Le cancer du sein avec récepteurs hormonaux positifs est la forme la plus fréquente de cancer du sein, observée chez 70% des patientes ayant reçu un diagnostic de maladie de stade précoce non métastatique. Environ 20% des patientes sont atteintes d'une maladie à haut risque et présenteront une récidive au cours des dix premières années du traitement, soit au niveau local dans le sein, soit dans un autre site.
...
Les inhibiteurs de CDK4/6 ont influencé le traitement du cancer du sein métastatique des dernières années, ont surmonté la résistance endocrinienne primaire et amélioré la survie. Il était donc évident de passer à l'étape suivante, à savoir vérifier si, chez les patientes présentant un cancer du sein précoce à risque élevé, l'ajout d'un inhibiteur de CDK4/6 au traitement hormonal permet de réduire le risque de récidive de leur cancer. Le Pr Stephen Johnston (Royal Marsden Hospital, Londres) a présenté l'étude internationale de phase III monarchE, dans laquelle l'abémaciclib, un inhibiteur oral de CDK 4/6, a été ajouté au traitement hormonal standard. Cette étude incluait 5637 patientes présentant un cancer du sein HER2 de stade précoce hormono-sensible associé à plusieurs facteurs de risque cliniques et/ou pathologiques (plus de 4 ganglions axillaires, tumeur dont les dimensions dépassent 5 cm ou tumeur avec degré de différenciation 3), ce qui leur conférait un risque élevé de récidive. A la fin de leur traitement primaire, elles ont été randomisées pour recevoir soit l'abémaciclib (150 mg deux fois par jour pendant deux ans) ajouté à un traitement hormonal, ou un traitement hormonal seul. Le choix du traitement hormonal incombait au médecin traitant. L'objectif principal de l'étude était la survie sans récidive invasive (iDFS). L'étude a rapporté une diminution de 25% des cas de récidives de cancer durant les deux premières années dans le groupe abémaciclib + hormonothérapie, par rapport à l'hormonothérapie seule. Au cours de cette période, 11,3% des patientes du groupe témoin ont présenté une récidive de leur cancer, contre 7,8% dans le groupe abémaciclib, soit une différence absolue de 3,5% qui se traduit par une réduction du risque de 25,3% (fig. 1). Cette réduction a été la plus observée au niveau des métastases à distance, principalement au niveau du foie et des os. Selon le Pr Giuseppe Curigliano, qui commentait cette étude, il s'agit de la première étude démontrant que l'ajout d'un inhibiteur de CDK4/6 à un traitement hormonal améliore considérablement l'iDFS en situation adjuvante ; à ce titre, cette étude sera amenée à modifier la pratique quotidienne. Il a également souligné l'importance de certaines données de sécurité, notamment le nombre de patientes traitées par l'abémaciclib qui ont dû arrêter leur traitement (16,6% des patientes) ou réduire leur dose en raison d'un effet indésirable grave, le plus souvent la diarrhée. La majorité de ces patientes ont cependant pu poursuivre le traitement hormonal. Lorsque ce traitement aura été approuvé et sera utilisé en pratique clinique, l'observance thérapeutique constituera donc sans doute un problème majeur (1). Une étude similaire, mais associée à des résultats contradictoires, a été présentée au congrès virtuel de l'ESMO 2020 par le Pr Erica L. Mayer (oncologue médicale au Dana-Farber Cancer Institute, Boston). Cette étude PALLAS était le fruit d'une collaboration entre différents groupes d'étude internationaux. L'étude a randomisé 5600 patientes présentant un cancer du sein précoce HER2-négatif, hormonosensible, de stade II-III, pour recevoir soit du palbociclib, un inhibiteur de CDK 4/6 pendant deux ans en plus d'une hormonothérapie standard, soit une hormonothérapie standard seule. Dans cette étude également, l'objectif principal était l'iDFS. Près de 60% de ces patientes présentent un risque clinique élevé, soit en raison de la présence de plus de 4 ganglions axillaires, soit avec seulement 1 à 3 ganglions axillaires, mais avec une maladie de grade T3-4 ou G3. Environ 80% des patientes avaient déjà reçu une chimiothérapie. L'analyse de sécurité de cette étude a montré que la neutropénie était la toxicité la plus fréquente dans le bras palbociclib (G3/4: 61,3% dans le groupe palbociclib contre 0,4% dans le groupe ayant reçu uniquement un traitement hormonal). Les cas de neutropénie fébrile ont cependant été très rares. La deuxième analyse intermédiaire a révélé que dans le traitement adjuvant des patientes atteintes d'un cancer du sein HR+ HER-, l'ajout du palbociclib au traitement hormonal n'apporte aucun avantage en termes de iDFS, par rapport au traitement hormonal seul. En outre, une sous-analyse n'a pas non plus pu démontrer que les patientes ayant un risque clinico-pathologique accru tireraient un bénéfice de l'ajout du palbociclib. L'IDMS (comité indépendant de surveillance des données, ou Independent data monitoring committee) a donc décidé d'arrêter le traitement par palbociclib dans cette étude. Les patientes font cependant toujours l'objet d'un suivi (2). 1. Stephen R. Johnston et al, Abemaciclib in high risk early breast cancer, ESMO2020, Presentation ID LBA5_PR 2. E.L. Mayer et al, PALLAS: A randomized phase III trial of adjuvant palbociclib with endocrine therapy versus endocrine therapy alone for HR+/HER2- early breast cancer, ESMO 2020, Presentation ID LBA12