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Le Dr Bart Op De Beeck a souligné le rôle de l'imagerie dans le diagnostic, la stadification et le suivi du carcinome hépatocellulaire (HCC). ? Diagnostic du HCCL'échographie abdominale est indiquée détecter des lésions focales du foie. Une MDCT (tomographie assistée par ordinateur à détecteurs multiples) et une IRM (imagerie par résonance magnétique) avec protocole hépatique sont nécessaires pour approfondir le diagnostic. L'angiographie et la TEP au FDG ne jouent aucun rôle dans le diagnostic du HCC. Le protocole MDCT exige une tomodensitométrie du foie avec produit de contraste réalisée en 4 étapes: phase sans produit de contraste, phase artérielle, phase porto-veineuse et phase retardée ou d'équilibre. Le protocole d'IRM comprend au moins une série pondérée en T2, une série pondérée en diffusion (DWI) et une série dynamique pondérée en T1 avant et après administration du produit de contraste, une phase artérielle, une phase portoveineuse et une phase retardée ou d'équilibre. L'IRM avec protocole hépatique est plus sensible et spécifique que la TDM avec administration d'un produit de contraste. Le spectre des lésions focales du foie comprend les lésions primitives, les lésions secondaires et les pseudo-lésions. Le diagnostic du HCC repose sur une imagerie de contraste caractéristique sur une MDCT multiphasique ou une IRM. Les caractéristiques diagnostiques sont une hypervascularisation dans la phase artérielle, avec un épanchement dans la phase veineuse portale ou retardée dans une lésion d'un diamètre >1 cm. Cela se traduit à l'IRM par une lésion hyperintense sur les images pondérées en T2, avec une restriction de diffusion et sur les séries de contraste, par une captation hyperintense de gadolinium (Gd) dans la phase artérielle et une captation iso-intense ou de faible intensité dans la phase portale. Les anomalies caractéristiques de malignité sont moins évidentes dans le HCC précoce. Le LI-RADS (liver imaging reporting and data system) est un système complet permettant l'interprétation de l'imagerie hépatique et la communication du résultat. Cet algorithme de cotation attribue à la lésion d'un foie cirrhotique un score en relation avec le risque relatif de HCC, entre LR-1 et 5, où 1 correspond à une tumeur bénigne avérée et 5 à une tumeur maligne avérée (97%). Le groupe d'experts a souligné que lorsque toutes les caractéristiques radiologiques ne sont pas présentes, la biopsie est souvent indiquée, sauf lorsqu'il a déjà été décidé de procéder à une chirurgie. ? StadificationPour la stadification, les CT-scans abdominal et thoracique, ainsi que la scintigraphie osseuse sont indiqués. Pour la stadification du foie, l'IRM sera privilégiée. L'IRM multiparamétrique du foie permet de caractériser la tumeur, mais aussi d'évaluer l'envahissement de la veine porte et d'autres gros vaisseaux, l'envahissement métastatique et même la présence d'un envahissement microvasculaire. La TEP au FDG n'est pas intégrée dans la stadification standard, mais certaines données indiquent que les lésions positives à la TEP au FDG ont un moins bon pronostic. ? SuiviLe MDCT et l'IRM sont indiqués dans ce contexte. L'évaluation de la réponse tumorale après un traitement systémique ou un traitement local comprend l'évolution du nombre et de la taille de la/des tumeur(s), et les modifications dans la partie de la/des tumeur(s) qui n'absorbe pas le produit de contraste en raison de la nécrose due au traitement. L'évaluation de la réponse tumorale repose sur une combinaison de ces facteurs (critères mRECIST). Le Dr Filip Gryspeerdt a abordé les étapes pré-curatives pour la chirurgie du HCC, du cholangiocarcinome intrahépatique (iCCA) et du cholangiocarcinome périhilaire (pCCA).L'objectif est d'évaluer et de prévenir le risque de complications postopératoires dans les maladies techniquement résécables. Les effets indésirables les plus fréquents sont l'insuffisance hépatique post-hépatectomie (PHLF) et, dans le cas du pCCA, les complications biliaires. ? Maintien d'une fonction hépatique suffisanteLe maintien d'un volume hépatique fonctionnel avec une alimentation en sang et un drainage sanguin adéquats est une précaution nécessaire pour éviter une PHLF. Le foie est divisé en 8 segments, qui disposent tous d'une fonction indépendante d'alimentation en sang, d'élimination du sang et de drainage de la bile. Dans une résection anatomique du foie, le chirurgien peut retirer 1 à 6 segments tout en laissant intacte l'irrigation sanguine du parenchyme restant. Contrairement aux métastases hépatiques d'un colonadénocarcinome, dans le cas du HCC et du iCCA, une résection avec une large marge sans tumeur constitue la norme. L'envahissement microvasculaire est ici l'un des facteurs de risque les plus importants de récidive ou de métastases. Une résection avec la marge la plus large possible ou une segmentectomie améliore le pronostic du HCC, et dans le iCCA également, la survie est meilleure après résection de la tumeur avec une marge sans tumeur de >1 cm. 1 Les tumeurs primitives du foie sont souvent de grande taille, localisées au centre, rendant difficile une résection large. Si le volume du foie restant après résection (FLRV) est trop faible, l'embolisation de la veine porte peut être une option. L'atrophie de la zone prévue pour la résection induit alors une hypertrophie du foie restant. ? Détermination du FLR par CT ou IRMLa détermination par CT ou IRM du rapport entre le FLRV et le volume total du foie (TLV) est un paramètre du risque de PHLF. La valeur du futur foie restant(FLR) doit être comprise entre 20 et 25% pour un foie fonctionnel normal, 30% pour un foie stéatosique et 40% pour une cirrhose hépatique ou après une chimiothérapie. ? Scintigraphie à la 99mTc-mébrofénineLe volume n'est pas lié à la fonction, répartie de manière inégale dans le foie. La scintigraphie à la 99mTc-mébrofénine est une technique précieuse pour estimer la fonction du foie restant attendu (FLRF) en cas d'incertitude sur la qualité du foie. La FLRF estimée par une combinaison de la volumétrie du foie sur IRM et de la fonction hépatique totale avec la scintigraphie à la 99mTc-mébrofénine s'est avérée être un paramètre plus précis que le FLR seul.2 Les tumeurs périhilaires constituent un problème au vu du risque de cholangite, notamment en raison de l'obstruction biliaire compliquée. ? Évaluation peropératoire des voies biliaires: MRCP (cholangio-pancréatographie par résonance magnétique) L'IRM est l'examen de choix pour évaluer l'étendue de la tumeur dans les voies biliaires, ainsi que la résection et la reconstruction programmées des voies biliaires. L'ERCP (cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique), moins précise, est de préférence évitée du point de vue chirurgical en raison du risque d'infection. La mise en place d'un stent préopératoire pour la décompression du canal biliaire est associée à un risque de complications et entrave la stadification radiologique locale de la tumeur en raison de l'inflammation. ? Drainage sélectif des voies biliairesLe drainage préopératoire des voies biliaires est un geste à faire de manière sélective, uniquement en cas de cholangite ou de faible FLR. Une valeur élevée de bilirubine ne constitue pas en soi une indication de drainage. Le drainage des voies biliaires dans le foie sain restant peut améliorer le FLR, mais la procédure à favoriser n'est pas établie à ce jour. Le Dr Gryspeerdt donne la préférence au drainage transhépatique percutané, qui ne nécessite pas de passage à travers la tumeur et qui peut protéger temporairement l'anastomose après la chirurgie. Une procédure de drainage augmente le risque d'infection ; pratiquée inutilement, elle complique souvent le traitement ultérieur.3 Une étude néerlandaise a montré que la moitié des patients adressés à un centre universitaire pour un pCCA avaient déjà subi une tentative de drainage du canal biliaire, et que ce geste avait entraîné des complications chez 45,8% d'entre eux.4 Ce constat souligne l'importance d'une planification multidisciplinaire minutieuse. Le Dr Michael Vouche a abordé le traitement locorégional par ablation thermique et thérapie transartérielle du HCC et du iCCA. Les recommandations BCLC5 définissent le rôle des thérapies locorégionales dans l'algorithme de traitement complexe. Elles sont uniquement proposées à titre informatif et ne remplacent pas une planification thérapeutique individualisée, a-t-il souligné. ? Ablation par radiofréquence (RFA) et par micro- ondes (MWA) dans le HCCLa RFA et la MWA sont des techniques d'ablation thermique dotées d'une efficacité clinique comparable. La MWA atteint plus rapidement des températures plus élevées et est moins influencée par l'effet de refroidissement des gros vaisseaux sanguins adjacents. Les deux méthodes ont des limites en cas de localisation sous-capsulaire ou à proximité de la vésicule biliaire, du hile du foie ou de l'intestin adjacent. La MWA présente un avantage potentiel pour les tumeurs dont la dimension est comprise entre 3 et 5 cm. L'ablation par RFA et MWA est le traitement standard pour le HCC de stade0 de BCLC <2 cm. Chez les patients présentant un HCC de stade BCLCA (jusqu'à 3 lésions <3cm), l'ablation peut être envisagée comme une alternative à la chirurgie et à la transplantation.5 (Fig. 1) La recommandation est basée sur les résultats intermédiaires de l'étude SURF. Cet essai randomisé de phaseIII a montré que pour les petits HCC <3 cm (3 lésions au maximum), les survies sans récidive après chirurgie et après RFA étaient comparables, respectivement 49,8% vs 47,7% (HR 0,96, 95%p=0,793).6 Cela correspond aux bons résultats obtenus avec la RFA dans une étude de cohorte rétrospective incluant des patients potentiellement transplantables présentant un HCC solitaire ?3 cm. Les patients présentant des lésions > 2 cm et une élévation de l'AFP avaient un risque plus élevé de récidive. Même pour ces petites lésions, le diamètre a donc de l'importance.7 ? (Chimio-)Embolisation transartérielle (TA[C]E)Il existe plusieurs techniques, partiellement standardisées, d'embolisation transartérielle.8 L'embolisation seule (ETA simple) provoque une nécrose ischémique de la tumeur par occlusion angiographique sélective transartérielle des vaisseaux sanguins alimentant le foie au moyen de colle ou de microparticules.9 La chimio-embolisation transartérielle (TACE) associe l'embolisation seule (TAE) à une chimiothérapie dans une émulsion de lipiodol (cTACE) ou liée à des billes à élution médicamenteuse (DEB-TACE). La TAE est associée à un risque plus élevé de complications en cas de shunt gastro-intestinal, de mauvaise fonction hépatique (>Child-Pugh-B>7), de thrombose de la veine porte, d'hypertension portale et de facteurs de risque biliaires (stent, sphinctérotomie, anastomose entéro-biliaire). Les recommandations BCLC préconisent le recours à la TACE dans le sous-groupe de stade BCLB-B, qui se compose de patients présentant des lésions nodulaires décrites avec un flux sanguin portal préservé et non-candidats à une transplantation hépatique. La cTACE et la DEB-TACE offrent ici un bénéfice similaire. Les patients avec HCC précoce, de stade 0 ou A selon la classification BCLC, qui ne sont pas éligibles à la chirurgie ou à la RFA sont également candidats à la TACE.5 (Fig. 1) ? TARELa radiothérapie transartérielle (TARE ou SIRT) utilise des microsphères en verre ou en résine chargées au 99Y. L'effet repose principalement sur la radiothérapie, et moins sur l'embolisation que dans le cas de la TACE. Un ajustement correct de la thérapie et une dosimétrie personnalisée basée sur la simulation avec la tomographie SPECT-CT au 99mTc-MAA augmentent l'efficacité et la sécurité. Dans le cas d'une maladie limitée, une dose ablative sélective est indiquée dans un but curatif ou pour effectuer la transition avec une autre thérapie locorégionale. Un traitement sélectif segmentaire, lobaire ou bilobaire peut être indiqué dans une situation palliative ou pour induire une hypertrophie du lobe controlatéral avant la résection du lobe hépatique affecté. Les recommandations BCLC mentionnent que chez les patients BCLC-0/A présentant une lésion solitaire de diamètre <8 cm si l'ablation, la résection ou la transplantation n'est pas possible ou a échoué (Fig. 1), le TARE, avec une bonne réponse à la transplantation hépatique, constitue une option. Cette affirmation repose sur les résultats de l'essai rétrospectif LEGACY, qui, dans cette indication, a obtenu une rémission clinique complète avec SIRT chez 84% des 162patients.10 Les recommandations BCLC ne retiennent pas d'indication pour le TARE au stade intermédiaire, dans lequel la TACE constitue la norme. Mais l'essai TRACE, qui a comparé le TARE avec la DEB-TACE, remet cette stratégie en question. Cet essai prospectif et randomisé, de phase II et mené par l'équipe de l'UZ Gent a démontré, lors de l'analyse intermédiaire, la supériorité du 90Y-TARE sur le plan du contrôle tumoral et de la survie chez les patients atteints d'un HCC précoce ou intermédiaire.11 ? Traitement transartériel pour le iCCALes lignes directrices de l'ESMO pour le cancer du canal biliaire mentionnent la radiothérapie interne sélective pour les patients présentant un iCCA inopérable après une chimiothérapie de 1re ligne. Cette recommandation est faible et repose sur des études de faible envergure, essentiellement rétrospectives. Le traitement doit de préférence être administré dans le cadre d'un essai clinique. La discussion a également souligné l'importance rapidement émergente de la recherche moléculaire et du traitement ciblé dans cette indication. Le Dr Jeroen Dekervel s'est penché sur le traitement systémique du HCC. ? PositionnementLes recommandations BCLC préconisent un traitement systémique pour les patients ayant une bonne fonction hépatique et présentant un stade avancé (BCLC-C), ainsi que pour les patients présentant un stade intermédiaire (BCLC-B) avec une atteinte hépatique biliaire diffuse et infiltrante, et un score ECOG<2.5 (Fig. 1) La classification BCLC présente des limites et dépend en partie d'une évaluation subjective des scores de Child-Pugh et ECOG. Ce constat, ainsi que l'importance du choix du traitement de 1re ligne et de traitements systémiques plus efficaces, soulignent la nécessité d'une stratégie thérapeutique personnalisée et d'une concertation multidisciplinaire. ? OptionsLes inhibiteurs de la tyrosine kinase représentaient jusqu'à récemment l'unique option disponible. En Belgique, le sorafénib (SORA) et le lenvatinib (LEN) sont remboursés en 1re ligne et le régorafénib (REGO) l'est en 2e ligne. L'immunothérapie a élargi les options thérapeutiques et l'association atézolizumab/bévacizumab (ATE/BEVA) constitue le traitement standard actuel en 1re ligne pour le HCC dans les affections hépatiques de classe Child-Pugh A. L'étude IMbrave 150 a été la première étude à prouver que l'association d'un inhibiteur de l'angiogenèse avec l'immunothérapie était supérieure au SORA. Cette étude de phase III a comparé le SORA, l'ATE et l'association ATE/BEVA chez 501patients. Les résultats ont mis en évidence un bénéfice pour le bras combiné, avec une survie globale (OS) prolongée de 19,2 mois contre 13,4 mois (HR: 0,66, p= 0,0009) après un suivi médian de 15,6 mois. À noter que le sous-groupe de patients souffrant d'une maladie hépatique sous-jacente non virale n'a obtenu aucun bénéfice12. L'étude HIMALAYA, récemment présentée à l'ASCO GI 2022 et publiée dans NEJM Evidence13, a montré que la combinaison d'anticorps anti-PD-1 et anti-CTLA-4 constitue un traitement de 1re ligne efficace pour les patients atteints d'un HCC. Le protocole STRIDE consistait en l'administration d'une dose de trémélimumab (TREME, un anticorps anti-CTLA4) et de durvalumab (DURVA, anticorps anti-PD-L1) jusqu'à la progression. Cette étude de phase III a randomisé des patients présentant un HCC non résécable pour recevoir un traitement par STRIDE (393 patients), par DURVA (389 patients) ou par SORA (389 patients). Une classe supérieure à la classe Child-Pugh A et la thrombose veineuse portale étaient des critères d'exclusion, mais la gastroscopie et le traitement des varices n'étaient pas requis pour l'inclusion. L'OS était significativement plus longue avec le protocole STRIDE qu'avec le SORA. L'OS médiane à 33mois de suivi était de respectivement 16,4 (14,2-19,6) mois et de 13,8 (12,3-16,1) mois (HR: 0,78, p = 0,0035). De même, l'OS avec le DURVA en monothérapie n'était pas inférieure à celle observée avec le SORA (HR OS, 0,86 ; IC à 96%, 0,73-1,03). L'OS à 3 ans était de 30,7% dans le groupe STRIDE, de 24,7% dans le groupe DURVA et de 20,2% dans le groupe SORA. Une analyse de sous-groupes a également montré un bénéfice significatif pour les patients présentant une maladie hépatique non virale sous-jacente. Le DURVA +/- TREME est une nouvelle option dans le traitement de 1re ligne des patients atteints de HCC non résécables de classe Child-Pugh A, mais cette option pas encore remboursée en Belgique. ? ChoixEn 1re ligne, les associations ATE/BEVA et DURVA / TREME sont des choix possibles. Ces deux associations ont montré un bénéfice significatif en termes d'OS par rapport au SORA. Les varices oesophagiennes non contrôlées étaient un critère d'exclusion dans l'étude IMBrave 500, mais un plus grand nombre de patients ont présenté des saignements comme effet secondaire que dans l'étude Himalaya (6,4% vs 0,5%), dans laquelle la thrombose de la veine porte (TVP) était un critère d'exclusion. Dans cette dernière étude, davantage de patients ont présenté des effets secondaires liés à l'immunothérapie (12% vs contre 20%). Ces données aident au choix du traitement de 1re ligne, où l'association ATE/BEVA reste une option dans les troubles immunitaires contrôlés et la TVP, alors que STRIDE, lorsqu'il est disponible, a la préférence en cas de présence de saignements non contrôlés ou de facteurs de risque cardiovasculaire tels que l'hypertension. Le LEN et le SORA peuvent toujours être utilisés en 1re ligne chez les patients présentant une récidive post-transplantation et des troubles auto-immuns non contrôlés. En 2e ligne, le régorafénib (REGO), le cabozantinib et le ramucirumab sont efficaces dans les études de phase III après échec du SORA. Le REGO est remboursé dans cette indication en Belgique. Nous ne disposons pas de données après l'administration de LEN ou de l'association ATE/BEVA en 1re ligne. Dans la pratique, le SORA et le REGO peuvent être envisagés dans cette situation, mais de préférence dans le cadre d'un essai clinique.