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Capables de modifier de façon rapide et peu coûteuse le génome de plantes, d'animaux et donc d'êtres humains, ces fameux "ciseaux génétiques" ont bouleversé la recherche en génétique moléculaire. Ils devraient permettre de très grandes avancées dans les domaines de la médecine et de l'agriculture. De plus, jusqu'à présent les études conduites in vitro sur des cellules en cultures, n'avaient pas mis à jour de danger particulier de mutations génétiques non souhaitées, en dehors des gènes ciblés. On pensait qu'il en allait de même in vivo, chez l'animal et chez l'Homme.Mais alors que des essais cliniques sur l'Homme sont déjà programmés en Chine pour évaluer l'efficacité de CRISPR-Cas9 dans le traitement du cancer du poumon et que la compétition bat son plein entre ce pays et les États-Unis, des chercheurs de l'université de Columbia tempèrent l'enthousiasme et tirent la sonnette d'alarme. Ils viennent en effet de découvrir que cet outil de manipulation du génome n'est pas aussi précis qu'escompté.En analysant le génome entier de deux souris qui avaient été traitées pour une maladie oculaire avec la technologie CRISPR-Cas9, les auteurs ont constaté que l'opération avait parfaitement corrigé le gène ciblé mais ils ont aussi remarqué plus de 1 500 modifications "inattendues" de nucléotides, les éléments de base de l'ADN, en dehors des zones prévues d'intervention chez les deux souris traitées. Près de la moitié de ces modifications se situaient dans des zones contenant des gènes connus, donc avec un risque potentiel de provoquer des cancers ou d'autres maladies génétiques.Plus inquiétant encore, CRISPR-Cas9 aurait causé 100 insertions ou délétions de séquences d'ADN. Enfin, la majorité des mutations détectées étaient observées de façon identique chez les deux rongeurs.Certes, suite à l'édition de leur génome, les souris ne présentaient pas d'anomalies visibles et ne semblaient pas souffrir de pathologies particulières. Mais, selon les chercheurs, même le changement d'un seul nuclétoide peut avoir un impact énorme et il existe toujours un risque que des complications surviennent ultérieurement ou que des problèmes soient transmis aux générations suivantes. Précisant que toutes les thérapies présentent des effets secondaires, les scientifiques assurent malgré tout rester "optimistes" quant au potentiel de CRISPR-Cas9. Ils considèrent que leur découverte ne remet pas tout en question mais concèdent qu'elle va sans doute refroidir un peu la frénésie autour de la technique et inciter à prendre davantage de précautions au moment où d'aucuns se préparent à passer à des essais chez l'Homme. Selon eux, il convient d'étudier de façon plus approfondie le risque potentiel de "mutations off-target" et surtout que leurs collègues utilisent le séquençage complet du génome pour détecter tous les effets hors cible.(référence : Nature Methods, 30 mai 2017, doi : 10.1038/nmeth.4293)