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Cette attitude classique a été remise en question lors de l'ESMO 2018 avec la présentation des résultats de l'étude SOLO-1. Elle montrait qu'un traitement de maintenance par l'inhibiteur de PARP olaparib augmentait la survie sans progression (PFS) chez les femmes avec un cancer de l'ovaire avancé, de haut grade, nouvellement diagnostiqué et avec mutation BRCA 1/2.Lors du premier symposium présidentiel de l'ESMO 2019 ont été présentées, en late breaking abstracts, trois études randomisées contrôlées de phase III, menée avec 3 inhibiteurs de PARP différents. Leurs résultats indiquent clairement que le rôle des inhibiteurs de PARP n'est pas confiné aux seules patientes porteuses de mutations BRCA 1/2 et qu'une utilisation conjointe à la chimiothérapie engendre aussi des bénéfices.L'étude PRIMA/ENGOT-OV26/GOG-3012, mise en ligne simultanément à sa présentation sur le site du New England Journal of Medicine (A. González-Martín et al.), montre qu'un traitement de maintenance par niraparib juste après une chimiothérapie à base de platine prolonge de façon importante la PFS (critère principal) par rapport au placebo. La médiane de PFS est de 13,8 mois chez les femmes du bras niraparib vs 8,2 mois chez les femmes du bras placebo (HR 0,62 ; IC 95% 0,50-0,76 ; p<0,001).Chez les 733 patientes enrôlées dans l'étude, 51% présentaient des anomalies des gènes impliqués dans la réparation de l'ADN (statut HRD+ selon le test myChoice recherchant des déficiences de la recombinaison homologue). L'analyse montre que cette population HRD+ bénéficie le plus de la maintenance par niraparib : la médiane de PFS est plus que doublée par rapport au placebo, respectivement 21,9 mois vs 10,4 mois (HR 0,43 ; IC 95% 0,31-0,59 ; p<0,001).Le résultat sur cette population HRD+ ne concerne pas exclusivement les patientes avec mutation BRCA : les résultats sont sensiblement les mêmes chez les femmes HRD+ sans mutation BRCA. Enfin l'analyse des femmes sans mutation BRCA et sans anomalies de réparation de l'ADN suggère qu'elles pourraient également tirer profit du niraparib, puisqu'elle montre une réduction de 32% de la probabilité de progression ou de décès (HR 0,68 ; IC 95% 0,49-0,94).L'étude PAOLA-1/ENGOT-OV25, montre qu'ajouter en maintenance l'olaparib au bévacizumab après une chimiothérapie de 1re ligne à base de platine s'accompagne d'un gain substantiel de PFS par rapport au bévacizumab seul. Sur la population globale de cette étude, la médiane de PFS est de 22,1 mois chez les femmes du bras olaparib + bévacizumab vs 16,6 mois chez les femmes du bras bévacizumab seul (HR 0,59 ; IC 95% 0,49-0,72 ; p<0,0001).Notons que le bénéfice de l'olaparib sur la PFS est certes plus important chez les femmes dont la tumeur est porteuse d'une mutation BCRA (médiane 37,2 mois versus 21,7 mois ; HR 0,31 ; IC 95% 0,20-0,47), mais qu'il est également présent de façon modeste chez les femmes dont la tumeur n'est pas porteuse de cette mutation (médiane 18,9 mois vs 16,0 mois ; HR 0,71 ; IC 95% 0,58-0,88). En revanche, il ne semble pas y avoir de bénéfice pour les femmes sans anomalie de la voie de recombinaison homologue de l'ADN ou dont le statut pour ce paramètre est inconnu (médiane 16,9 mois vs 16,0 mois ; HR 0,92 ; IC 95% 0,72-1,17).L'étude VELIA/GOG-3005, elle aussi mise en ligne simultanément à sa présentation sur le site du New England Journal of Medicine (R.L. Coleman et al.) comporte trois bras : elle a évalué l'impact du véliparib en 1re ligne en ajout au doublet paclitaxel+carboplatine avec ou sans maintenance ultérieure par véliparib. Cette étude a concerné 757 patientes, dont 26% avaient une tumeur avec mutation BCRA.Les résultats présentés au congrès portaient sur la comparaison du bras véliparib en 1re ligne et en maintenance et du bras placebo en 1re ligne et en maintenance. Ils mettent en évidence une prolongation de la PFS chez les femmes assignées au bras véliparib ajouté en 1re ligne et prolongé en maintenance (médiane 23,5 mois vs 17,3 mois ; HR 0,68 ; IC 95% 0,56-0,83 ; p <0,001).Sans surprise, le gain est nettement supérieur chez les femmes HRD+ (médiane 31,9 mois vs 20,5 mois ; HR 0,57 ; IC 95% 0,43-0,76 ; p <0,001). De nouveau, ce gain ne s'explique pas par le bénéfice documenté chez les femmes dont la tumeur est porteuse d'une mutation BCRA (médiane 34,7 mois vs 22,0 mois ; HR 0,44 ; IC 95% 0,28-0,68 ; p <0,001). Une analyse exploratoire n'indique pas de bénéfice du véliparib chez les femmes sans anomalie de la recombinaison homologue de l'ADN (médiane 15,0 mois vs 11,5 mois ; HR 0,81 ; IC 95% 0,60-1,09).Les trois inhibiteurs de PARP, niraparib, olaparib et véliparib, ont tous fait la preuve de leur impact positif sur le pronostic des femmes ayant un cancer de l'ovaire à un stade avancé. Les meilleurs résultats sont obtenus chez les porteuses de déficiences de la recombinaison homologue de l'ADN et plus particulièrement de mutation BRCA. Compte tenu de ces nouveaux résultats, les inhibiteurs de PARP semblent désormais incontournables, en tout cas en maintenance, pour prolonger la PFS des patientes atteintes de cancer de l'ovaire avancé nouvellement diagnostiqué. Et cela vaut aussi pour les patientes sans mutation BRCA." Le temps est venu de donner un inhibiteur de PARP à toutes nos patientes ", a commenté le Pr Mansoor Raza Mirza, co-modérateur de la session. Un commentaire dont on perçoit toute la pertinence lorsque l'on se remémore qu'en dépit d'une bonne réponse initiale au traitement standard par chirurgie, chimiothérapie et bévacizumab, environ 70% des femmes atteintes d'un cancer de l'ovaire avancé rechutent à 3 ans et que le taux de survie à 5 ans est de l'ordre de 20% pour les stades III et de 5% pour les stades IV.Comme souvent les enseignements des études font se poser de nouvelles questions. Pour qui la combinaison à la chimiothérapie est-elle la meilleure option ? La maintenance doit-elle toujours inclure le bévacizumab ou une monothérapie par PARP peut-elle être envisagée chez certaines femmes ? Le statut HRD est un critère important de réponse, mais cerne-t-il complétement le groupe de femmes susceptibles de bénéficier d'un inhibiteur de PARP ? Quelle place pour les inhibiteurs de PARP pour les cancers de l'ovaire à un stade moins avancé ? L'immunothérapie (pour le moment encore absente du traitement) permettrait-elle d'améliorer encore le pronostic ?