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Le Journal du Médecin: Quelle est actuellement la situation dans les hôpitaux de Vivalia?Dr Philippe Deleuse: Nous sommes toujours en phase 1B. Nous n'étions pas redescendus en phase 1A. Nous avions constaté ces dernières semaines une remontée progressive et lente des admissions aux soins intensifs. Le 29 mars, nous avions sur nos sites de Marche et Bastogne, 100% des lits de soins intensifs dédiés au Covid qui étaient occupés, soit cinq lits sur huit lits USI à Marche et trois lits sur cinq lits USI à Bastogne. Au Centre Hospitalier des Ardennes (CHA), 100% des lits USI Covid occupés (cinq lits sur dix USI) et 71% (6 lits sur 11 USI) à la Clinique Saint-Joseph à Arlon. Nous avons une réflexion en interne pour créer des lits "tampons" au sein de Vivalia pour pouvoir y transférer des patients Covid. Nous constatons également une augmentation de l'hospitalisation en unités Covid. A l'IFAC, le 29 mars, nous avions 16 patients Covid+ ou suspects hospitalisés dans des unités Covid. 26 au CHA et 35 aux Cliniques du Sud Luxembourg. Qu'en est-il de la planification des opérations chirurgicales? Le 24 mars, le comité de direction élargi de Vivalia a décidé de reporter les interventions non-urgentes et non-essentielles qui font appel au service des soins intensifs. Nous ne savons pas encore quand nous pourrons les reprogrammer. Les consultations sont maintenues. Votre confrère Philippe Petroons, médecin-chef des Hôpitaux Iris-Sud à Bruxelles, constate (lire jdM N°2666) que cette troisième vague se différencie par l'augmentation progressive, insidieuse, du nombre de cas. Partagez-vous ce ressenti? C'est tout à fait exact. La hausse est très progressive. Nous sommes néanmoins inquiets. Le personnel a été mis sous pression durant les deux premières vagues. Il n'a pu se reposer que durant une courte période. Nos unités vont se remplir et nous devrons, le cas échéant, déprogrammer les interventions non-urgentes et des consultations afin de récupérer des infirmiers/ières qui seront mobilisé(e)s pour les patients Covid. Lors de la deuxième vague, le taux d'absentéisme du personnel de Vivalia est resté relativement faible, autour de 3,8% en octobre 2020. Aujourd'hui, la vaccination des travailleurs permet-elle déjà de réduire le nombre d'infections et de quarantaines? Actuellement, 70% de nos travailleurs sont vaccinés. Ce taux me paraît un peu faible pour une institution de soins. Au début, seulement six médecins de Vivalia sur dix étaient prêts à se faire vacciner. Certains ont attendu de voir comment les effets secondaires allaient se manifester. La vaccination est le plus court chemin vers la reprise d'une vie "normale". Elle va permettre à la population de retrouver sa liberté. A titre personnel, je m'interroge sur le caractère non-obligatoire de la vaccination face à l'ampleur de cette épidémie mondiale. Quand nous étions jeunes, nous avons été vaccinés contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite. On ne nous a pas demandé notre avis... Nous revoyons actuellement l'algorithme par rapport au personnel qui a été vacciné mais qui est testé positif. Ce sont des porteurs sains, qui peuvent transmettre le virus. Il ne faut pas systématiquement écarter le personnel vacciné qui est positif, mais l'encourager à bien respecter les gestes barrières. Dans le cas contraire, nous risquons de manquer d'effectifs si la crise s'intensifie. Les médecins et infirmiers se sentent-ils mieux protégés grâce à la vaccination? La vaccination apporte un sentiment de sécurité. Je constate, par exemple, que mon épouse - qui s'occupe des soins palliatifs sur le site de Marche et est onco-radiothérapeute au CHU de Liège - est, depuis qu'elle est vaccinée, tout à fait à l'aise pour se rendre dans des unités Covid. Pensez-vous que les hôpitaux généraux auraient pu être davantage intégrés dans la campagne de vaccination parce qu'ils disposent des compétences et des infrastructures? C'est plus difficile qu'on ne le pense. Chaque site de Vivalia a vacciné son personnel et ses médecins. Cela s'est très bien passé. Ensuite, nous avons, en collaboration avec les généralistes, vacciné la première ligne (médecins, infirmiers à domicile, kinés...). A Marche, nous avons dû arrêter parce que les locaux n'étaient pas adaptés pour recevoir autant de monde dans de bonnes conditions. Pour finir, la vaccination de la première ligne s'est poursuivie au Wex à Marche, qui est un grand centre de vaccination. Par contre, nous avons commencé à administrer de l'AstraZenca aux patients à risques de nos services d'oncologie, d'hématologie, de néphrologie, de gastro-entérologie... Nous avons reçu 200 doses pour notre site de Marche, 300 pour notre site de Libramont et 400 pour celui d'Arlon. Nos secrétariats ont pris contacts avec ces patients pour venir se faire vacciner. Certains patients viennent, d'autres ne veulent pas, ont déjà été vaccinés ailleurs ou sont décédés. Nous étendons actuellement le focus pour utiliser ces doses à bon escient.