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Dès l'année dernière, Johnston SRD et al. (1) ont publié les résultats relatifs à l'abemaciclib (ABEMA) en adjuvant à une hormonothérapie (ET). Après un suivi de 15,5 mois, l'étude monarchE a mis en évidence un avantage significatif pour l'ABEMA, en termes tant de survie sans maladie invasive (IDFS) que de survie sans récidive à distance (DRFS). À la demande des autorités sanitaires, une analyse supplémentaire de l'efficacité et de la sécurité a été réalisée après un suivi de 27 mois. Le rôle de l'indice Ki-67, un marqueur de la prolifération cellulaire, a également été étudié. Le plan de l'étude monarchE montre que les patients ont été randomisés en deux cohortes (fig. 1). La cohorte 1 rassemblait des patients présentant au moins 4 ganglions axillaires positifs ou des patients présentant 1 à 3 ganglions axillaires positifs et soit un degré de différenciation de 3, soit une tumeur d'une taille égale ou supérieure à 5 cm. La cohorte 2 se composait de patients présentant 1 à 3 ganglions positifs et un Ki-67 > 20%, mais aucun patient présentant un degré de différenciation de 3 ou une tumeur d'une taille égale ou supérieure à 5 cm. L'analyse en intention de traiter (ITT) portait sur les deux cohortes. 5637 patients ont reçu une hormonothérapie avec ou sans ABEMA pendant 2 ans, puis une hormonothérapie pendant 3 à 8 ans. Le critère d'évaluation principal de l'étude était l'IDFS. Le Pr O'Shaughnessy s'est d'abord intéressée à l'efficacité. L'avantage en termes d'IDFS observé dans la population en ITT lors de la première analyse a de nouveau été constaté après 565 événements IDFS, avec un HR de 0,696 (IC à 95%: 0,588-0,823 ; p < 0,0001), ce qui correspond à une réduction de 30,4% du risque de développer un événement IDFS. Par conséquent, les courbes de Kaplan-Meier continuent de s'éloigner et l'effet du traitement est maintenu également après 2 ans de traitement par ABEMA. Une estimation des pourcentages d'événements IDFS à 3 ans montre une différence absolue de 5,4% entre les deux stratégies thérapeutiques en faveur du traitement par ABEMA, dans toutes les sous-populations préalablement spécifiées. Une même constatation a été faite lorsque la DRFS a été évaluée dans la population en ITT. La combinaison de l'hormonothérapie et de l'ABEMA a permis d'obtenir une réduction de 31,3% du risque de développer un événement DRFS, avec une différence absolue de 4,2% après trois ans. Le Pr O'Shaughnessy a également abordé les résultats de l'efficacité dans la population à indice Ki-67 élevé (> 20%). Cette nouvelle analyse montre toujours un avantage clinique en termes d'IDFS avec l'association ABEMA + ET chez les patients dont l'indice Ki-67 est élevé. Ainsi, le risque de développer un événement IDFS baisse de 33,7% (HR 0,663 ; IC 0,524-0,839 ; p = 0,0006), ce qui correspond à une différence absolue de 6,0% après trois ans. Une autre question de cette étude était de déterminer si le Ki-67 est un marqueur pronostique et/ou prédictif pour l'ABEMA. Comme prévu, un indice Ki-67 élevé pronostique une moins bonne issue parmi cette population de patients, mais l'avantage en faveur de l'ABEMA n'était pas dépendant de l'indice Ki-67 (fig. 2). Enfin, le Pr O'Shaughnessy a commenté les conclusions des données disponibles sur la sécurité, qui correspondent totalement aux observations réalisées lors des analyses précédentes. Une augmentation des effets indésirables (AE) de grade III n'a pas été notée. Selon le Pr O'Shaughnessy, nous pouvons considérer ces données de sécurité comme matures, puisque 90% des patients ont déjà terminé la période de traitement de l'étude. En conclusion, nous pouvons dire que l'abemaciclib en adjuvant d'une hormonothérapie a encore montré, lors d'un nouveau suivi, un avantage cliniquement important pour les patients atteints d'un cancer du sein hormonosensible à haut risque (HR+) HER2- précoce à ganglions positifs. Après la présentation, le Pr Adyta Bardia (Massachusetts General Hospital, Boston) a posé quelques questions auxquelles il reste encore à trouver une réponse. Il a toutefois commencé son exposé par une bonne nouvelle: la FDA a approuvé l'abemaciclib en association avec une hormonothérapie (tamoxifène ou inhibiteur de l'aromatase) en vue du traitement adjuvant du cancer du sein à haut risque (HR+) HER2- précoce à ganglions positifs. L'ABEMA est ainsi le premier inhibiteur de CDK4/6 approuvé par la FDA dans cette indication, ce qui, selon le Pr Bardia, constitue un progrès important dans le traitement du cancer du sein hormonosensible. En effet, la dernière approbation d'un nouveau traitement remontait à 15 ans. Le professeur Bardia a donc demandé si ces résultats significatifs pourraient se maintenir lors d'un suivi encore plus long. On sait en effet que le risque de récidive d'un cancer du sein hormonosensible demeure après 3 ans. L'ABEMA retarde-t-il le début de la formation de métastases chez tous les patients ou prévient-il les métastases chez certains? Combien de temps l'avantage dure-t-il après l'arrêt du traitement? Selon le Pr Bardia, il n'existe que deux scénarios: soit l'avantage en termes d'IDFS diminue avec le temps, soit il perdure. La stabilité actuelle du HR et de l'IDFS est encourageante, mais nous devons attendre un suivi plus long, principalement pour voir si cet avantage concernant l'IDFS se traduit aussi en un avantage de survie. Une deuxième question est de savoir pourquoi ces résultats diffèrent si fortement de ce qui a été observé dans d'autres études. Les résultats de deux études randomisées de grande envergure portant sur le palbociclib (PALBO) dans un contexte adjuvant ont déjà été publiés: PENELOPE-B (2) et PALLAS (3). Après un suivi médian de 42,8 mois, l'étude PENELOPE-B n'a mis en évidence aucune différence significative des pourcentages d'IDFS à 4 ans. Lors de l'étude PALLAS, aucune différence significative des pourcentages d'IDFS à trois ans n'a été observée après un suivi médian de 23,7 mois. Pouvons-nous l'expliquer, sachant que les comparaisons entre études sont dangereuses? Le Pr Bardia formule différentes hypothèses. D'abord, les patients inclus dans l'étude monarchE étaient à haut risque, contrairement à la population de l'étude PALLAS qui était exposée à un risque modéré à élevé. Une analyse de sous-groupe dans le cadre de l'étude PALLAS n'a pas mis en évidence d'avantage pour les patients atteints d'un cancer du sein N2/N3. Une deuxième hypothèse se concentre sur le nombre d'interruptions du traitement. Dans l'étude PALLAS, 42,2% des patients ont dû arrêter leur traitement, contre seulement 17,4% dans l'étude monarchE, bien qu'une sous-analyse de l'étude PALLAS ait montré que la dose administrée n'avait pas d'effet significatif sur les résultats obtenus. Une troisième hypothèse doit, selon le Pr Bardia, s'intéresser au médicament proprement dit. Ainsi, nous savons que la monothérapie par ABEMA présente une activité dans le contexte hormonorésistant et, de plus, que l'ABEMA offre un avantage clinique chez les patients ayant reçu précédemment du PALBO. Par ailleurs, il n'existe aucune corrélation forte entre la durée de traitement par PALBO et la réponse à l'ABEMA (4). Le Pr Bardia a rappelé qu'il ne s'agit que d'hypothèses et qu'idéalement, les deux produits devraient être comparés lors d'une étude randomisée, soit en première ligne, soit en néoadjuvant. Une troisième question posée par le Pr Bardia est de savoir si ces résultats influenceront la pratique clinique quotidienne, donc si tous les patients doivent être mis sous ABEMA. Pour le savoir, l'avantage de l'ABEMA doit être comparé aux risques éventuels. Le grand bénéfice se situe dans l'avantage cliniquement important pour les patients atteints d'un cancer du sein à haut risque HR+ HER- à ganglions positifs, y compris une réduction de l'apparition de métastases à distance. Les risques sont avant tout les toxicités entraînées par ce traitement. Une grande partie des patients développe une diarrhée et des effets indésirables tels qu'une thrombose veineuse profonde et une pneumopathie interstitielle, qui peuvent engager leur pronostic vital. En outre, le coût financier ne peut être négligé. Selon le Pr Bardia, il convient peut-être dès lors de se demander si nous pouvons définir des populations de patients qui tireraient un bénéfice encore plus grand d'un traitement par ABEMA. La dernière question du Pr Bardia concernait la durée optimale d'un traitement adjuvant par un inhibiteur de CDK4/6. L'étude monarchE a évalué un traitement par ABEMA pendant deux ans. NATALEE est une étude en cours qui évalue le ribociclib (RIBO) en adjuvant pendant trois ans. Mais nous pouvons nous demander pourquoi la durée du traitement par inhibiteur de CDK4/6 n'est pas fixée à 5, voire 10 ans. Nous savons logiquement que l'observance thérapeutique est menacée et que la toxicité peut être un frein. Mais la question demeure de savoir si une inhibition plus longue des CDK4/6 en adjuvant est nécessaire. Les études dans un contexte néoadjuvant ont observé que l'arrêt de l'inhibition des CDK4/6 entraîne une reprise de l'indice Ki-67. En outre, une utilisation illimitée d'un inhibiteur de CDK4/6 n'est pas faisable. Un rôle est-il réservé à une réinduction éventuelle de l'inhibiteur de CDK4/6? Et quand cette réinduction doit-elle avoir lieu? Le rôle de biomarqueurs dynamiques tels que l'ADN tumoral circulant (ADNtc) pourrait jouer un rôle ici, selon le Pr Bardia.