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La prévalence de la coronaropathie, avec l'angine de poitrine et l'infarctus du myocarde comme principales manifestations cliniques, est restée quasiment inchangée. Jusqu'à présent, aucun argument épidémiologique ne peut prouver une baisse sensible de l'atteinte athéroscléreuse du système vasculaire. Toutefois, les méthodes thérapeutiques actuelles, ainsi qu'une meilleure connaissance et prise en compte des facteurs de risque, tels que le tabagisme, l'obésité, l'hypertension et la nourriture riche en graisses saturées, sont parvenues à réduire de façon significative la morbidité et la mortalité de ces pathologies. " Mais cela ne doit pas nous faire oublier que ces pathologies peuvent aussi affecter des personnes ne présentant aucun de ces facteurs de risque. Il n'est pas rare de voir de jeunes patients, qu'apparemment rien ne prédispose à des accidents vasculaires, victimes de coronaropathie. Il est probable que ces accidents surviennent suite à des facteurs de risque incontrôlables, tels qu'une prédisposition familiale ou génétique, ou à une méconnaissance de certains symptômes prémonitoires ", nous explique le Pr Denis Clément.Comme pour la plupart des maladies, l'anamnèse reste la base de tout bon diagnostic. " Le médecin doit y consacrer le temps nécessaire, confirme le Pr Clément. Car une description précise des symptômes est très instructive et permet de plus de réduire le nombre d'examens techniques. En cas d'angine de poitrine, les douleurs surviennent presque toujours suite à un effort physique (pas nécessairement violent), un stress et/ou une forte émotion. Si ce n'est pas le cas, l'insuffisance coronarienne est très peu probable. L'ECG est évidemment un examen de routine, mais il faut savoir qu'un tracé normal n'exclut nullement une cardiopathie. Par contre, les résultats d'une épreuve d'effort sur cycloergomètre sont nettement plus pertinents, pour autant que l'effort produit soit suffisamment important. Il est intéressant de signaler que les anomalies du tracé de l'ECG chez les femmes sont parfois aspécifiques. Cela est dû au fait qu'elles sont plus nombreuses que les hommes à présenter des lésions microvasculaires, ce qui provoque des ischémies moins nettement localisées. "La coronarographie par cathétérisation (qui se pratique maintenant souvent par voie radiale) est une étape supplémentaire dans l'établissement du diagnostic. C'est un examen performant, qui ne comporte que peu de risque. Il ne se limite d'ailleurs pas au diagnostic, car il permet de traiter le rétrécissement coronarien par dilatation au ballonnet et mise en place d'un stent. Quelles en sont les indications ? " Il y a tout d'abord les patients angineux qui ne sont pas aidés par la médication prescrite. Ensuite, il y a ceux qui d'emblée présentent des douleurs et des symptômes plus inquiétants. Et puis, il y a les patients souffrant d'un infarctus du myocarde récent et qui ont tout avantage à subir une coronarographie pour une dilatation au ballonnet et la mise en place d'un stent (le plus souvent à élution médicamenteuse) ou à être envoyés, si nécessaire, au chirurgien cardiaque pour un ou plusieurs pontages ", précise le Pr Clément. Qu'en est-il de la fibrinolyse ? " Auparavant, elle était pratiquée en intraveineuse, en attendant la cathétérisation, mais il est plus sûr et plus efficace d'injecter le fibrinolytique in loco lors de la cathétérisation. "L'approche chirurgicale de l'insuffisance coronarienne a beaucoup évolué ces dernières années. " Suite aux bons résultats de la cathétérisation avec dilatation et stenting, le nombre de pontages chirurgicaux a plutôt diminué. Ils sont essentiellement réservés aux cas de rétrécissements artériels multiples, surtout quand la branche principale est en cause. Par ailleurs, actuellement l'intervention est moins traumatisante, e.a. grâce à l'approche transthoracale, et nécessite une hospitalisation moins longue qu'auparavant. "Le traitement médical de l'insuffisance coronarienne n'a pas tellement évolué ces dernières années. Les nitrates à action rapide ont une action à la fois diagnostique et thérapeutique, et peuvent également être prescrits préventivement, mais elles provoquent parfois des céphalées. Comme traitement à long terme, et en fonction de l'évolution et de la comorbidité, citons les bétabloquants (actuellement surtout le bisoprolol et le nébivolol), les inhibiteurs calciques et les inhibiteurs de l'enzyme de conversion. Si leur efficacité n'est pas suffisante, on peut prescrire de nouveaux médicaments, comme l'ivabradine. Pour chaque médicament il est important d'adapter la dose selon les besoins cliniques du patient et l'apparition d'effets secondaires. " Pour les préventions primaire et secondaire, l'acide acétylsalicylique et les statines restent de règle. Chez les patients porteurs de stent coronaire, l'aspirine est souvent associée au clopidogrel, du moins pendant une année après l'intervention ", ajoute le cardiologue.En ce qui concerne les mesures diététiques, le Pr Clément tient à garder l'église au milieu du village : " Il s'agit avant tout d'adapter ses habitudes alimentaires journalières, en évitant les graisses saturées et le sel, et en diminuant l'apport calorique. Un patient souffrant des coronaires ne doit pas se priver systématiquement de prendre un bon repas lors d'une fête de famille ou autre occasion spéciale. Ce qui importe, c'est sa nourriture journalière ! Pour ce qui concerne l'alcool, il est vrai que certaines études soulignent l'effet positif de deux verres de vin par jour sur le pronostic. Mais attention : si l'on excède cette 'dose', on entre rapidement dans une zone dangereuse, où les avantages laissent très vite la place aux effets délétères ! Quoiqu'il en soit, imposer un régime drastique n'a pas beaucoup de sens et ne mène à rien, car le patient ne pourra pas le suivre très longtemps et reprendra très vite ses anciennes habitudes ", conclut le Pr Clément.