Les équipes du Pr Françoise Van Bambeke du Louvain Drug Research Institute de l'Université Catholique Louvain et du Pr Patrick Van Dijck (VIB et KULeuven) révèlent une stratégie innovante pour contrer le redoutable staphylocoque doré, cette fameuse bactérie qui constitue la hantise des patients hospitalisés, et donc aussi du personnel hospitalier.

Elles démontrent que la caspofungine, une molécule antifongique utilisée aujourd'hui en clinique pour traiter les infections sévères par des champignons tels que Candida ou Aspergillus, peut rendre une classe d'antibiotiques, en l'occurrence les fluoroquinolones, très efficace contre les biofilms de staphylocoque.

Agir sur les biofilms

" Un tel effet a pu être mis en évidence grâce à un travail de recherche qui a duré à peu près trois années, " commente Françoise Van Bambeke, qui est aussi maître de recherches FNRS. " Notre objectif était de trouver des molécules à administrer en combinaison avec des antibiotiques qui n'agiraient pas directement sur les staphylocoques mais plutôt sur la matrice dont ils s'entourent dans les biofilms, de manière à restaurer l'accès des antibiotiques aux bactéries enfouies dans cette matrice. "

Les bactéries - dont les staphylocoques - peuvent en effet adopter des modes de vie particuliers, non répondants aux antibiotiques, comme des biofilms. Ceux-ci sont à l'origine d'infections persistantes se développant sur les dispositifs médicaux (cathéters, prothèses) et les tissus.

Ces biofilms sont des communautés de bactéries capables de s'entourer d'une matrice adhésive et protectrice qui les rend réfractaires à l'action des antibiotiques et des défenses immunitaires. Ils s'avèrent donc coriaces et particulièrement difficiles à éliminer et, comme ils libèrent fréquemment des bactéries vivantes, on pense qu'ils sont responsables de l'aspect récurrent de nombreuses infections par le staphylocoque doré.

Caspofungine

Au point de départ, deux autres idées, émises par le Pr Van Bambeke et ses collègues, ont orienté cette recherche. " On s'est d'abord dit qu'il valait mieux utiliser des médicaments déjà présents sur le marché car cela nous permettrait de gagner beaucoup de temps. Ensuite, on s'est focalisé sur des molécules dont la structure chimique est proche de celle des détergents dont on sait, dans le secteur industriel, qu'ils peuvent détruire des biofilms. "

Et comme cela arrive souvent en matière de découverte scientifique, les auteurs de ce travail ont bénéficié d'un coup de pouce du facteur chance. " Après avoir testé quelques médicaments, on a rapidement trouvé la caspofungine, qui répondait aux critères que nous avions fixés et détruisait les biofilms de staphylocoques, " confirme le Pr Van Bambeke.

" Mais il faut savoir que cette caspofungine est en réalité totalement inactive sur le staphylocoque doré quand il est cultivé en bouillon. Elle cible en effet un enzyme impliqué dans la synthèse des polysaccharides formant la paroi des champignons et n'a donc pas, a priori, de cible bactérienne. De façon fortuite, nous avons cependant découvert qu'il existe une certaine homologie entre cet enzyme fongique et un enzyme présent chez le staphylocoque et qui intervient dans la synthèse des constituants polysaccharidiques de la matrice protectrice. Cette homologie n'avait jamais été relevée. C'est donc par ce mécanisme inattendu que la caspofungine agit spécifiquement sur les biofilms de staphylocoque doré. "

Fluoroquinolones

Poursuivant leur démarche, les chercheurs ont tenu à bien documenter le phénomène qu'il venait de mettre à jour.

" Nous avons fait des expériences sur des biofilms formés sur des cathéters infectés, d'abord dans des modèles in vitro, puis avec des souris de laboratoire qui ont reçu des doses équivalentes à celles que l'on donnerait à un être humain en tenant compte évidemment de la différence pharmacocinétique, " précise Françoise Van Bambeke.

" Et c'est ainsi que nous avons mis en évidence le fait que la caspofungine améliore considérablement l'activité anti-biofilm de certains antibiotiques comme les fluoroquinolones. Autrement dit, nous avons pu montrer la synergie d'action entre les deux médicaments. "

Et maintenant ?

Ces résultats prometteurs ouvrent de nouvelles pistes dans la lutte contre les infections graves affectant les patients hospitalisés, et en particulier ceux qui portent des cathéters ou des dispositifs médicaux implantés, comme des prothèses, des sondes urinaires, des pacemakers...

" Nous avons identifié une cible thérapeutique nouvelle et une combinaison efficace de deux médicaments qui existent déjà, " conclut le Pr Van Bambeke. " Cette combinaison doit maintenant faire l'objet d'essais complémentaires dans des modèles animaux et d'une évaluation clinique chez l'Homme. La découverte de nos laboratoires est aussi un tremplin vers de nouvelles recherches visant à identifier des molécules encore plus puissantes que la caspofungine et qui reconnaîtraient mieux l'enzyme des bactéries. "

Source : Nature Communications, 3 novembre 2016, doi : 10.1038/ncomms13286)

Les équipes du Pr Françoise Van Bambeke du Louvain Drug Research Institute de l'Université Catholique Louvain et du Pr Patrick Van Dijck (VIB et KULeuven) révèlent une stratégie innovante pour contrer le redoutable staphylocoque doré, cette fameuse bactérie qui constitue la hantise des patients hospitalisés, et donc aussi du personnel hospitalier. Elles démontrent que la caspofungine, une molécule antifongique utilisée aujourd'hui en clinique pour traiter les infections sévères par des champignons tels que Candida ou Aspergillus, peut rendre une classe d'antibiotiques, en l'occurrence les fluoroquinolones, très efficace contre les biofilms de staphylocoque." Un tel effet a pu être mis en évidence grâce à un travail de recherche qui a duré à peu près trois années, " commente Françoise Van Bambeke, qui est aussi maître de recherches FNRS. " Notre objectif était de trouver des molécules à administrer en combinaison avec des antibiotiques qui n'agiraient pas directement sur les staphylocoques mais plutôt sur la matrice dont ils s'entourent dans les biofilms, de manière à restaurer l'accès des antibiotiques aux bactéries enfouies dans cette matrice. "Les bactéries - dont les staphylocoques - peuvent en effet adopter des modes de vie particuliers, non répondants aux antibiotiques, comme des biofilms. Ceux-ci sont à l'origine d'infections persistantes se développant sur les dispositifs médicaux (cathéters, prothèses) et les tissus.Ces biofilms sont des communautés de bactéries capables de s'entourer d'une matrice adhésive et protectrice qui les rend réfractaires à l'action des antibiotiques et des défenses immunitaires. Ils s'avèrent donc coriaces et particulièrement difficiles à éliminer et, comme ils libèrent fréquemment des bactéries vivantes, on pense qu'ils sont responsables de l'aspect récurrent de nombreuses infections par le staphylocoque doré. Au point de départ, deux autres idées, émises par le Pr Van Bambeke et ses collègues, ont orienté cette recherche. " On s'est d'abord dit qu'il valait mieux utiliser des médicaments déjà présents sur le marché car cela nous permettrait de gagner beaucoup de temps. Ensuite, on s'est focalisé sur des molécules dont la structure chimique est proche de celle des détergents dont on sait, dans le secteur industriel, qu'ils peuvent détruire des biofilms. "Et comme cela arrive souvent en matière de découverte scientifique, les auteurs de ce travail ont bénéficié d'un coup de pouce du facteur chance. " Après avoir testé quelques médicaments, on a rapidement trouvé la caspofungine, qui répondait aux critères que nous avions fixés et détruisait les biofilms de staphylocoques, " confirme le Pr Van Bambeke. " Mais il faut savoir que cette caspofungine est en réalité totalement inactive sur le staphylocoque doré quand il est cultivé en bouillon. Elle cible en effet un enzyme impliqué dans la synthèse des polysaccharides formant la paroi des champignons et n'a donc pas, a priori, de cible bactérienne. De façon fortuite, nous avons cependant découvert qu'il existe une certaine homologie entre cet enzyme fongique et un enzyme présent chez le staphylocoque et qui intervient dans la synthèse des constituants polysaccharidiques de la matrice protectrice. Cette homologie n'avait jamais été relevée. C'est donc par ce mécanisme inattendu que la caspofungine agit spécifiquement sur les biofilms de staphylocoque doré. "Poursuivant leur démarche, les chercheurs ont tenu à bien documenter le phénomène qu'il venait de mettre à jour. " Nous avons fait des expériences sur des biofilms formés sur des cathéters infectés, d'abord dans des modèles in vitro, puis avec des souris de laboratoire qui ont reçu des doses équivalentes à celles que l'on donnerait à un être humain en tenant compte évidemment de la différence pharmacocinétique, " précise Françoise Van Bambeke. " Et c'est ainsi que nous avons mis en évidence le fait que la caspofungine améliore considérablement l'activité anti-biofilm de certains antibiotiques comme les fluoroquinolones. Autrement dit, nous avons pu montrer la synergie d'action entre les deux médicaments. "Ces résultats prometteurs ouvrent de nouvelles pistes dans la lutte contre les infections graves affectant les patients hospitalisés, et en particulier ceux qui portent des cathéters ou des dispositifs médicaux implantés, comme des prothèses, des sondes urinaires, des pacemakers... " Nous avons identifié une cible thérapeutique nouvelle et une combinaison efficace de deux médicaments qui existent déjà, " conclut le Pr Van Bambeke. " Cette combinaison doit maintenant faire l'objet d'essais complémentaires dans des modèles animaux et d'une évaluation clinique chez l'Homme. La découverte de nos laboratoires est aussi un tremplin vers de nouvelles recherches visant à identifier des molécules encore plus puissantes que la caspofungine et qui reconnaîtraient mieux l'enzyme des bactéries. "Source : Nature Communications, 3 novembre 2016, doi : 10.1038/ncomms13286)