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De quoi s'agit-il ?Une tumeur (bénigne) rare est diagnostiquée chez un jeune patient d'une vingtaine d'années. Compte-tenu de sa nature et du site où elle se développe, elle nécessite une intervention neurochirurgicale délicate.Le patient consulte trois neurochirurgiens de renom au sein de trois hôpitaux académiques.La réponse de ces spécialistes est unanime : la complexité de la résection de la tumeur nécessite une expertise technique que personne ne possède en Belgique ; cet acte chirurgical extrêmement rare peut certes être pratiqué par les neurochirurgiens consultés mais tous reconnaissent que la garantie d'une résection totale (sans risque de récidive à moyen terme) et la diminution significative des risques d'effets secondaires invalidants justifient de s'adresser à un des quatre ou cinq spécialistes mondiaux de ce type d'acte. Le plus proche de ceux-ci opère dans un hôpital de Rome où il pratique, depuis plusieurs années, une ou deux interventions de ce type chaque semaine.Compte-tenu des risques et de l'âge du patient, les spécialistes belges réfèrent donc celui-ci (avec lettre de recommandation) vers leur confrère romain qui est consulté sur place, rassure le patient et s'engage à l'opérer.L'intervention de l'assurance maladie doit être sollicitée !Conformément à la procédure prévue par la loi AMI, le patient introduit auprès de sa mutuelle une demande documentée d'intervention pour une prestation fournie en dehors du territoire national. La réponse du médecin-conseil de celle-ci, dont une copie m'est parvenue, signée du docteur Jesétou, m'a effaré : " Sur base des éléments médicaux en ma possesion et l'article 294 paragraphe 1 alinéa 2, je constate que les critères imposés par la réglementation ne sont pas remplis (il n'y a pas de meilleures conditions médicales en Italie). " Même s'il ne faut pas généraliser... Je ne m'interdis pas de penser que ! Au-delà de mon effarement, je voudrais partager quelques considérations générales par rapport à ce courrier :1. Le profond mépris du médecin-conseil pour le patient auquel il répond sans même prendre la peine d'argumenter sa réponse ou lui proposer autre chose que le recours légal au tribunal du travail pour contester sa décision.2. Ce qui précède est pour le moins étonnant de la part du représentant d'une institution dont le rôle central reste la défense de ses membres. A moins que... ce rôle devienne accessoire par rapport à celui de co-gestionnaire de l'assurance obligatoire, d'assureur privé et de gestionnaire d'institutions de soins !3. La fainéantise de bon nombre des ces médecins fonctionnaires (ce serait mal me lire que d'affirmer que tous font mal leur travail) bien payés qui ne sont même pas assez courageux pour prendre connaissance du dossier complet, d'un avis argumenté sur la solution proposée à l'étranger, des éventuelles alternatives en Belgique, de la loi, de ses commentaires et de la jurisprudence. Tout concorde pour affirmer que la décision du " docteur " Jesétou sera déjugée par quelque tribunal amené à la juger. En attendant, le patient concerné traverse une période vraiment difficile.4. Je m'étonne que le " docteur " Jesétou ne semble pas avoir connaissance du discours constant des organismes assureurs (argumenté par des études de terrain) qui rappelle que l'habileté médicale s'acquiert par une pratique liée au traitement d'un nombre significatif de cas. Ou, s'il le sait, qu'il ne conseille pas à son patient un spécialiste belge ayant cette expertise.5. Je retrouve dans le courrier de la mutuelle les contradictions, constatées à maintes reprises au sein même de l'Inami, qui opposent d'une part les médecins représentants les organismes assureurs qui n'ont plus (ou n'ont jamais eu) de pratique clinique, et d'autre part les médecins cliniciens qui sont quotidiennement face à leurs patients et ont l'expérience des pathologies dont ils parlent. Les premiers prétendent imposer leur point de vue au nom de l'intérêt général, les autres sont suspects de corporatisme et de défense de leurs intérêts particuliers.En guise de conclusion.L'être humain étant ce qu'il est, il sera difficile voire impossible d'éviter, au sein des services des mutuelles, les travers rencontrés au sein de n'importe quelle organisation. Il sera aussi difficile, dans le cadre de l'Inami, d'éviter les travers liés à la nature humaine.On peut néanmoins se demander si l'organisation actuelle de l'assurance obligatoire soins de santé et les rôle dévolus à chacun de ses acteurs ne sont pas à l'origine d'importants dysfonctionnements dont les patients sont les principales victimes.Je suis persuadé depuis longtemps qu'une réflexion sérieuse doit être menée à cet égard.Michel Mahaux, économiste de la Santé