Le pouvoir est généralement associé à la domination et à la coercition, mais il existe également une certaine dynamique de pouvoir dans la relation médecin-patient. Ainsi, le Pr Edgard Eeckman, responsable de la communication à l'UZ Brussel, a décrit dans sa thèse de doctorat la relation de dépendance qu'un patient expérimente vis-à-vis de son dispensateur de soins. Cette dépendance crée une relation de pouvoir, dans laquelle le patient perd (partiellement) le (sentiment de) contrôle sur son existence. Toutefois, grâce à la responsabilisation du patient (patient empowerment), ce problème peut être réduit à un minimum.
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Lors de son doctorat en sciences de la communication, le Pr Edgard Eeckman, président de l'ASBL Patient Empowerment, a mené une étude qualitative et quantitative très approfondie (1). Elle montre que patients et dispensateurs de soins (n = 3 053) s'accordent à considérer comme important d'impliquer les patients dans leurs soins de santé, et qu'une marge d'amélioration existe sur ce plan. Dans son étude, il a appliqué la ' resource dependency theory' au secteur des soins de santé, qui montre clairement que patients et médecins dépendent de certaines ressources mutuelles. Ainsi, les patients dépendent des informations et connaissances que le médecin possède et communique, du temps accordé, du degré d'empathie, des compétences et du pouvoir légal du médecin. Inversement, les médecins sont également dépendants du patient en termes d'information, de temps, de sympathie et de revenus. La dépendance est donc mutuelle. Cependant, l'étude du Pr Eeckman montre que le patient est plus dépendant des ressources du médecin que l'inverse. Ce déséquilibre crée une sorte de relation de pouvoir: le pouvoir par la dépendance. Le patient peut alors perdre ou avoir le sentiment de perdre le contrôle sur son existence. Cette dépendance forcée et un sentiment d'impuissance peuvent bouleverser la vie d'un patient. "Les études générales portant sur la perte de contrôle montrent qu'elle est très mal vécue, et crée une résistance qui ne profite ni au processus de guérison, ni au traitement, ni à la relation avec le médecin", explique le Pr Eeckman. D'où l'importance de la responsabilisation du patient, pour maintenir ou restaurer son sentiment de contrôle, ainsi que son autonomie, même s'il reste plus ou moins dépendant des ressources du médecin. "Il va de soi que le pouvoir du médecin à l'égard d'un patient doit rester non exploité. Le soignant doit dès lors adopter une attitude visant à créer une relation d'égalité, dans le respect et la confiance mutuels." En cela, le Pr Eeckman a souligné une même attitude du patient.En outre, le contrôle ne doit pas être transféré entièrement au patient, mais il doit y avoir un contrôle partagé, à la mesure de ce que le patient souhaite. Par ailleurs, le patient est coresponsable, non seulement de ses soins de santé, mais aussi de sa santé. La responsabilisation du patient concerne en effet sa "forme" au quotidien, même lorsqu'il n'est pas malade. "Les gens ont donc aussi leurs devoirs et ils doivent faire de leur mieux pour rester en bonne santé." Pour parvenir à responsabiliser le patient, une communication interpersonnelle appropriée est importante. Le Pr Eeckman a identifié 3 phases dans la responsabilisation du patient: - La phase 1 implique un échange d'informations: le patient et le médecin s'informent mutuellement et le médecin aide le patient à acquérir des connaissances. - La phase 2 implique une influence mutuelle par le biais de l'argumentation, afin d'obtenir une motivation intrinsèque chez le patient. Ici, médecin et patient échangent des arguments et des points de vue. Le médecin se fait également une idée des valeurs et des préoccupations du patient. - La phase 3 vise à donner au patient le contrôle sur le processus de décision pendant la consultation (prise de décision partagée). En outre, il est essentiel que le médecin soutienne et renforce également la confiance du patient dans ses propres capacités. "Le défi consiste à minimiser le pouvoir dans la relation demandeur-dispensateur de soins de santé, et à faire preuve de respect mutuel." Si la dépendance par rapport à une ressource du médecin persiste, ce dernier doit tant que possible donner au patient un sentiment de contrôle. "Avant tout, il doit avoir conscience de son avantage et des conséquences possibles pour le patient. Il appartient alors au médecin, en tant que détenteur du rapport de force, de prendre l'initiative de responsabiliser le patient, si celui-ci le souhaite." Cependant, un patient peut également être dépendant de ressources extérieures à la relation médecin-patient. "La responsabilisation n'est pas dissociée du système des soins de santé. D'autres aspects de l'organisation des soins de santé peuvent entraîner une déresponsabilisation totale du patient, malgré les efforts du médecin. Le but est de tenir compte de l'ensemble du parcours du patient: avant, pendant et après la visite à l'hôpital. C'est encore trop peu le cas. Le but est que le patient s'approprie son processus de soins." Enfin, le Pr Eeckman a souligné que la responsabilisation des prestataires des soins de santé est à la base de la responsabilisation des patients.