Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer en Europe. Le mauvais pronostic est la conséquence d'un diagnostic souvent tardif, au stade avancé et incurable (IV) de la maladie. Le dépistage de la population à haut risque est aujourd'hui étayé par les données probantes et recommandé au niveau européen. Où en sommes-nous?
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La tomodensitométrie à faible dose (TDMfd) des poumons permet de détecter un cancer du poumon asymptomatique à un stade précoce. Or, le traitement précoce réduit le risque de décès d'un quart(1). Le groupe cible du dépistage se compose des fumeurs et des anciens fumeurs qui ont arrêté de fumer au cours des quinze dernières années, âgés de 50 à 75 ans et comptabilisant au moins 30 paquets-années (2)dans leurs antécédents de tabagisme.Le Pr Harry De Koning (Santé publique, Rotterdam) a énuméré les avantages du dépistage du cancer du poumon (DCP) au congrès ELCC '23. "Les examens sont simples à réaliser : pas besoin de produit de contraste ou d'ECG et nous atteignons une capacité de 9 TDM/heure. La dose de rayons est très faible. Un seul scan nous permet de détecter d'éventuelles lésions dans les poumons, de quantifier le score calcique coronaire, qui est un solide prédicteur du risque de maladies cardiovasculaires, et de déterminer le score d'emphysème, qui permet d'estimer le risque de diminution de la fonction respiratoire et de BPCO chez les fumeurs. Et le gain est encore plus grand si le dépistage est associé à un accompagnement au sevrage tabagique."L'interprétation des images est également rapide et simple, insiste le Pr De Koning. "Aux Pays-Bas, la première évaluation est faite par un radiologue et une deuxième est réalisée par intelligence artificielle. Si les deux donnent un résultat différent, une troisième lecture est effectuée. La probabilité d'un faux-positif est d'ailleurs très faible."Quels sont les obstacles à la mise en oeuvre du dépistage ? Divers spécialistes notent que les stratégies de recrutement individuel sont cruciales. Le groupe de population visé est très hétérogène. Comment pouvons-nous l'atteindre, l'informer et le motiver au mieux à participer au DCP ? Le généraliste jouera dans tous les cas un rôle clé. Mais les pneumologues, radiologues, ministres de la santé ... doivent aussi apporter leur pierre à l'édifice.Nous avons besoin de solides systèmes de gestion de données et d'effectifs de personnel en suffisance (experts en TIC, protection des données, IA et apprentissage automatique). Les découvertes fortuites, sans influence significative sur le pronostic, doivent être évitées en vue d'atteindre le meilleur rapport bénéfice/risque. Et quid de l'intervalle de dépistage si le premier examen est négatif ? Les biomarqueurs peuvent-ils constituer une alternative intermédiaire ?Le DCP possède d'ores et déjà un bon rapport coût/efficacité pour de nombreux pays. En Flandre, un groupe de travail multidisciplinaire est déjà en place. En France, un certain nombre de projets pilotes sont en cours. L'Italie et la Suède l'intègrent dans le dépistage préventif du cancer, tandis que la Croatie a lancé un programme national depuis 2020. Le site web du Lung Cancer Policy Network propose une carte interactive, où vous pouvez suivre en direct les pays qui ont déjà instauré le DCP.(1) H De Koning, C Van der Aalst, et al. NELSON-trial. N Engl J Med 2020; 382:503-513, DOI: 10.1056/NEJMoa1911793(2) Un paquet-année équivaut à la consommation d'un paquet de (20) cigarettes par jour pendant une année.