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Le bevacizumab (inhibiteur du VEGF) est actuellement remboursé dans trois indications de cancer de l'ovaire : en traitement de 1re ligne d'un cancer de l'ovaire en stade IV en association avec une chimiothérapie ; en traitement de 2e ligne après une première rechute chez des patients sensibles aux sels de platine ; et en traitement de 2e ou 3e ligne chez des patients résistants aux sels de platine et qui n'ont pas été traités par des agents ciblant les récepteurs du VEGF.Sur base de quatre études pivots, le KCE affirme que le bevacizumab n'a pas d'effet significatif sur la survie globale (OS) ou la qualité de vie (QoL) du patient. Ce traitement n'améliorerait la survie totale qu'en première ligne, tel qu'il est remboursé. En cas de récidive, il aurait un effet positif sur la survie sans progression (PFS). Selon le KCE, le résultat en termes d'OS et de QoL serait plus important que celui de PFS, ce qui était le critère d'évaluation principal dans les 4 études. Le KCE a également pris comme arguments des sondages réalisés auprès de patients.Le rapport indique également que la décision de rembourser le bevacizumab dans le cancer de l'ovaire doit tenir compte de son impact sur la survie globale. Le KCE a encore conclu d'après son propre modèle économique de santé que les rapports coût-efficacité différentiels d'un traitement par bevacizumab en première ligne ou après une rechute sont relativement élevés.Pour son rapport, le KCE a fait appel au Pr Ignace Vergote, gynéco-oncologue (UZ Leuven) et ancien président de l'Institut du cancer de Louvain, comme expert externe, mais a tiré des conclusions avec lesquelles le Pr Vergote est en désaccord: " Les experts externes, tant nationaux qu'internationaux, ont pris leurs distances par rapport à leurs conclusions sur le bevacizumab. Cela devrait constituer un signal important."L'interprétation est erronée parce que les données de départ sont fausses. " D'après l'une des observations contenues dans le rapport, on ne note de différence en termes d'OS que dans des sous-groupes dans des études portant sur la première ligne. Toute personne qui est fortement impliquée dans le cancer de l'ovaire sait que l'OS n'est pas un indicateur pour ce cancer, car les patients reçoivent en moyenne six lignes de traitement. Lors de la 5è conférence mondiale de consensus sur le cancer de l'ovaire à Tokyo l'an dernier, 2 tous les experts ont unanimement confirmé que la PFS est une alternative valable à l'OS dans les études sur le traitement de première ligne, à condition qu'elles soient soutenues par des résultats liés aux patients. Pour détecter une différence d'OS, il faudrait mener des études sur le traitement de première ligne non pas sur 1500, mais probablement 5000 à 10.000 patients car la survie globale est fortement influencée par les lignes de traitement suivantes.""Le fait que le rapport ne tienne compte que de l'OS en première ligne n'est donc pas correct. Cela a suscité d'ailleurs beaucoup de commentaires. De même en ce qui concerne la QoL, le rapport est quelque peu tendancieux. Dans les études portant sur la première ligne (ICON7 et GOG-0218), aucune différence de QoL n'a été constatée. Le rapport indique bien une légère tendance dans le sens d'une moins bonne qualité de vie après le 3e cycle dans l'étude GOG-0218, laquelle disparaît plus tard. Le bevacizumab n'étant administré qu'à partir du 2è cycle, le KCE n'accorde donc en fin de compte une grande importance qu'à ces six semaines. De plus, les études sur la qualité de vie ne sont presque jamais positives, parce que, entre autres, de nombreuses questions (questionnaires) posées au patient n'ont rien à voir avec le traitement, ni avec les plaintes. Ces outils sur la QoL ne sont en réalité pas adéquats pour mesurer une amélioration de la qualité de vie, en particulier dans le cas du cancer de l'ovaire ou du traitement qu'il nécessite ", a argumenté le Pr Vergote." On note dès lors une nouvelle tendance: on estime, conjointement avec les statisticiens et les chercheurs qui ont l'expérience dans les études portant sur la QoL, que le critère d'évaluation principal de la qualité de vie est la plus forte plainte ressentie par le patient, et qu'il faut de là, en étudier les effets. Ce que nous avons fait dans l'étude AURELIA (récidive, résistance au platine) en définissant au préalable un symptôme (inconfort ou douleur abdominale) comme critère d'évaluation clinique de la qualité de vie. Il fut d'ailleurs nettement amélioré sous bevacizumab. "Le Pr Vergote s'interroge aussi sur la pertinence de l'analyse des attentes des patients qui suivent un traitement d'entretien. " Lors de la récente conférence de l'ASCO, une analyse européenne portant sur plus de 2000 patients a été réalisée. 3 Je pense que l'on peut en tirer plus d'enseignements que de l'interrogatoire d'un nombre limité de patients sur lequel le KCE s'est appuyé. En outre, la plupart des patients ont des attentes irréalistes par rapport au traitement, mais je pense que cela est dû en partie à un manque d'information/d'éducation, mais aussi, à un traitement difficile et éprouvant. Lorsque nous annonçons aux patients atteints d'un cancer de l'ovaire récurrent que la guérison n'est plus possible, de nombreux patients sont submergés. Les attentes doivent donc être relativisées avant. Le bevacizumab est, par ailleurs, peu toxique. Dans de rares cas, on constate une embolie ou une hémorragie, mais il ne cause pas de nausées, ni de chute de cheveux, ni de neurotoxicité. "" Ce qui me préoccupe, c'est l'impact qu'aura le rapport sur le ministère de la Santé publique en termes de remboursement. Le KCE a fait des raccourcis dans ses conclusions. Si vous vous fiez au rapport, le médicament ne serait plus remboursé en deuxième ligne, et nous serions l'un des rares pays de l'UE à réagir ainsi. Selon moi, le KCE a un point de vue qui ne relève pas de la clinique. Nous voyons et traitons des patients tous les jours, et nous avons une autre vision du problème. Chez les patients atteints d'un cancer de l'ovaire récurrent, ce médicament peut prolonger la PFS avec très peu d'effets secondaires, mais ce groupe n'en a pas tenu compte. Le bevacizumab a une valeur ajoutée pour les patients atteints de cancer de l'ovaire. Je ne peux pas soutenir la décision de réduire le nombre de patients belge qui pourraient en bénéficier. "Références :1. kce.fgov.be KCE Reports 285A.2. Karam et al, Ann Oncol 2017, 28(4): 711-17.3. Rohr et al. J Clin Oncol 35, 2017 (suppl; abstr e17096).