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L'ostéo-arthrite touche près de 40 millions d'Européens. Outre les souffrances pour les patients, les conséquences économiques pour la sécurité sociale sont particulièrement importantes. On estime que le coût des traitements et des incapacités de travail atteint 0,5 % du PNB. Par ailleurs, suite au vieillissement de la population et à l'épidémie croissante d'obésité, la prévalence continuera à augmenter ces prochaines années. En effet, en 2025, plus de 210 millions d'Européens seront âgés de plus de 65 ans. Actuellement, le terme "d'ostéo-arthrite" est préféré à celui "d'arthrose", car cette affection s'accompagne également d'une composante inflammatoire. En ce qui concerne son impact sur l'atteinte fonctionnelle et la qualité de vie, l'ostéo-arthrite est comparable aux maladies chroniques du coeur, des poumons et du système nerveux. Raison de plus pour encourager les études scientifiques et cliniques, d'autant qu'il persiste de nombreuses questions sur le plan de la physiopathologie et du traitement adéquat.Discordance"En cas d'affections articulaires, il va de soi que nous ne traitons pas les lésions radiologiques en elles-mêmes, mais bien les plaintes des patients", déclare le Pr Dirk Elewaut. "Ceci veut dire qu'il n'y a pas toujours de corrélation entre les constatations à l'imagerie et la clinique : les deux peuvent donc être discordantes. Parfois, en effet, des signes radiologiques marqués d'arthrose entraînent peu de symptômes, tandis que des douleurs intenses ne cadrent pas toujours avec les lésions objectives attendues. On ne sait pas clairement quels sont les tissus à l'origine des douleurs les plus vives : l'os, la synoviale articulaire, ou plutôt une inflammation associée qui peut endommager davantage le cartilage déjà atteint ? C'est l'une des questions qui nécessite de plus amples études." Il va de soi qu'il faut faire une distinction claire avec des affections articulaires purement inflammatoires, qui nécessitent une tout autre prise en charge, et pour lesquelles les traitements par agents biologiques ont représenté une véritable révolution ces dernières années.Il est clair qu'une prise en charge précoce de l'ostéo-arthrite est essentielle. "La plupart du temps, les patients ne consultent que lorsque leur ostéo-arthrite est déjà assez avancée, avec d'importantes anomalies structurelles, en grande partie irréversibles. Une prise en charge précoce, préclinique, pourrait peut-être déboucher sur un traitement étiologique, et pas seulement symptomatique, permettant ainsi de contrecarrer une évolution structurelle plus avancée. Des études sont en cours à ce sujet."Divers phénotypesEn ce qui concerne la pathogenèse de l'ostéo-arthrite, beaucoup d'études sont encore nécessaires. "Petit à petit, il devient clair que l'ostéo-arthrite implique non seulement une atteinte du cartilage, mais aussi d'autres tissus de l'articulation, tels que la muqueuse articulaire et l'os sous-chondral. Outre les contraintes mécaniques exercées sur certaines articulations, surtout celles des membres inférieurs, dans lesquelles une surcharge pondérale et la pratique excessive d'un sport jouent un rôle important, d'autres facteurs doivent également être pris en considération. En cas d'arthrose érosive de la main, par exemple, une affection fréquente impliquant une atteinte des articulations interphalangiennes proximales et distales, il est difficile de parler de surcharge mécanique. Dans ces cas, nous avons obtenu de bons résultats en termes de progression structurelle dans des études proof-of-concept, avec un traitement par anti-TNF, ce qui ne signifie certainement pas que ceci constitue un traitement 'ordinaire' de l'ostéo-arthrite en général. Outre des facteurs mécaniques, des facteurs génétiques et immunologiques sont incontestablement impliqués dans l'apparition et l'évolution ultérieure de l'ostéo-arthrite", explique le Pr Elewaut. À mesure que les études progressent, il apparaît que l'ostéo-arthrite n'est pas une affection monolithique, mais que différents phénotypes peuvent être distingués, avec une atteinte de différentes articulations et de compartiments tissulaires variables. Selon toute logique, ceci débouchera de plus en plus souvent sur un traitement personnalisé.Domaines de recherche prioritairesJusqu'à présent, le traitement de l'ostéo-arthrite est surtout symptomatique, et comprend des antalgiques, des anti-inflammatoires et des injections intra-articulaires de corticostéroïdes, en plus de mesures hygiéno-diététiques telles qu'une réduction pondérale et de l'exercice physique. Il va de soi que les médicaments classiques ont leurs limites, notamment en raison des effets indésirables bien connus. Une prise en charge structurelle reste encore un défi de taille. À cet égard, il n'existe pas encore de traitement efficace. En cas d'ostéo-arthrite avancée et résistante aux médicaments, une intervention orthopédique avec mise en place d'une prothèse reste parfois nécessaire. Malgré tout, certains patients ressentent toujours des douleurs après l'intervention. Un traitement personnalisé, avec des produits spécifiques du patient, nécessite une utilisation combinée de l'imagerie et des biomarqueurs qui, en fonction de processus physiopathologiques spécifiques, permet de classer la population de patients en différents sous-types. "C'est l'un des projets de recherche sur lequel travaillent actuellement des scientifiques et des cliniciens. Des phénotypes différents nécessitent vraisemblablement des traitements différents. Quoi qu'il en soit, une prise en charge structurelle efficace ne sera possible que dans la mesure où l'affection est prise en charge précocement", souligne le Pr Dirk Elewaut.Afin de répondre aux nombreuses questions relatives à la physiopathologie, à la prévention et au traitement de l'ostéo-arthrite, la European League Against Rheumatism (EULAR) a pointé un certain nombre de domaines de recherche prioritaires : identifier des éléments prédictifs fiables de la progression de la maladie, élucider les mécanismes de la douleur, développer des stratégies thérapeutiques, établir un diagnostic précoce et étudier la manière selon laquelle les tissus s'influencent mutuellement. "Il reste donc du pain sur la planche, mais les résultats déjà obtenus dans les pathologies rhumatismales inflammatoires nous laissent espérer que nous trouverons également de bonnes solutions pour l'ostéo-arthrite !", conclut le Pr Dirk Elewaut.De l'utilité des nutriments...Les nutriments tels que l'acide hyaluronique, la glucosamine, la chondroïtine et le méthylsulfonylméthane (MSM) ont beaucoup de succès auprès des personnes souffrant de problèmes articulaires, qui espèrent bénéficier d'un effet tant préventif que curatif. Ces molécules sont en effet des constituants importants du cartilage. Le tout est de savoir si une administration orale a véritablement un effet sur le cartilage articulaire.L'acide hyaluronique peut être administré en injection intra-articulaire ou par voie orale. Les injections ont un effet "lubrifiant" et soulageraient temporairement la douleur, dans certains cas ; mais elles peuvent également induire une réaction inflammatoire intense. En ce qui concerne l'administration orale, aucun publication ne conclut à des améliorations significatives et scientifiquement fondées. Il s'avère également que seule une quantité limitée de cette molécule parvient effectivement dans l'articulation, tandis que la plus grande partie est excrétée via l'urine et les fèces.Les suppléments de glucosamine, sous forme de sulfate ou non, sont très populaires. La glucosamine joue un rôle dans la fabrication du cartilage et de molécules lubrifiantes. La prise de suppléments soulagerait la douleur et favoriserait la souplesse. La molécule est bien absorbée et atteint les articulations mais, ici non plus, aucune étude n'a encore pu démontrer de différence significative, ni clinique, ni subjective, par rapport au placebo. Seules les personnes souffrant de problèmes articulaires débutants en tireraient des bénéfices légers, mais temporaires.Les mêmes remarques s'appliquent à la chondroïtine, qui existe également sous forme de sulfate. Souvent, elle est associée à la glucosamine dans une même gélule. En pratique, cette combinaison ne s'avère pas plus efficace. Enfin, le MSM est un composé soufré, dont on admet également qu'il favorise la fabrication du cartilage. Un effet positif marginal de cette molécule aurait été constaté.