...

La durée totale de la RT adjuvante chez les patients atteints de cancer du sein (BC) après BCS peut être raccourcie par l'hypofractionnement - administration de fractions (Fr) moins nombreuses, mais plus fortement dosées - ainsi que par l'intégration de boosts dans l'irradiation totale du sein (WBI). Il est aujourd'hui démontré que l'hypofractionnement en 15Fr vs 25Fr a un effet comparable, voire supérieur, sur le contrôle locorégional, la survie et la toxicité, pour une moindre dose totale de rayons. Ces dernières années, 2 RCT britanniques ont évalué une accélération encore plus poussée, à 5Fr, chez des patients BC de plus de 50 ans, et démontré que la stratégie était efficace et sûre dans le BC précoce. L'étude FAST a randomisé des patients qui ont reçu 50Gy/25Fr en cinq semaines ou 28,5Gy en fractions hebdomadaires de 5,7Gy (5s) (1). Après un suivi médian de trois ans, la toxicité de grade ≥ II était similaire dans les groupes 28,5Gy/5Fr et 50Gy/25Fr. Les récents résultats à 10 ans ont confirmé ces observations (2). Dans l'étude britannique FAST Forward, la durée de traitement a été raccourcie à 5Fr de 5,2Gy en une semaine. Un quart des patients a reçu un boost séquentiel (SEB ; 5-8Fr de 2Gy). Comparativement aux 15Fr de 2,67Gy, des résultats similaires ont été obtenus en matière de toxicité tardive, de récidive et de survie à 5 ans après le traitement (3). À l'UZ Gent, une équipe de recherche dirigée par la Pr Liv Veldeman (UZ/UGent) évalue activement l'accélération à 5Fr. Mais cette étude inclut des boosts intégrés simultanés (SIB), ce qui en fait une première mondiale. " L'étude FAST prévoyait un long délai entre deux fractions, explique Hans Van Hulle (doctorant CRIG, UGent). D'un point de vue radiobiologique, il est plus bénéfique de raccourcir cet intervalle. Dans l'étude FAST Forward en revanche, les cinq fractions étaient administrées cinq jours de suite. Nous étudions pour notre part un hypofractionnement en 5Fr sur 10-12 jours, afin de permettre la restauration de cellules tissulaires normales. Par ailleurs, l'effet du schéma accéléré appliqué dans l'étude FAST Forward était annihilé par l'administration d'un SEB, doublant la durée du traitement. C'est pourquoi nous optons pour un SIB. " L'essai a été précédé d'une étude de faisabilité (HAI-5), évaluant une WBI adjuvante en 5Fr de 5,7Gy sur une période de 10-12 jours chez des femmes de plus de 65 ans avec BC précoce et localement avancé après BCS. Un SIB (5x 6,2-6,5Gy) ou une irradiation des ganglions lymphatiques (5x 5,4Gy) était possible s'il était indiqué. Après les analyses de données appariées avec des patientes traitées en 15Fr de 2,67Gy, le schéma en 5Fr a induit moins de toxicité aiguë et à 2 ans (rétraction du sein, télangiectasies, oedème, douleur...), sauf pour la fibrose en dehors du lit tumoral (4,5). Cette dernière est probablement due au volume supérieur des boosts dans le groupe 5Fr. " Il nous a en outre paru important d'examiner les déclarations des patientes en termes d'impact sur leur qualité de vie, car cette approche permet un interrogatoire plus spécifique. Que ce soit en phase aiguë ou 1 an après la RT, les patientes de l'étude HAI-5 ont signalé une meilleure HRQoL par rapport à celles qui avaient reçu 15 fractions(6). " Désormais, l'équipe conduit sa RCT unique (YO-HAI5): 400 patients BC ≥ 18 ans après BCS ont été randomisés (1: 1) pour recevoir 5Fr de 5,7Gy en 10-12 jours ou 15Fr de 2,67Gy en trois semaines. Les résultats de la sous-analyse intermédiaire ont été publiés récemment dans The Breast(7). Sur les 200 premiers patients randomisés, 90% ont reçu un SIB (5x 6,2Gy vs 15x 3,12Gy). Les facteurs d'influence (chirurgie, chimiothérapie, hormonothérapie ou technique de RT) étaient statistiquement identiques dans les deux groupes. Concernant la toxicité aiguë de la RT, mesurée par le médecin, le groupe 5Fr présentait un taux inférieur de 20% d'oedèmes mammaires (p=0,0007), de dermatites (p=0,003), de douleurs (p=0,001) et de fatigue (p=0,0001) que le groupe 15Fr. Quelques différences statistiquement significatives ont également été relevées au niveau de la HRQoL: moins de patients présentant un déclin cliniquement pertinent sur le plan physique (7% vs 24%, respectivement), ainsi que sur le plan social (11% vs 31%), de la fatigue (30% vs 50%), des symptômes mammaires (30% vs 60%) et un bien-être physique relatif au sein (27% vs 48%). " Malgré l'administration d'un SIB, les patients de notre étude étaient moins nombreux à présenter une dermatite et une desquamation modérées que dans l'étude FAST Forward. La toxicité légèrement réduite peut être due à l'intervalle de 40 h entre deux fractions, mais la position de décubitus ventral pourrait aussi avoir joué un grand rôle. En effet, la quasi- totalité de nos patients est irradiée en décubitus ventral, alors que les études britanniques utilisaient le décubitus dorsal. " Il faudra encore un peu de patience pour les résultats à long terme. Contrairement à la toxicité aiguë, la toxicité tardive dépend en effet davantage de la dose de chaque fraction. " Pour cela, nous avons besoin d'une population d'étude plus importante. Nous allons bientôt entamer une collaboration avec l'Institut Jules Bordet et l'UCL Namur pour y parvenir. Mais nous prévoyons aussi une toxicité réduite à long terme, étant donné que la dose des boosts administrés dans cette étude est inférieure à celle de l'étude HAI-5. "