" Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient touchés ", aurait dit La Fontaine au sujet du burnout qui apparait aujourd'hui comme une véritable peste moderne. L'étude du Dr Suzan Banerjee oncologue médicale au Royal Marsden NHS Trust de Londres, montre à quel point ce problème concerne aussi les oncologues.
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L'enquête a été menée auprès de 735 jeunes oncologues de moins de 40 ans et 595 y ont répondu. La spécialiste anglaise a tenu à cibler spécifiquement les jeunes. Tout comme leurs ainés, ils doivent prendre des décisions complexes, travaillent longtemps, mais ils doivent aussi faire face plus souvent que les oncologues plus âgés à des soucis administratifs, des plaintes médicolégales. Par ailleurs, leur charge de travail semble s'être alourdie. " D'autres études dont une très grande étude américaine a déjà été réalisée chez les oncologues de 50 ans et plus et a montré une forte incidence du burnout", a expliqué le Dr Suzan Banerjee. Le questionnaire adressé aux jeunes oncologues tentait de déterminer la fréquence de dépersonnalisation des patients, la perte de sens du travail et les troubles émotionnels. L'enquête a été menée à travers toute l'Europe géographique, de l'Oural à l'Atlantique dans 40 pays. De manière assez surprenante, la chercheuse anglaise et ses collègues ont constaté que dans l'ensemble 71% des jeunes oncologues souffrent de burnout ! Il existe des variations géographiques importantes. Ainsi, ils ne sont que un sur deux à présenter ce syndrome dans les pays nordiques et au Royaume-Uni alors que cette proportion atteint plus de 80% en Europe centrale. Chez nous, en France et aux Pays-Bas, le burnout concerne 2 jeunes oncologues sur 3. Les facteurs influençant la survenue du burnout les plus souvent cités sont un déséquilibre entre la vie professionnelle et personnelle (63%) et la carence de congés. " Si vous ne bénéficiez pas d'un bon équilibre entre votre profession et votre vie, le risque de développer un burnout est multiplié par 3,6 et par 1,8 si vous ne prenez pas de congés. " Cependant, pour les médecins d'Europe de l'Est, il semble que le manque d'un travail en équipe joue un grand rôle. Les autres facteurs hospitaliers sont le trop grand nombre de patients et corolairement le personnel réduit. Les auteurs relèvent également des facteurs personnels comme l'absence d'une relation stable avec un partenaire et d'une vie familiale avec des enfants. Il existe aussi un autre aspect important au regard des résultats de l'étude. Le manque d'accès à une aide à l'intérieur de l'hôpital contribue aussi à l'augmentation du burnout. " Dans notre enquête, 74% des répondants rapportent qu'ils n'ont aucun support. Nous avons appris aujourd'hui qu'en Belgique, des psychologues pouvaient être intégrés aux équipes de soignants, ce qui est une très bonne chose ", a insisté Suzan Banerjee. " Nous avons aussi tenté de développer un modèle permettant de prédire le burnout. Il s'agit bien entendu des différents facteurs décrits dans l'étude, mais aussi le temps de trajet entre l'hôpital et la maison. En utilisant ce modèle, nous avons réussi à classer les jeunes oncologues avec une précision de 75% pour le risque de burnout ! " Il s'agit très certainement de la première étude aussi importante concernant le burnout des jeunes oncologues en Europe. " Ce n'est qu'une première étape de notre travail. L'identification de ce problème doit amener à y trouver des solutions. " Elles ne sont pas univoques. " La première étape est probablement de permettre aux oncologues de rétablir l'équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle et de leur donner accès à de l'aide, notamment de psychologues, s'ils en ont besoin. Ceci profitera non seulement à leur bien-être, mais aussi probablement à leur travail et finalement à la qualité des soins délivrés aux patients ", conclut Suzan Banerjee.