque dont le profil génétique est défavorable. En outre, le BTZ possède des effets immunomodulateurs pouvant améliorer les résultats de l'alloSCT: il prévient en effet la maladie du greffon contre l'hôte (GVHD) ou améliore la maladie du greffon contre l'hôte chronique chez les patients en récidive. Le but de cette étude prospective de phase II, composée d'un seul bras de 39 patients, était d'examiner si le BTZ en tant que traitement d'entretien après une alloSCT: 1. réduit l'incidence de la récidive, 2. réduit l'incidence et la gravité de la GVHD chronique et 3. possède un profil de sécurité acceptable. Le critère de jugement principal était la PFS à deux ans après une alloSCT. Les patients ont reçu un traitement d'induction par BTZ suivi d'une autoSCT avec une dose élevée de melphalan. Ils ont ensuite subi une alloSCT, puis un traitement d'entretien par BTZ (1,3 mg/m3 toutes les deux semaines) pendant un an. - ConclusionsL'autoSCT-alloSCT en association avec le BTZ est sûre et induit un pourcentage élevé de rémission complète stringente (sCR, 82%) ainsi qu'une incidence élevée de MRD négative (79%) chez les patients jeunes et/ou les patients à haut risque atteints de MM. La présence d'au moins 30 cellules s'associe à un pourcentage significativement élevé de récidives. Ce point de départ peut être utilisé à l'avenir en vue d'interventions thérapeutiques telles que la consolidation ou l'injection de lymphocytes du donneur (DLI) afin de réduire davantage le risque de récidive. Un suivi de plus longue durée sera nécessaire afin de pouvoir déterminer avec précision ce que cette stratégie de traitement peut apporter aux patients jeunes et aux patients à haut risque atteints de MM. Le Dr Garderet (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris, France) a présenté les résultats d'une étude observationnelle menée parmi des patients atteints d'un myélome en insuffisance rénale au moment de la transplantation. L'insuffisance rénale était définie comme une clairance de la créatinine inférieure à 40 ml/min. Les patients étaient âgés de 65 ans ou moins et remplissaient les conditions en vue d'une transplantation. Le critère de jugement principal était la mortalité liée à la transplantation (TRM). Les critères de jugement secondaires étaient la toxicité, la réponse hématologique, la réponse rénale, la PFS et l'OS. Tous les patients ont reçu un traitement d'induction par bortézomib et devaient présenter au moins une réponse partielle. Après l'autoSCT, ils ont été suivis pendant deux ans. Jusqu'à présent, 47 personnes ont été incluses dans l'étude, parmi lesquelles une grande majorité d'hommes (83%). La plupart ont reçu 4 lignes de chimiothérapie d'induction, ou moins. Pour 72%, il s'agissait d'un traitement de 1re ligne. Un peu plus d'un quart était en dialyse au moment du diagnostic et 13% l'étaient encore au moment de la transplantation. Le Dr Garderet a ensuite abordé les résultats, en commençant par la TRM et la toxicité. Un patient est décédé au cours des 100 jours suivant l'autoSCT, après un choc septique. Aucun autre patient n'a dû être admis en soins intensifs. La durée d'hospitalisation médiane était de 22 jours. La réponse hématologique était favorable: 53% présentaient une meilleure réponse à 100 jours, les meilleures réponses étaient de 9% de PR, 41% de VGPR, 39% de CR et 7% de sCR (1 patient a connu une rechute). Enfin, concernant la réponse rénale, 70% des patients en dialyse au moment du diagnostic n'en avaient plus besoin 3 mois après la transplantation. La fonction rénale s'est améliorée chez 34% et ne s'est dégradée chez aucun patient. En résumé, le Dr Garderet estime que l'autoSCT est sûre et efficace chez les patients en insuffisance rénale au moment de la transplantation.