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Le 5 mai est traditionnellement mis sous le signe de l'hygiène des mains. Pourquoi est-il important de sensibiliser le public et les professionnels de santé à l'importance du lavage des mains? "Parce que c'est toujours la première mesure de lutte contre les infections", répond le Pr Anne Simon (Hôpital Saint-Luc, UCL)."Un soin propre est un soin plus sûr", rappelle de son côté l'OMS. Cette initiative, lancée en 2005 dans l'objectif de réduire l'incidence des infections associées aux soins, se décline depuis 2009 en une campagne annuelle "Pour sauver des vies: l'hygiène des mains". L'occasion de rappeler aux soignants qu'ils doivent se laver les mains, au bon moment et de la bonne façon.L'OMS met ainsi à leur disposition une série d'outils à télécharger sur son site, who.int, afin de les aider à mettre en pratique une stratégie pour améliorer et maintenir l'hygiène des mains. On y trouve par exemple des guides résumant les recommandations ou leur mise en oeuvre pour les patients présentant une plaie postopératoire, une voie veineuse centrale ou périphérique, un tube endotrachéal, un cathéter urinaire... Ou encore des affiches montrant comme faire une friction hydro-alcoolique ou comment se laver les mains dans les règles de l'art et les 5 indications de l'hygiène des mains en soins ambulatoires, en soins dentaires, en consultation pédiatrique, en hémodialyse, en long séjour, en campagne de vaccination...Après 10 ans d'existence de cette campagne, l'Organisation se félicite des millions de vies qui ont ainsi pu être sauvées. Elle rappelle notamment qu'une bonne hygiène des mains permet de prévenir les infections associées aux soins et qu'il existe des techniques abordables telles que la solution hydro-alcoolique (SHA) pour les mains d'un coût d'environ 3 dollars par flacon.Au rayon des avantages de cette SHA, sa capacité à éliminer les bactéries sans modifier la flore cutanée et ceci, de façon extrêmement rapide et efficace (1.000 à 10.000 fois plus que le savon), et... sans résistance. Contrairement à ce qu'une étude, parue à la fin de l'été dernier1 et largement reprise dans la presse, a pu laisser penser.Le Dr Didier Pittet (Hôpital universitaire de Genève), l'instigateur et le promoteur de l'hygiène des mains pour le Programme de contrôle des infections de l'OMS, s'attache toujours à répondre aux attaques par la science et la logique. Ainsi, dans une lettre envoyée au Lancet Infectious Diseases, parue en octobre 20182, il fustigeait les mauvaises interprétations pouvant conduire les professionnels de santé à baisser la garde et dès lors, exposer les patients au risque infectieux.L'étude en question (S. Pidot et al) a comparé la tolérance d'isolats d'Enterococcus faecium, récoltés entre 1997 et 2015, à une SHA à 23%, et a trouvé que certaines souches récentes étaient plus tolérantes à l'alcool. Or, précise le Dr Pittet, "les SHA utilisées en hôpital contiennent 60 à 90% d'alcool. Il n'y a pas de preuve de résistance à cette concentration, donc une tolérance à une SHA à 23% n'est cliniquement pas pertinente. (...) Les hôpitaux doivent choisir des formulations de SHA de grande qualité et validées et encourager des taux élevés de compliance à l'hygiène des mains parmi leurs personnels de santé afin de diminuer les taux d'infections liées aux soins et la dissémination de la résistance aux antimicrobiens.""Une bonne recherche est souvent victime d'une mauvaise interprétation ou de distorsion; si ces dernières génèrent de l'attention, elles peuvent faire plus de mal que de bien", poursuit-il. "(...) Ainsi, la version en ligne de l'article du Science Translational Medicine a été sous-titré 'l'alcool perd son éclat'... Par ailleurs, le communiqué de presse de l'American Association for the Advancement of Science a été titré 'Les superbactéries hospitalières deviennent résistantes aux désinfectants alcooliques'. Il s'agit de fausses affirmations, compte tenu que la solution hydro-alcoolique fait partie de la liste des médicaments essentiels de l'OMS et qu'elle sauve des millions de vies dans le monde chaque année.""Mal interpréter la pertinence des résultats des études de laboratoire peut avoir des conséquences négatives majeures. La route entre un peu de sensationnalisme et une distorsion totale est aussi dangereuse que courte", concluent le Dr Pittet et ses collègues. Moralité: on continue comme avant et on rassure tout le monde quant à l'intérêt de la SHA.Chez nous, la 8e campagne nationale de sensibilisation à l'hygiène des mains dans les hôpitaux, organisée tous les deux ans, depuis 2004, par le SPF Santé publique, s'est déroulée en février dernier. Les mesures de l'effet post-campagne sont récoltées jusqu'au 15 mai. Les résultats sont attendus pour l'été prochain.1.Sce Transl Med 2018;10(452):eaar61152.Lancet ID 2018;18(10):1065-6health.belgium.be