Médecine nucléaire: nouveaux développements en matière de diagnostic et de traitements

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Le Pr Christophe Deroose (UZ Leuven) a abordé une sélection d'abstracts innovants portant sur la médecine nucléaire. Le NETPET est un score qui combine les résultats de la scintigraphie des récepteurs de la somatostatine (SRI) avec la TEP-TDM au [68Ga]DOTATATE et au [18F]FDG, et qui examine la concordance entre ces deux techniques. L'étude de Chan et al a validé ce score NETPET dans une cohorte multicentrique composée de 239 patients, réalisée en collaboration avec des chercheurs du groupe Jules Bordet. Ils ont mis en exergue une relation évidente entre la catégorie NETPET et le pronostic. Ce système de score est aussi intéressant pour sélectionner les patients éligibles à la thérapie par radionucléides des récepteurs peptidiques (PRRT), dans la mesure où les patients SRI-négatifs/FDG-positifs ne sont pas de bons candidats pour cette thérapie. Un nombre croissant d'études menées avec des traceurs SRI ont constaté de meilleures performances avec les antagonistes qu'avec les analogues de la somatostatine. Les résultats d'une étude pilote ont été présentés, avec un degré de détection plus élevé pour les lésions hépatiques avec le [18F]AlF-NODA-JR11 qu'avec le traceur standard actuel [68Ga]DOTATATE. 11 Reste à déterminer si ces antagonistes sont aussi prédictifs de l'absorption du [177Lu]DOTATATE, qui constitue aujourd'hui la molécule de choix pour l'application thérapeutique. En ce qui concerne les SRI, on étudie actuellement la valeur pronostique des volumes délimités sur la TEP, une stratégie déjà bien connue avec le FDG. L'étude de Thuillier et al s'est penchée sur la TEP-TDM au [68Ga]DOTATATE dans les tumeurs neuroendocrines bien différenciées . En comparaison avec l'absorption du traceur (SUVmax), les volumes positifs pour le traceur (SRETVwb), élevés vs bas, permettaient de mieux prédire le délai avant progression et la survie globale (OS).Cette approche constitue aujourd'hui un thème phare, qui viendra peut-être compléter ou remplacer à l'avenir la stadification TNMn. Dans le domaine thérapeutique, la radiothérapie interne sélective (SIRT) à base d'holmium représente une nouvelle approche. Ebbers et al ont analysé les données de 30 patients issus de l'étude néerlandaise Hepar Plus qui, après une PRRT au [177Lu]DOTATATE, ont reçu un traitement de consolidation à la [166Ho]SIRT. Une modification plus importante du rapport neutrophiles/lymphocytes a été observée dans le groupe ayant une réponse partielle, comparativement au groupe présentant une maladie stable. Ce résultat pourrait indiquer l'existence d'une activation immunitaire en cas de réponse au traitement. Selon le Pr Ivan Borbath (UCL Saint-Luc, Bruxelles), l'ENETS 2021 n'était pas une année "grand cru" sur le plan des traitements systémiques. Il commente plusieurs abstracts intéressants. PRODIGE 31 REMINET est une étude prospective de phase II qui évalue le lanréotide en traitement d'entretien après une chimiothérapie en 1re ligne chez les patients atteints d'une NET du pancréas G1 ou G2 non opérable et agressive .12 L'étude a utilisé le lanréotide vs placebo pour insérer une pause après 4 mois de chimiothérapie (n=53). La survie médiane sans progression (mPFS) était meilleure sous lanréotide (19,4 mois) que sous placebo (7,6 mois). L'étude a également montré que la pause avec lanréotide n'a eu aucun effet négatif sur les résultats des patients et a allongé la durée totale du contrôle de la maladie de près de 1,5 an. L'étude a été arrêtée prématurément en raison d'une inclusion insuffisante. Dès lors, il est peu probable que cette étude génératrice d'hypothèses soit confirmée dans une étude prospective de phase III. L'étude prospective non randomisée CLARINET FORTE a montré, chez des patients présentant une NETS agressive du pancréas ou de l'intestin moyen, ainsi qu'une progression sous la dose standard de lanréotide, que cette dose pouvait être augmentée en adaptant la fréquence d'administration de 120 mg par mois à 120 mg toutes les deux semaines. 13 La PFS était encourageante, surtout chez les patients présentant un Ki-67 ? 10%. Cette étude confirme donc qu'augmenter la fréquence d'administration du lanréotide peut être favorable pour certains patients. Une étude italienne a évalué la valeur de la chimiothérapie mFOLFIRINOX en 1re ligne dans un petit groupe de patients atteints de néoplasies neuroendocrines (NEN) G3 gastro-intestinales et pancréatiques. 14 Les résultats sont prometteurs, avec un taux de réponse objective de 76,2%, une mPFS de 12 mois et une mOS de 26,3 mois. Selon le Pr Borbath, ce schéma devrait être testé davantage, éventuellement dans le cadre d'une étude prospective belge. La Pr Anne Hoorens (UZ Gent) a résumé la session pathologique de l'ENETS 2021. L'accent a été mis sur l'hétérogénéité et la progression. M. Milione (Milan) a présenté un aperçu de la classification de l'OMS et des biomarqueurs pour les NEN. Les NET G3 bien différenciées constituent aujourd'hui une catégorie diagnostique et pronostique solide, qui permet de prédire correctement les résultats cliniques. Dans la catégorie des tumeurs neuroendocrines (NEC) faiblement différenciées, un seuil Ki-67 de 55% permet de prédire plus efficacement les résultats cliniques que la classification de l'OMS. Il existe un chevauchement entre les NET et les NEC en termes de Ki-67, mais la différenciation morphologique est très bonne.Ce n'est que dans le cas de NET et NEC de grande taille associées à de petites biopsies que la distinction est parfois difficile. Une bonne technique d'immunohistochimie est désormais disponible, qui permet généralement d'établir un diagnostic définitif. La classification moléculaire est aussi bien développée pour les NET G1, NET G2 et NEC, mais la tumeur NET G3 nécessite encore davantage de recherches ciblées (voir fig. 2). Selon J. Cros (Paris), l'hétérogénéité spatiale et temporelle aide à mieux comprendre la progression naïve et induite par chimiothérapie. On observe une hétérogénéité intertumorale importante, qui a des implications pronostiques pour le patient. En effet, les différents sous-types moléculaires n'ont pas tous la même capacité à évoluer vers des NET agressives. On constate aussi une hétérogénéité intratumorale importante, dans l'espace et dans le temps. L'administration de traitements multiples peut favoriser cette hétérogénéité. On espère bien entendu observer davantage de " tumour mutational burden", qui donne lieu à une sensibilité pour l'immunothérapie. L. Apostolidis (Heidelberg) a ajouté que des données provisoires donnent à penser que la transition de NET à NEC serait possible. Ce qui est très pertinent sur le plan clinique pour le patient concerné, mais on ignore à quelle fréquence elle se produit. Des biopsies et analyses de caractérisation moléculaire répétées doivent être encouragées afin d'élaborer une stratégie appropriée pour ces patients. Le Dr Timon Vandamme (UZA) a commenté les communications orales sélectionnées par le comité de l'ENETS en matière de radiomique, organoïdes et biomarqueurs circulants. La radiomique est l'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) pour évaluer les images IRM ou TEP-TDM. U. Fehrenbach (Berlin) a élaboré un modèle d'IA reposant sur les IRM de patients atteints de NEN et présentant des métastases hépatiques. Ce modèle a été validé sur base des patients, qui ont fait l'objet de discussions lors d'une concertation pluridisciplinaire. Une comparaison au cas par cas a mis en évidence un bon chevauchement entre le modèle d'IA et à la fois les résultats du radiologue et les conclusions de l'équipe pluridisciplinaire. L'IA est une évolution appelée à être intégrée en radiologie et en médecine nucléaire. Cela étant, elle demeure une sorte de "boîte noire", le radiologue et le médecin nucléaire restant indispensables pour valider les données de l'IA. Un groupe composé d'un chercheur japonais (K. Kawasaki) et néerlandais (T. Dayton) a montré qu'il était possible de développer des organoïdes NEN. Une organoïde, à savoir un organe dans une boîte de Pétri, offre de nombreuses possibilités d'étudier les tumeurs dans leur micro-environnement. Le nombre d'organoïdes disponibles reste cependant encore limité. G. Boons (UZ Antwerpen) et A. Lamarca (UK) ont été couronnés pour leurs travaux sur l'ADN circulant sans cellule. Dans l'étude anversoise Netwerk, 41% des patients étaient positifs pour le (ct)DNA (ADN tumoral circulant), et jusqu'à 70% dans l'étude UK. Il existe une corrélation entre la présence de ctDNA dans le sang et un moins bon pronostic. En outre, les modifications génétiques présentes dans le ctDNA sont les mêmes que celles observées dans la cellule tumorale. Il s'agit là d'une avancée intéressante en vue de l'utilisation de biopsies liquides.