...

"Pour le médecin généraliste, il est important de se rendre compte que les patients ont déjà consulté auparavant, inquiets par rapport à leur mémoire, souvent à un moment où les activités de la vie quotidienne étaient encore possibles. Le médecin généraliste doit donc distinguer vieillissement normal et pathologique de manière relativement subtile. Mais plus le patient consulte tôt, plus la clinique sera difficile ", explique le Pr Vandenberghe.Malgré les moyens techniques actuellement disponibles - comme l'imagerie TEP-amyloïde et la ponction lombaire - qui peuvent fournir un degré élevé de fiabilité diagnostique (jusqu'à 95%), la communication avec le patient et son partenaire garde toute sa place dans le diagnostic ; à ce moment, il s'agit d'écouter de manière attentive et de laisser le temps au patient de dire précisément ce qui ne va pas. La première structure affectée par la maladie d'Alzheimer est l'hippocampe. Il joue un rôle important dans la mémoire topographique et épisodique. Une maladie d'Alzheimer débutante se manifestera donc par des problèmes pour trouver son chemin dans un environnement plus ou moins familier, ou pour associer un objet et un lieu, qui fait que l'on ne retrouve plus un objet laissé quelque part. La mémoire épisodique concerne les représentations des événements situés dans le temps et l'espace. Les symptômes qui doivent attirer l'attention est la répétition de questions déjà posées durant l'entretien, ou l'incapacité à se souvenir correctement d'événement récents.En supposant qu'il y ait plus qu'un effet du vieillissement normal, il est alors essentiel de définir ce que veut le patient. Si, dans la phase initiale de la maladie, il souhaite clarifier exactement ce qui se passe, une évaluation purement clinique permettra difficilement d'obtenir un diagnostic sûr ; une étude neuropsychologique est alors réalisée. " Cependant, dans le stade prodromal de la maladie d'Alzheimer, le stade MCI (mild cognitive impairment), seuls 50 % des cas de troubles amnésiques sont attribuables à la maladie d'Alzheimer. Deux attitudes sont alors possibles : soit attendre une progression des troubles tout en procédant régulièrement à des tests neuropsychologiques, soit, lorsque le patient souhaite être certain du diagnostic et connaître son pronostic de déclin, réaliser une ponction lombaire pour trouver des biomarqueurs liés à la maladie d'Alzheimer, éventuellement en combinaison avec un examen par PET-scan. Cependant, ces examens ne doivent pas se faire automatiquement, mais doivent être discutés avec le patient et son partenaire. " Mais avec les techniques de diagnostic actuelles, il n'est pas possible de prévoir le décours de la maladie : chez plusieurs patients, dans la phase initiale, les problèmes de mémoire restent relativement stables longtemps.Les progrès majeurs de la maladie d'Alzheimer ne sont pas à trouver dans le domaine des traitements, mais bien dans le fait que les lésions cérébrales qui ne pouvaient être diagnostiquées qu'après la mort, telles que les plaques amyloïdes et les accumulations intraneuronales de fibrilles (protéines tau insuffisamment phosphorylées) peuvent maintenant être détectées du vivant du patient. Cela permet de suivre plus précisément, lors des études, les effets des traitements.Notre connaissance du facteur de risque génétique majeur, l'allèle E4 de l'apolipoprotéine E, découvert en 1993, a également progressé. " Environ 80 % des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, âgées de 60 à 75 ans, présentent un allèle epsilon 4 de l'apolipoprotéine E. Il s'agit d'un polymorphisme génétique fréquent dans la population - 19 % dans la population générale - et ces personnes présentent 30 à 40 % de risque de souffrir de la maladie d'Alzheimer entre 60 et 75 ans. Selon moi, il s'agirait donc de l'un des poly-morphismes les plus importants en médecine ", déclare le Pr Vandenberghe. Cependant, à l'heure actuelle, il n'existe aucune pratique clinique pour déterminer le génotype lorsque le patient ne présente aucun trouble de la mémoire et est donc présymptomatique, excepté dans les essais cliniques." Quand les gens consultent leur médecin parce que l'un de leur parent souffre d'Alzheimer, la première question à poser en tant que médecin est : à quel âge ce parent a-t-il eu la maladie ? Si c'était avant 80 ans, alors nous savons que le risque chez les parents du premier degré d'avoir euxmêmes une maladie d'Alzheimer est triplé, par rapport à des personnes qui n'ont pas de parent direct touché. Si l'âge initial est supérieur à 80 ans, les parents de premier degré ne présentent pas un risque accru. L'augmentation de probabilité est due en partie à l'allèle epsilon 4 de l'apolipoprotéine E, mais chez les plus de 80 ans, elle n'est pas uniquement liée à la maladie d'Alzheimer mais aussi à la démence à corps de Lewy. "Aussi, rappelez-vous que la maladie d'Alzheimer affecte non seulement les personnes âgées, mais aussi des personnes de 60 ans, actives professionnellement. À cet âge, la prévalence de la maladie d'Alzheimer est d'environ 0,2 %, donc pas vraiment rarissime, et les méthodes de détection précoce constituent clairement un atout dans ce groupe.Les médicaments actuels de la maladie d'Alzheimer - les inhibiteurs de la choli-nestérase et la mémantine - ont démontré leur utilité il y a 10 à 15 ans, avec un niveau de preuve de classe 1. Cependant, la durée de ces études était trop limitée. " Au cours des 7 dernières années, il y a eu au moins 10 essais à grande échelle axés principalement sur la voie amyloïdogène, mais ils se sont révélés négatifs. D'autres études sont en cours ; ainsi, celle portant sur l'aducanumab génère beaucoup d'attentes, car il semble pouvoir réduire davantage la quantité d'amyloïde dans le cerveau. Cependant, elle ne sera terminée qu'en 2020-21. Quant aux études anti-tau, souvent basées sur le même principe à savoir l'administration d'un anticorps à la protéine tau dans le cerveau, elles en sont à leurs débuts. "Pendant ce temps, la prévention reste le message principal. D'importantes études épidémiologiques chez les 40-50 ans ont systématiquement démontré que l'hypertension est un facteur de risque dans le développement de la maladie d'Alzheimer à un âge avancé. Il en va de même pour l'obésité. L'activité physique, d'autre part, est maintenant considérée comme une mesure efficace, même chez les patients à un stade de démence modéré ou avancé. Et si l'on peut réduire un peu la prévalence de la maladie d'Alzheimer par la prévention primaire, c'est déjà une étape...