La question de l'usage de la chimiothérapie et/ou de la radiothérapie avant ou après chirurgie demeure intéressante non seulement d'un point de vue efficacité mais aussi afin d'éviter tout surtraitement du patient.
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SAKK 16/00 a tenté de répondre à cette question. Il s'agit d'une étude de phase 3 randomisée comparant la chimioradiothérapie et la chimiothérapie seule chez des patients présentant un cancer pulmonaire non-à-petites-cellules (NSCLC) de stade IIIA/N2. On le sait, la chimiothérapie améliore la survie des patients qu'elle soit administrée avant ou après la chirurgie chez ces patients. " Même si l'avantage est réduit, il demeure statistiquement significatif. Cependant, le rôle du traitement local demeure peu clair. Certaines études suggèrent que la radiothérapie peut apporter un bénéfice, d'autres non ", a expliqué Miklos Pless (Winterthur, Suisse).Is more better ? Des études de phase 2 ont permis de démontrer que les récidives locales survenaient chez 22% des patients. Par ailleurs, on a appris depuis longtemps que les deux facteurs prédictifs de survie les plus importants étaient la résection complète de la tumeur (R0) et la déstadification pathologique de N2 à N0/1. " Notre hypothèse a donc été de savoir si une chimioradiothérapie néoadjuvante permet d'améliorer le stade de la tumeur et d'obtenir une résection plus complète, avec pour résultat une amélioration du contrôle local, de la survie sans évènement (EFS) et de la survie globale (OS). " L'équipe suisse a randomisé 232 patients dans 23 centres différents et les a suivis sur une médiane de 52 mois. Tous les patients ont été traités par 3 cycles de chimiothérapie associant du cisplatine (100mg/m² et du docetaxel 85 mg/m² toutes les 3 semaines. La moitié des patients ont bénéficié d'une radiothérapie avec une dose totale équivalente à 44 Gy en 22 fractions sur 3 semaines (CRT). Ces patients ont été évalués par PET-scan avant et après la radiothérapie. L'autre moitié des patients ont reçu uniquement la chimiothérapie combinée selon le même schéma et le même dosage que le premier groupe (CT). Ensuite, tous les patients ont subi une prise en charge chirurgicale. L'objectif primaire des auteurs était de déterminer l'EFS, définie comme le délai avant la survenue d'une récidive, la progression de la maladie, l'apparition d'une seconde tumeur ou le décès du patient. Dans un second temps, les chercheurs ont voulu déterminer la survie globale ou le taux de résection complète, notamment.Pas de surtraitement, svp ! Initialement, l'étude devait inclure 240 patients, mais elle a été arrêtée prématurément après 134 évènements enregistrés au vu des résultats obtenus à la 3ème analyse intérimaire. La chimiothérapie a pu être effectuée complètement chez environ 90% des patients ; l'arrêt de la chimio chez les 10% a été justifié essentiellement par une toxicité intolérable. La radiothérapie a pu être terminée chez 84% des patients inclus dans ce bras de l'étude ; les 16% restants n'ayant pas reçu ce traitement. Les données de résection montrent que 85% des patients CRT et 82% des CT ont pu être opérés. L'intervention a permis d'obtenir le RO dans 91% des cas des CRT et 81% des CT. Les toxicités hématologiques, essentiellement la neutropénie, et non-hématologiques, digestives le plus souvent, ont été similaires dans les deux groupes. La radiothérapie a été très bien tolérée avec seulement 8% d'effets secondaires de grade 3 et aucun de grade 4. Les complications post-opératoires étaient équivalentes : on a déploré seulement 3% de décès dans le groupe CR et 0% dans le groupe CRT. Le taux de réponses globales a été de 51% et de 61% dans le groupe CRT respectivement après la chimio et la radiothérapie alors qu'il a été de 44% dans le groupe CR. Les raisons de cette différence n'ont pas pu être déterminées. La réponse complète pathologique est la même dans les deux groupes : 16% pour le CRT vs 12% pour le CT. L'étude s'est révélée négative, car l'EFS ne diffère pas d'un groupe à l'autre avec 13,1 pour le CRT et 11,8 pour l'autre groupe (HR=1,1 ; CI95% : 0,8-1,4 ; p=0,665). De même pour l'OS, avec respectivement 37,1 mois et 26,2 (HR=1,0 ; CI95% : 0,7-1,4 ; p=0,938). Les chercheurs suisses ont par ailleurs confirmé que la résection complète de la tumeur améliore nettement le pronostic des patients. L'analyse par sous-groupes prédéfinis n'a pas non plus permis de conclure à l'intérêt supplémentaire d'une radiothérapie néo-adjuvante. Même négative, cette étude est intéressante, car comme l'explique Solange Peters (Lausanne, Suisse) sur notre blog, " le traitement multimodal de ces tumeurs est la règle, mais si vous pouvez administrer un traitement local très efficace, ajouter un deuxième traitement n'apporte rien, ce qui permet d'éviter de surtraiter nos patients, qui sont déjà fragiles. "