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Face à 260 participants virtuels à la réunion BSMO 2021, c'est depuis son domicile que le Pr Viktor Grünwald (Hôpital universitaire d'Essen, Allemagne), orateur invité, a partagé ses connaissances et son expérience à propos du traitement de 1re ligne du carcinome à cellules rénales avancé (mRCC). La stratification du risque basée sur les facteurs pronostiques individuels du patient (IMDC) est un élément crucial de son approche actuelle. Cette approche, bien connue grâce aux études cliniques, s'avère tout aussi réalisable et précieuse en pratique quotidienne. Historiquement, on a enregistré des avancées majeures dans les options de traitement du carcinome à cellules rénales métastatique (mRCC) depuis l'avènement des inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK) de 1re génération - sunitinib et pazopanib - avec une survie globale médiane d'environ 30 mois dans l'étude COMPARZ. Aujourd'hui, les combinaisons immunitaires constituent la nouvelle norme pour le traitement de 1re ligne du mRCC, c'est-à-dire une double inhibition du point de contrôle immunitaire (CPI + CPI ; ipilimumab + nivolumab) ou un inhibiteur du point de contrôle immunitaire + un ITK de 2e génération (avélumab + axitinib ou pembrolizumab + axitinib). Avec la double combinaison de CPI, le suivi atteint maintenant 4 ans, avec 50% des patients encore en vie. La qualité de la réponse obtenue est également meilleure avec la double combinaison de CPI qu'avec un ITK de 1re génération. Il est intéressant de noter que l'amélioration du pronostic en cas de mRCC est conforme aux résultats observés dans l'indication du mélanome. Cela signifie-t-il que cette double combinaison de CPI convient à tous les patients? En comparant les cohortes de patients en fonction du profil de risque, on a constaté que le gain sur le plan de la survie sans progression (PFS) ne provenait pas tellement des patients ayant un pronostic favorable, mais surtout des patients ayant un pronostic intermédiaire à défavorable. C'est ce profil qui a été retenu dans la notice européenne. Au cours de la phase précoce du traitement, les courbes Kaplan-Meier sont encore similaires pour les groupes traités par ipilimumab + nivolumab et sunitinib. Le bénéfice de la double immunothérapie n'apparaît qu'après quelques mois et, même après 42 mois, ce traitement reste prometteur, avec une PFS de 35%. Dès lors, obtenons-nous le meilleur des deux mondes si nous combinons deux types de médicaments différents, CPI et ITK? Les études KEYNOTE436 et JAVELIN101 montrent déjà un effet plus rapide, avec une amélioration de la PFS en quelques semaines, tant avec la combinaison axitinib + pembrolizumab qu'avec l'axitinib + avélumab comparativement au groupe traité par sunitinib. La durée du suivi de ces études est pour l'instant encore plus courte que celle de l'étude portant sur ipilimumab + nivolumab, évoquée ci-dessus. Il faudra donc attendre les résultats à long terme. La bonne nouvelle pour les patients est que toutes ces études montrent un effet favorable sur le plan de la survie globale (OS). Par ailleurs, de nouvelles combinaisons de CPI avec des ITK de 3e génération, comme cabozantinib + nivolumab et lenvatinib + pembrolizumab, s'avèrent déjà prometteuses dans les analyses intermédiaires. Les diagrammes en tornade sont utiles pour comparer visuellement le profil de sécurité des traitements, car il existe des différences substantielles de toxicité entre les différentes options de traitement. Le schéma en tornade des ITK (axitinib et sunitinib) est très similaire à quelques exceptions près, comme la dysgueusie (plus fréquente avec le sunitinib) et la dysphonie (plus typique de l'axitinib). Mais il existe des différences évidentes entre les types d'effets indésirables liés aux ITK et ceux liés à l'immunothérapie. Cet aspect doit donc constituer une part importante de l'information des patients. De plus, il faut porter une attention particulière à la nécessité de doses plus élevées de corticostéroïdes - plus susceptible d'être observée avec une double immunothérapie qu'avec les ITK -, aux différences de toxicité hépatique et aux demi-vies divergentes des molécules. Il reste donc beaucoup à apprendre sur le choix optimal d'une combinaison thérapeutique pour le mRCC, mais le Pr Grünwald nous conseille d'ores et déjà de ne pas nous en tenir à une combinaison familière sans peser le pour et le contre de toutes les options possibles pour chaque patient individuel. À l'aide de l'histoire d'un patient de 32 ans atteint d'un phéochromocytome, le Dr Robin De Putter, oncologue médical et onco-généticien (UZ Gand), a démontré l'importance du développement des connaissances dans le domaine des syndromes cancéreux héréditaires. Les nouvelles connaissances peuvent conduire à de nouvelles interprétations du même matériel génétique. Des résultats peuvent être faussement négatifs si la technique ou les connaissances sont insuffisantes pour détecter le variant en cause. Il est également possible que le gène causal n'ait pas été étudié ou soit encore inconnu. Des résultats normaux de tests génétiques ne permettent donc pas toujours d'exclure une affection héréditaire. En outre, les variants de signification indéterminée (VUS) peuvent être trompeurs et ils ne peuvent pas guider les décisions cliniques. Il est bon de savoir que, pour certaines affections, comme le syndrome de von Hippel-Lindau, il existe des critères cliniques sur la base desquels on peut poser un diagnostic clinique. Une cause héréditaire doit être suspectée lorsqu'un cancer est diagnostiqué à un âge plus précoce que prévu, en cas de tumeurs bilatérales ou multifocales, lorsque plusieurs cancers associés se produisent chez un même individu, en présence de solides antécédents familiaux, dans certaines tumeurs rares, lorsqu'on trouve des mutations dans les gènes de prédisposition à l'analyse de la séquence tumorale, ou encore lorsque des caractéristiques cliniques spécifiques (rares) peuvent être démontrées. Ainsi, le syndrome de Peutz-Jeghers se caractérise par des taches pigmentaires muco-cutanées sur les lèvres, qui s'estompent à l'âge adulte. Il peut donc parfois être utile de demander au patient des photos d'enfance. Les patients doivent être informés que le séquençage des tumeurs peut révéler des risques futurs et avoir des implications pour leur famille. La première étape de l'évaluation des mutations tumorales consiste à déterminer si les mutations sont "exploitables" et donc susceptibles de faire l'objet d'un dépistage et de mesures préventives. Toutefois, les connaissances à ce sujet évoluent rapidement. La deuxième étape consiste à examiner la fréquence de l'allèle du variant (VAF). Pour une mutation germinale, on s'attend à un VAF d'environ 50% mais, en raison de limitations techniques, un VAF de 30-70% est considéré comme un variant hétérozygote. Le VAF est cependant influencé par la pureté du tissu tumoral, l'hétérogénéité clonale, les variations des nombres de copies, les artéfacts de séquençage et les fluctuations statistiques. Dès lors, une valeur VAF élevée n'indique pas toujours une origine héréditaire. En outre, il faut également tenir compte du spectre normal des mutations tumorales pour déterminer si un test germinal est indiqué. Dans le cas de tumeurs rares, l'orientation vers un test génétique est une considération importante en raison du risque accru de prédisposition germinale. Enfin, le séquençage des tumeurs n'exclut pas la présence de variants germinaux et ne peut donc pas remplacer les tests germinaux. Chaque année, le " Pfizer Oncology Award", d'une valeur de 25 000 euros, est attribué à un projet innovant qui se concentre sur les soins aux patients en Belgique. Le projet est sélectionné par un jury scientifique indépendant, parmi une vingtaine de soumissions par an. Lors de la réunion BSMO 2021, Nathalie Belpame, coordinatrice de recherche du projet AYA au centre de cancérologie de l'Université de Gand, en collaboration avec la Dr Lore Lapeire, a présenté l'état d'avancement de leur projet primé sur le développement, l'implémentation et l'évaluation d'une consultation oncologique multidisciplinaire (COM) pour adolescents et jeunes adultes (AYA). Les AYA constituent un groupe vulnérable en oncologie, mais ils ne reçoivent pas toujours les soins adéquats, compte tenu des besoins médicaux et psychosociaux propres à leur âge. Une collaboration entre quatre hôpitaux de Gand (UZ Gent, AZ Jan Palfijn, AZ St Lucas et AZ Maria Middelares) a été mise en place afin de développer une COM spécifique pour les AYA, dans le cadre du projet AYACare@Gent, qui vise le développement de trajets de soins transmuraux. Des recommandations qualitatives ont été formulées en vue de mieux comprendre les besoins spécifiques des AYA, d'intégrer la nécessité d'un soutien dans les soins standard, de promouvoir leur participation aux études cliniques, d'améliorer la communication multidisciplinaire compte tenu du délai limité et de faciliter la collaboration multicentrique et les orientations (par exemple vers les cliniques de fertilité, les travailleurs sociaux). Des modèles structurés de COM ont été développés, ainsi qu'un trajet de soins électronique au sein de la plate-forme de soins collaboratifs (CoZo). En outre, une recommandation pouvant être utilisée par les hôpitaux flamands sera élaborée pour faciliter une concertation multidisciplinaire adaptée aux besoins des AYA. La Ligue flamande contre le Cancer participe à la diffusion de cette recommandation. La Dr Mariana Brandao, oncologue médicale au sein du groupe de recherche de l'Institut Jules Bordet, a présenté les résultats de l'étude de population nationale sur les tumeurs solides chez les patients atteints de COVID-19, une collaboration entre la BSMO, Sciensano et 24 hôpitaux belges. Les données des patients hospitalisés incluses dans la base de données de Sciensano jusqu'en mai 2020 ont été analysées. La mortalité à 30 jours pendant l'hospitalisation a été comparée entre les patients atteints d'une tumeur solide (n=1187) et les patients indemnes de cancer (n=12 409). Une découverte inattendue a été que les patients atteints d'un cancer présentaient moins de symptômes liés à la COVID-19 et moins de modifications radiologiques. Il est probable que ce soit dû à un dépistage plus fréquent au sein de ce groupe. Les patients cancéreux présentaient un risque de décès plus élevé (31,7% vs 20,0% ; OR 1,34 ; IC 95% 1,13-1,58 après correction pour l'âge, le sexe, les comorbidités et l'utilisation d'inhibiteurs du SRAA). La différence entre le groupe souffrant ou non d'un cancer était la plus marquée dans les groupes âgés de moins de 70 ans et dans le groupe ayant peu ou pas de comorbidités. Il s'agit là d'une observation importante pour soutenir la demande de priorité pour ces patients dans les programmes de vaccination. De plus amples études examineront l'effet du type de tumeur, d'un traitement actif vs inactif et l'effet de l'immunothérapie sur la mortalité liée à la COVID-19, mais aussi l'impact de cette maladie sur le traitement du cancer. L' Immunotox Board est un projet de la BSMO, présenté par Sandrine Aspeslagh, oncologue médicale (UZ Brussel). Cette initiative virtuelle, multidisciplinaire et nationale vise à discuter des expériences d'effets indésirables immunomédiés rares de l'immunothérapie entre les oncohématologues et les spécialistes des organes. Elle a pour but également de standardiser leur prise en charge en Belgique, à mieux traiter les patients qui n'entrent pas en ligne de compte pour des études cliniques et à formuler des questions de recherche cliniquement pertinentes. Les oncologues, hématologues et spécialistes des organes peuvent faire appel à ce Comité s'ils sont confrontés à un effet indésirable grave immunomédié ou à un problème d'immunité chez leur patient: maladie auto-immune, infection virale chronique ou encore allergie grave. Les questions sont analysées toutes les deux semaines dans un environnement virtuel sécurisé. Vous trouverez plus d'informations sur l' Immunotox Board sur le site web de la BSMO (www.bsmo.be/immunomanager). Coup d'envoi le 1er mars 2021.