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On se souvient de l'assassinat du généraliste flamand Patrik Roelandt, qui avait fait grand bruit. Syndicats médicaux et Conseil national de l'Ordre des médecins se sont ouverts depuis aux différents ministres de l'Intérieur qui ont toujours eu une oreille attentive. Le journal du Médecin milite également depuis des lustres pour la sécurité des médecins dans l'exercice de leur métier. En juin 2016, une enquête sur l'insécurité des médecins a été menée conjointement avec l'Ordre des médecins, le PRaag (Patrik Roelandt anti-agressie groep) et la VUB, et proposée à nos lecteurs. Au total, 84,4% et 36,8% des médecins sondés disaient "avoir été victimes respectivement au cours de leur carrière ou des douze derniers mois précédant l'enquête d'une agression dans la relation avec leur patient". Les institutions psychiatriques et les urgences apparaissaient déjà comme les plus "dangereuses" et les médecins extra-muros, les plus exposés. À la demande de Frank Vandenbroucke, le gouvernement Vivaldi prépare une réforme du Code pénal (lire notre dernière édition). Dans un proche avenir, tous les actes de violence commis sur une personne avec une fonction sociale (et si le crime a été commis en conséquence de l'accomplissement de cette fonction) seront sanctionnés plus sévèrement. Il est temps car sur le terrain, la peur reste très présente. Deux faits divers viennent rappeler que les hôpitaux en particulier ne sont pas des lieux très sûrs. Lundi de la semaine passée, un homme à tendance suicidaire admis aux urgences de l'hôpital d'Etterbeek-Ixelles s'en est pris au médecin qui l'examinait: il a saisi des ciseaux et les a plantés dans la carotide du médecin. Il s'en est fallu de quelques millimètres pour que le thérapeute ne décède. Certains soignants s'en sortent avec des coups ou des morsures. Plusieurs hôpitaux bruxellois équipent d'ailleurs leur personnel médical et soignant de gilets pare-balles lors des sorties Smur. Jeudi 10 novembre, rebelote: un individu fiché S s'est présenté au commissariat de Schaerbeek pour être interné. Il aurait déclaré "haïr la police" mais étant d'humeur pacifique, il a été emmené, consentant, aux urgences des Cliniques universitaires Saint-Luc. Laissé sans surveillance, Yasmine Mahi a quitté l'hôpital une demi-heure après. Quelques heures plus tard, il a agressé deux policiers, Thomas Montjoie et Jason P., à un feu rouge rue d'Aerschot. L'assaillant a poignardé Thomas Montjoie, au volant du véhicule de police, au niveau du cou, puis il s'en est pris au passager, Jason, en le poignardant dans le bras. Ce dernier a eu le réflexe d'appeler du renfort, en précisant que l'agresseur avait crié "Allah Ouakhbar". Yasmine Mahi a finalement pu être neutralisé par une seconde patrouille. Thomas Montjoie 29 ans, n'a pas survécu à ses graves blessures. Aurait-on pu éviter le drame en enfermant l'énergumène dans un département psychiatrique? Les Cliniques Saint-Luc ont précisé qu'une personne qui est admise aux urgences psychiatriques de son plein gré peut quitter les lieux à tout moment. Toutefois, il nous revient qu'un juge peut ordonner, après examen par un médecin, une admission forcée si la personne constitue une menace pour lui-même ou pour les autres. En l'espèce, l'hôpital de l'UCL reçoit ce type de patients psychiatriques tous les jours. Il est souvent impossible de prévoir ce que ces patients vont faire. Il faut démontrer le lien entre la maladie mentale et la dangerosité de l'individu. Enfin, les médecins de garde n'ont pas accès aux fichiers S. Ils ignorent si le patient est considéré par la police comme dangereux... Une lacune à combler à l'heure de l'esanté?