Dans les maladies articulaires inflammatoires telles que l'arthrite rhumatoïde, les résultats du traitement sont nettement meilleurs s'il est initié tôt ; il en va de même pour l'arthrose. " Nous devons donc identifier, dans la population qui présente les premiers symptômes, les patients qui sont à risque accru de progression afin de leur proposer une prévention primaire, comme nous le faisons face à l'ostéoporose et les maladies cardiovasculaires, " explique le Pr Frank Luyten (rhumatologue, KU Leuven).
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"La plupart des patients atteints d'arthrose qui nous consultent ont déjà atteint un stade avancé. Leur genou est douloureux depuis un moment déjà et le généraliste leur propose un test sanguin et un RX. Mais les deux examens sont négatifs. Conclusion : le patient est rassuré et renvoyé chez lui avec une prescription d'analgésiques. Quelques années plus tard, il revient consulter pour des problèmes de genou plus importants. La radio montre souvent que 60 % du cartilage a disparu, que l'os a été endommagé, que la capsule articulaire qui entoure le ménisque usé est enflammée... Cet état est irréparable et nécessite souvent la pose d'une prothèse. En d'autres termes, il y a une longue période où rien n'est fait et où les gens 'doivent apprendre à vivre avec leur douleur'. "" C'est pourquoi nous voulons essayer de déterminer, chez les patients présentant un schéma symptomatique précoce, lesquels courent un grand risque d'évoluer rapidement vers une usure totale du genou. La prothèse est une solution élégante qui supprime la douleur chez la plupart des patients et leur permet de fonctionner à nouveau. Le problème est qu'une prothèse ne dure que 15 à 20 ans et que la population vieillit. Donc, si une prothèse est posée avant l'âge de 55-60 ans, il faudra souvent la remplacer avant leur décès, ce qui constitue un plus grand défi. Il faut trouver d'autres solutions, notamment à travers la récupération biologique, la médecine régénérative. Il s'agit de la deuxième partie de ma recherche après la prévention primaire de l'arthrose du genou. "En identifiant les patients à risque à un stade précoce et en les traitant plus intensivement alors qu'il y a encore suffisamment de tissu, il devrait être possible de ralentir le développement de l'arthrose. Les traitements actuels sont utilisés lorsque l'articulation a déjà été atteinte de manière significative, ce qui limite leur efficacité ; peut-être seraient-ils plus efficaces à un stade précoce. Une question qui n'a pas été beaucoup étudiée jusqu'à présent." Par conséquent, notre manière d'aborder l'arthrose doit passer de réactive à proactive. Pour y arriver, nous devons d'urgence nous mettre d'accord, sur le plan international, sur ce que nous appelons une arthrose précoce du genou. Sur base d'un atelier que j'ai mis en place, des critères de classification consensuels ont été proposés et nous tentons maintenant de les valider au niveau international1 ", poursuit le Pr Luyten. " Et dans une phase ultérieure, nous allons y relier les résultats obtenus auprès des patients, comme la qualité du fonctionnement. Tous ceux qui viennent me consulter reçoivent un questionnaire sur leur fonctionnement dans la vie quotidienne. Mais si les progrès ne sont plus possibles, ils ont tendance à s'adapter, par exemple pour descendre les escaliers ; les résultats peuvent alors être faussés. Nous essayons donc d'affiner notre questionnaire. Enfin, nous prévoyons avec les autorités d'utiliser ces résultats dans la recherche clinique, le développement et le remboursement de nouveaux médicaments ou d'autres traitements. Si un traitement peut corriger les symptômes, les signes et le fonctionnement, sans affecter les structures tissulaires, nous aurons franchi une étape importante. Dans l'arthrose, nous savons que ce qui est visible sur les radios n'est pas en lien avec les plaintes et problèmes fonctionnels du patient. C'est aussi pour cette raison que la recherche avance si lentement et difficilement. "En plus des médicaments (entre autres les facteurs de croissance recherchés en phase précoce de l'arthrose), on recourt également à la combinaison de l'éducation (quel est mon risque ? A quoi dois-je être attentif ? ...), de la physiothérapie et du conseil du patient. La physiothérapie peut être utilisée pour contrôler les facteurs modifiables, tels que l'équilibre entre la charge et la capacité à l'assumer grâce au renforcement musculaire ciblé et l'adaptation de la marche.Le point de départ est et reste le diagnostic. Il existe en effet de nombreuses autres atteintes articulaires nécessitant chacune des traitements spécifiques et très efficaces. " La démarche diagnostique est très importante. Or, c'est là que le bât blesse : le diagnostic ne se fait pas correctement, même en phase précoce. " Dans le cas d'un genou enflé douloureux, il est essentiel de procéder à une bonne anamnèse, à un examen physique complet (autres articulations ? Maux de dos ? ) et à une ponction de l'articulation avec aspiration et analyse du liquide articulaire. Des clichés par RX et IRM peuvent également être éclairants, mais ces derniers sont de préférence réservés à la 2e ligne. Une ponction articulaire est de la compétence du généraliste, mais si son expérience est insuffisante, il peut diriger son patient vers un confrère plus expérimenté.Enfin, établir le profil des patients est important. Actuellement, le groupe de ceux qui souffrent d'arthrose est hétérogène. Ainsi, une arthrose chez un homme de 40 ans qui a beaucoup joué au football dans son jeune âge n'est pas comparable à l'arthrose chez une femme âgée de 65 ans souffrant de diabète et d'obésité. En effet, des processus différents induits par des mécanismes différents, l'un plus biomécanique, l'autre plus métabolique, sont en jeu.Une deuxième révolution dans le domaine de l'arthrose vient de la médecine régénératrice. " Lorsque l'évolution de l'articulation s'est stabilisé grâce au rétablissement de l'équilibre métabolique, la réparation du tissu endommagé peut être envisagée. Dans le cas de l'arthrose, il ne s'agit pas uniquement du cartilage, mais aussi de l'os sous-jacent. Nous travaillons donc sur la régénération ostéochondrale : le but est de restaurer le cartilage de la surface articulaire. Nous espérons y parvenir dans les 5 ans. "Environ 250 millions de fonds publics seront investis les 10 prochaines années dans la plate-forme regroupant les Pays-Bas et la Flandre - REGMED XB (https : //www.regmedxb.com) - qui fait de la régénération ostéochrondrale l'un de ses objectifs principaux : la restauration de la surface articulaire endommagée. " En fin de compte, nous travaillons à la mise au point d'une articulation biologique complète adaptée aux patients de 45 à 65 ans. Une prothèse artificielle (plastique et métal) sera placée à partir de l'âge de 65 ans, permettant au patient de continuer à fonctionner jusqu'à 85-90 ans. Dans les 10 à 15 prochaines années, de grands progrès seront réalisés... Et ils seront nécessaires, car nous atteindrons tous les 90 ans. "