Quand on parle du Sida, on parle de l'effort de prévention qui reste primordial. Mais il ne faut pas oublier la poursuite des investigations dans le champ thérapeutique en vue de développer le plein potentiel du traitement antiviral formulé par Onusida à travers la cible '90-90-90'. D'ici 2020, le but est que 90 % des personnes infectées aient connaissance de leur séropositivité, que 90 % des personnes informées de leur statut aient un accès à un traitement antirétroviral et enfin que 90 % des sujets qui reçoivent un traitement n'aient plus de charges virales détectables. À l'échelle mondiale, on est encore loin du compte, puisque ces chiffres sont actuellement respectivement de 57 %, 46 %, 38 %. Rappelons que des tests d'autodiagnostic sont disponibles en Belgique depuis le 23 novembre.

C'est dans cette perspective sinon de guérison du moins d'obtention d' une rémission de l'infection VIH qu'a été présentée le 29 novembre dernier une nouvelle étude clinique originale mise en oeuvre par le Service des maladies infectieuses du CHU St Pierre en coopération avec plusieurs équipes françaises (CHU Kremlin-Bicêtre, hôpital Necker).

Cette expérimentation clinique se situe dans le cadre d'une collaboration fructueuse de longue date entre ce service dirigé par le Pr Stéphane De Wit, et le Service de virologie moléculaire de l'ULB dirigé par le Pr Carine Van Lint, directeur de recherches FRS-FNRS (faculté des sciences sur le Biopark de Charleroi). Le Pr De Wit prend part actuellement à plusieurs essais cliniques visant à définir une stratégie de rémission alors que le Pr Van Lint étudie les mécanismes moléculaires fondamentaux sur lesquels sont établis les processus de rémission.

Des cellules réservoirs

L'efficacité du traitement antirétroviral standard consistant à associer au moins 3 médicaments antirétroviraux (ARV) dans le but de diminuer au maximum la virémie et arrêter l'évolution de la maladie, est actuellement bien établie. On a observé un recul considérable des taux de mortalité lorsqu'on utilise un schéma antirétroviral puissant, en particulier aux premiers stades de l'infection de la maladie.

L'administration des ARV doit néanmoins être poursuivie sans discontinuer, car il existe des cellules 'réservoirs' infectées par des virus latents qui échappent à la réponse immune de l'hôte et à la multithérapie anti-HIV, laquelle implique une multiplication virale active pour être efficace. Ces virus latents peuvent être réactivés par de multiples stimulations dans des occasions très diverses, tels un simple rhume ou la prise d'un médicament, ce qui explique l'augmentation ou la réapparition rapide de la virémie en cas d'interruption du traitement.

L'objectif des études actuelles est d'obtenir une véritable rémission, correspondant au contrôle à long terme et en l'absence de multithérapie (dont on sait qu'elle n'est pas dépourvue d'effets secondaires), de l'infection par le VIH, sans affaiblissement de la réponse immune du malade, sans progression de la maladie et sans transmission du VIH.

Michel Sidibé, directeur exécutif Onusida : " En cas de résurgence des nouvelles infections à VIH, l'épidémie deviendra impossible à maîtriser. Il faut immédiatement mettre en oeuvre les actions requises en matière de prévention. "

Une étude originale de réactivation

Un des plus grands défis de la recherche actuelle contre le Sida consiste à éliminer ces réservoirs cellulaires contenant des virus quiescents (provirus). C'est l'élément constitutif majeur du réservoir viral (il existe également d'autres éléments pouvant faire partie du réservoir : des ADN viraux qui ne sont pas intégrés dans le génome de la cellule hôte ou des particules virales situées dans des compartiments à l'abri du traitement). Une des stratégies explorées consiste à administrer des molécules qui réactivent l'expression des virus latents, tout en maintenant le patient sous traitement anti-VIH. Les cellules réservoirs qui expriment le virus pourraient ainsi être reconnues comme infectées et détruites par les ARV, atteignant un niveau suffisamment bas pour être attaquées par le système de défense de l'individu infecté.

Dans les essais cliniques de réactivation effectués jusqu'à présent on a utilisé des inhibiteurs de désacétylase comme inducteurs du VIH. Ils n'ont donné que des résultats peu probants, ayant échoué à mettre en évidence une diminution de la taille des réservoirs du VIH et un délai dans le rebond de la virémie plasmatique. L'enzyme histone-désacétylase (HDAC) aide à maintenir le VIH à l'état latent chez les personnes séropositives.

L'originalité de la nouvelle étude proposée par les professeurs De Wit et Van Lint se basant sur plus de 20 ans de recherches fondamentales effectuées en collaboration, réside dans l'optimisation de 4 paramètres susceptibles d'expliquer le manque de succès des études de réactivation antérieures.

1. Pour augmenter le niveau trop faible de réactivation obtenu avec les inhibiteurs de désacétylase, deux inducteurs du VIH de classe différente (un inhibiteur de désacétylases et un inhibiteur de méthylation de l'ADN) seront combinés pour la première fois afin de permettre une réactivation synergique plus efficace des virus latents (la méthylation de l'ADN est une modification épigénétique participant à la régulation de l'expression des gènes).

2. La latence du VIH étant un processus hétérogène impliquant des mécanismes moléculaires de répression qui diffèrent d'un patient à l'autre, les patients seront présélectionnés en testant en laboratoire l'effet réactivateur de la combinaison sur leurs cellules infectées, ce qui permettra un traitement individualisé.

3. Une programmation temporelle précise pour l'administration des deux inducteurs sera mise en oeuvre, sur base des résultats obtenus en laboratoire par les équipes de recherche de l'ULB, démontrant que dans des cellules isolées de patients séropositifs, l'activation synergique par ces deux inducteurs est plus efficace lors d'un traitement séquentiel qu'en administration simultanée.

4. La combinaison d'inducteurs sera administrée en plusieurs cycles répétés, étant donné que l'activation de l'expression de VIH requiert parfois plusieurs stimulations.

Essai clinique de phase Ib/II

Voici quelques points concrets du protocole expérimental qui constitue une première mondiale:

  • Des patients séropositifs, indétectables et sous multithérapie seront sélectionnés sur base de la taille de leur réservoir et sur base de la capacité de leurs cellules réservoirs à être réactivées en culture de laboratoire par la combinaison d'inducteurs.
  • Les patients recevront un schéma de traitement combinatoire et séquentiel incluant des inducteurs du VIH agissant sur 2 mécanismes moléculaires différents de la latence virale : la désacétylation protéique et la méthylation de l'ADN.
  • Ce traitement sera administré de manière répétée c'est-à-dire 1 cycle (cohorte 1), 2 cycles (cohorte 2) ou 4 cycles (cohorte 3) dans 3 cohortes consécutives de 5 patients séropositifs. L'enrôlement des patients dans les cohortes 2 et 3 ne sera envisagé que suite à l'évaluation de la toxicité dans les cohortes précédentes. L'objectif primaire dans le cadre de cet essai clinique de phase Ib/II est d'évaluer la faisabilité, la sécurité et la tolérabilité du traitement proposé. L'impact sur la taille des réservoirs viraux et sur l'expression virale sera mesuré comme un objectif secondaire de l'essai.
Quand on parle du Sida, on parle de l'effort de prévention qui reste primordial. Mais il ne faut pas oublier la poursuite des investigations dans le champ thérapeutique en vue de développer le plein potentiel du traitement antiviral formulé par Onusida à travers la cible '90-90-90'. D'ici 2020, le but est que 90 % des personnes infectées aient connaissance de leur séropositivité, que 90 % des personnes informées de leur statut aient un accès à un traitement antirétroviral et enfin que 90 % des sujets qui reçoivent un traitement n'aient plus de charges virales détectables. À l'échelle mondiale, on est encore loin du compte, puisque ces chiffres sont actuellement respectivement de 57 %, 46 %, 38 %. Rappelons que des tests d'autodiagnostic sont disponibles en Belgique depuis le 23 novembre.C'est dans cette perspective sinon de guérison du moins d'obtention d' une rémission de l'infection VIH qu'a été présentée le 29 novembre dernier une nouvelle étude clinique originale mise en oeuvre par le Service des maladies infectieuses du CHU St Pierre en coopération avec plusieurs équipes françaises (CHU Kremlin-Bicêtre, hôpital Necker). Cette expérimentation clinique se situe dans le cadre d'une collaboration fructueuse de longue date entre ce service dirigé par le Pr Stéphane De Wit, et le Service de virologie moléculaire de l'ULB dirigé par le Pr Carine Van Lint, directeur de recherches FRS-FNRS (faculté des sciences sur le Biopark de Charleroi). Le Pr De Wit prend part actuellement à plusieurs essais cliniques visant à définir une stratégie de rémission alors que le Pr Van Lint étudie les mécanismes moléculaires fondamentaux sur lesquels sont établis les processus de rémission.L'efficacité du traitement antirétroviral standard consistant à associer au moins 3 médicaments antirétroviraux (ARV) dans le but de diminuer au maximum la virémie et arrêter l'évolution de la maladie, est actuellement bien établie. On a observé un recul considérable des taux de mortalité lorsqu'on utilise un schéma antirétroviral puissant, en particulier aux premiers stades de l'infection de la maladie. L'administration des ARV doit néanmoins être poursuivie sans discontinuer, car il existe des cellules 'réservoirs' infectées par des virus latents qui échappent à la réponse immune de l'hôte et à la multithérapie anti-HIV, laquelle implique une multiplication virale active pour être efficace. Ces virus latents peuvent être réactivés par de multiples stimulations dans des occasions très diverses, tels un simple rhume ou la prise d'un médicament, ce qui explique l'augmentation ou la réapparition rapide de la virémie en cas d'interruption du traitement.L'objectif des études actuelles est d'obtenir une véritable rémission, correspondant au contrôle à long terme et en l'absence de multithérapie (dont on sait qu'elle n'est pas dépourvue d'effets secondaires), de l'infection par le VIH, sans affaiblissement de la réponse immune du malade, sans progression de la maladie et sans transmission du VIH.Un des plus grands défis de la recherche actuelle contre le Sida consiste à éliminer ces réservoirs cellulaires contenant des virus quiescents (provirus). C'est l'élément constitutif majeur du réservoir viral (il existe également d'autres éléments pouvant faire partie du réservoir : des ADN viraux qui ne sont pas intégrés dans le génome de la cellule hôte ou des particules virales situées dans des compartiments à l'abri du traitement). Une des stratégies explorées consiste à administrer des molécules qui réactivent l'expression des virus latents, tout en maintenant le patient sous traitement anti-VIH. Les cellules réservoirs qui expriment le virus pourraient ainsi être reconnues comme infectées et détruites par les ARV, atteignant un niveau suffisamment bas pour être attaquées par le système de défense de l'individu infecté.Dans les essais cliniques de réactivation effectués jusqu'à présent on a utilisé des inhibiteurs de désacétylase comme inducteurs du VIH. Ils n'ont donné que des résultats peu probants, ayant échoué à mettre en évidence une diminution de la taille des réservoirs du VIH et un délai dans le rebond de la virémie plasmatique. L'enzyme histone-désacétylase (HDAC) aide à maintenir le VIH à l'état latent chez les personnes séropositives.L'originalité de la nouvelle étude proposée par les professeurs De Wit et Van Lint se basant sur plus de 20 ans de recherches fondamentales effectuées en collaboration, réside dans l'optimisation de 4 paramètres susceptibles d'expliquer le manque de succès des études de réactivation antérieures.1. Pour augmenter le niveau trop faible de réactivation obtenu avec les inhibiteurs de désacétylase, deux inducteurs du VIH de classe différente (un inhibiteur de désacétylases et un inhibiteur de méthylation de l'ADN) seront combinés pour la première fois afin de permettre une réactivation synergique plus efficace des virus latents (la méthylation de l'ADN est une modification épigénétique participant à la régulation de l'expression des gènes).2. La latence du VIH étant un processus hétérogène impliquant des mécanismes moléculaires de répression qui diffèrent d'un patient à l'autre, les patients seront présélectionnés en testant en laboratoire l'effet réactivateur de la combinaison sur leurs cellules infectées, ce qui permettra un traitement individualisé.3. Une programmation temporelle précise pour l'administration des deux inducteurs sera mise en oeuvre, sur base des résultats obtenus en laboratoire par les équipes de recherche de l'ULB, démontrant que dans des cellules isolées de patients séropositifs, l'activation synergique par ces deux inducteurs est plus efficace lors d'un traitement séquentiel qu'en administration simultanée.4. La combinaison d'inducteurs sera administrée en plusieurs cycles répétés, étant donné que l'activation de l'expression de VIH requiert parfois plusieurs stimulations.