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TendanceNouveau mal du siècle de la civilisation numérique ? Les problèmes engendrés par la dépendance à internet, qui seront repris prochainement par l'OMS dans le registre des psychopathologies, sont nombreux et variés. Ils sont caractérisés par le besoin irrésistible, abusif, excessif d'utiliser internet au point d'entraîner des problèmes majeurs dans la vie quotidienne des personnes et de leur entourage. Cette incapacité à gérer sa propre consommation comme dans toutes les formes de dépendance, s'exerce dans divers domaines du numérique : jeux, réseaux sociaux, achats compulsifs...Dans l'exercice quotidien de leur profession, il est une forme que connaissent bien les praticiens : la cybercondrie, qui consiste à aller chercher sur les moteurs de recherche des informations sur la santé, les maladies, les traitements, le tout livré en vrac lors des consultations. Il ne reste plus qu'à signer l'ordonnance... A tous ces problèmes est venu s'ajouter une forme nouvelle de cinétose, non liée à un usage abusif, et qui n'est autre qu'une variante du mal des transports (vertiges, étourdissements, nausées...). Cette cinétose est liée à l'utilisation de plus en plus fréquente des applications 3D des iphones et ipads, et plus particulièrement des casques de réalité virtuelle qui ont bénéficié d'une popularité récente. Différence notable par rapport au 'motion sickness': le sujet n'est pas en mouvement, le syndrome étant causé par les distorsions entre la perception des mouvements virtuels et les sensations proprioceptives et cochléaires d'immobilité, induisant un conflit sensoriel. La situation en réalité virtuelle est donc l'inverse de ce qui se produit dans le mal du mouvement classique : le mouvement est visuellement perçu alors que les sensations cochléaires et proprioceptives n'envoient aucun signal de mouvement. Il ne s'agit pas d'un problème oculaire, même si la réalité virtuelle s'adresse d'abord à la vue, sens principal dans l'espèce humaine. Cette illusion de mouvement propre induit visuellement alors que le corps est immobile, peut être rapportée à celle que l'on éprouve lorsqu'étant dans un wagon à l'arrêt en gare, le train sur la voie d'à côté se met en route. Si on est debout à l'instant même, on perd l'équilibre comme si le sol se dérobait sous nos pieds.À noter que le syndrome n'est pas de connaissance récente : des cas ont été décrits à la fin des années 50 lorsque l'armée américaine a utilisé les premiers simulateurs de vol comme méthode d'apprentissage dans la formation des pilotes. On le dénommait d'ailleurs à l'époque 'mal du simulateur'.Les symptômes peuvent apparaître rapidement et ne sont pas liés à un usage excessif, caractéristique des cyberdépendances. Les cybermalaises ne sont d'ailleurs pas à considérer comme une pathologie mais plutôt comme une réponse physiologique normale à un stimulus inhabituel. Leur fréquence, du moins avec les derniers développements technologiques où la réalité perçue est de plus en plus " réelle ", est dépendante de la sensibilité individuelle mais semble assez élevée : plus de 50 % des utilisateurs s'en plaignent. Les cybermalaises peuvent survenir chez des sujets par ailleurs insensibles au mal du mouvement. L'intensité des symptômes est variable d'une personne à l'autre, mais suffisamment forte pour entraîner dans certains cas l'abandon du casque de réalité virtuelle, ce qui n'a pas manqué d'inquiéter les fabricants qui ont proposé des systèmes visant à diminuer les cybermalaises, par exemple en insérant un nez virtuel humain servant de repère fixe de référence au milieu de l'image, comme si on se trouvait dans un habitacle, ou en réduisant au maximum la latence entre les mouvements de la tête et l'apparition de l'image, ce qui permet de faire correspondre l'espace virtuel à la position qu'y occupe l'utilisateur en conformité avec les mouvements et l'orientation de la tête. Depuis que les caméras à 360° en réalité virtuelle ont les mêmes qualités graphiques que les caméras traditionnelles et permettent des contenus vidéos donnant véritablement l'impression d'évolution et d'immersion totale dans les milieux les plus divers (saut en wingsuit, exploration des fonds marins, ascension des plus hauts sommets...), y compris la spatialisation sonore, les applications se sont développées dans de nombreux domaines, en dehors de tout contexte ludique. Les technologies de réalité virtuelle sont entre autres. utilisées comme méthodes d'apprentissage (chirurgie, formation militaire, industrie...) et pour le traitement des phobies spécifiques dans le cadre des thérapies cognitivo-comportementales de désensibilisation où elles offrent des avantages incontestables par rapport aux expositions in vivo à la situation phobogène. Paradoxe : certains logiciels de réalité virtuelle sont proposés comme traitement du mal de mer et de la dépendance au jeu.Il est utile de tester la sensibilité des personnes avant l'utilisation régulière des casques virtuels dans les divers milieux d'immersion, en dépendance avec leur complexité. La plus grande prudence s'impose s'il existe au préalable des troubles de l'équilibre, oculaires ou migraineux. Certaines pathologies psychiques font partie des contre-indications (sentiment de déréalisation, anxiété...), de même que les troubles comitiaux. La réalité virtuelle implique donc de prendre en considération certaines comorbidités. Une étude récente (Dennison et al. 2016) décrit un dispositif expérimental permettant de prévoir la prédisposition aux cybermalaises en comparant les effets physiologiques (activité gastrique, clignement des yeux, rythme respiratoire...) et les réponses à un questionnaire standardisé, dans deux groupes de personnes en situation d'interaction dans une réalité virtuelle, soit à partir d'un moniteur-écran fixe, soit avec un casque de réalité virtuelle. Des différences significatives sont apparues permettant de détecter les sujets sensibles aux cybermalaises plus fréquemment générés par les casques. Une analyse linéaire discriminante à partir des seuls paramètres physiologiques permet de classer les sujets dans l'un des deux groupes avec un taux d'erreur de 22 %.Réalité virtuelle et métaphysiqueOù l'on s'aperçoit que la doctrine immatérialiste du philosophe et évêque anglican Berkeley (1685-1753) " Etre c'est être perçu et percevoir", peut être réactualisée dans le contexte de réalité virtuelle dont une analyse métaphysique reste à faire, messieurs les philosophes. À quand la téléportation ?