Une cinquantaine de médecins généralistes liégeois étaient présents dans l'amphithéâtre du MontLégia samedi dernier pour une matinée de réflexion sur l'avenir des cercles. Avec les Assises de la première ligne, la ministre Christie Morreale ne cache pas sa volonté de réformer la première ligne wallonne. Au prix de la disparition des cercles? C'est en tout cas un des scénarii envisagés. Les généralistes wallons ont donc intérêt à défendre leur bien s'ils ne veulent pas le voir disparaître.
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La Wallonie compte 59 cercles de médecine générale. Certains ne tiennent qu'à une personne, d'autres sont des structures organisées et bien rodées. Tous, pourtant, doivent faire face à des défis semblables et répondre à leurs missions principales (organisation de la garde, dialogue avec les hôpitaux et avec les autorités, etc). Rien qu'en province de Liège, il y a 26 cercles, dont l'Agef qui regroupe à lui seul un tiers du territoire. "Cela fait 44% des cercles rien qu'en province de Liège", note le Dr Marie-Astrid Berrewaerts, présidente du Cercle des généralistes de Seraing (Ceges). La province de Liège n'est pas la seule concernée puisque le problème se retrouve également dans le Brabant wallon où l'on dénombre 17 cercles pour 400.000 habitants. Niveau efficience, on a donc vu mieux. C'est tout le discours du Dr Guy Delrée, président de la FAGW, qui prône la proactivité des médecins généralistes et des cercles pour éviter que le politique, qui a son propre agenda, ne lui impose ses conditions. "L'intention du cabinet Morreale est d'actualiser l'arrêté royal de 2002 qui définit les missions des cercles puisque la matière a été transférée aux régions. Il faut arriver aux Assises de la première ligne avec des propositions concrètes. Les Services intégrés de soins à domicile (SISD), les Réseaux locaux multidisciplinaires (RLM) et autres vont s'exprimer et en découlera une réorganisation de la première ligne. Il ne faut pas être trop confiant sur la place des cercles. Le politique pourrait se dire qu'ils font double emploi, et faire un choix. Les cercles doivent se trouver d'autres utilités, rendre davantage de services aux médecins généralistes. On peut parler de la formation continue en association avec la SSMG, mais aussi de la promotion de la confraternité, et d'autres choses encore. Ce travail est important. Il nécessite une professionnalisation des tâches non-médicales et non-politiques."Le président de la FAGW pointe les nombreuses errances des cercles actuellement. "L'activité des cercles est très hétérogène. Certains cercles sont parfois insulaires et ne s'investissent pas à l'extérieur. Faute de forces vives, les cercles de petite taille pratiquent la politique de chaise vide lorsqu'ils doivent se rendre à des réunions au sujet de la médecine générale."Pêle-mêle, le Dr Delrée pose également d'autres constats: les généralistes ne bénéficient pas tous de tous les services que peut fournir un cercle. Les MG qui s'investissent dans les cercles sont de plus en plus rares. D'un point de vue communication, la circulation de l'information est également perfectible. "On l'a vu, encore une fois, au niveau du Covid-19. Le CMG a diffusé nombre de communiqués qui n'ont pas été relayés partout sur le terrain. Dans l'autre sens, les cercles ne relayent pas toutes les préoccupations de la base", commente le généraliste marchois. Enfin, il faut parler d'argent. Certains cercles ont des cotisations, d'autres pas. Et l'utilisation des subsides octroyés par la Région wallonne pose question. "Certains cercles utilisent tous leurs subsides. D'autres doivent rembourser une partie voire la totalité des subsides à la Région. C'est une perte de moyens. Par exemple, nous avons réclamé à cor et à cri des subsides pour engager des coordinateurs pour les centres de tests durant la pandémie. À peine 50% de ces subsides ont été dépensé.""Tous ces éléments expliquent pourquoi les autorités pourraient manquer de considérations quant aux capacités des cercles et leur fiabilité à l'échelle de la Région pour porter des actions communes", en conclut le Dr Delrée. Le voeu de Guy Delrée est que les cercles se rassemblent pour peser davantage. "Avec moins de cercles, il est possible de mieux se faire écouter, tant vers l'extérieur que vers l'intérieur. Cela permettra d'avoir davantage de médecins investis dans le cercle grâce à un plus grand réservoir de recrutement. Être plus nombreux au sein d'un cercle permet également d'éviter que toutes les charges ne retombent sur les mêmes personnes. Cela permet d'être davantage présents dans des réunions à l'extérieur, d'être plus crédibles, notamment au niveau des hôpitaux, du FAGW, du CMG, du 1733, ou encore de l'Aviq, où nous ne sommes pas invités pour l'instant mais cela pourrait changer."Les subsides (20% par habitants) seraient plus importants. "Les petits cercles ont trop peu d'argent que pour en faire quelque chose d'utile", appuie Guy Delrée. "Harmoniser les financements diminuerait également les inégalités entre cercles voisins qui ne pratiquent pas la même politique de cotisation."Des cercles de plus grande taille entraîneraient également une professionnalisation de la structure. "Cela peut faire peur à certains, mais c'est important pour être plus efficace d'un point de vue administratif, comptable, fiscal, et autres. Cela permettra aux médecins de mieux se consacrer à la réflexion, à la défense de la profession, à la politique de santé locale et de mieux rémunérer ces médecins." Enfin, des cercles mieux équilibrés permettraient d'avoir une territorialisation qui fasse sens en première ligne. "Différents scénarii nous pendent au nez. Cela peut dépendre des SISD, des zones de soins, des RLM, des PMG, des coopérations fonctionnelles qui arrivent normalement fin juin, des réseaux hospitaliers - une ineptie -, des OST, des réseaux psy 107,... Il faut faire attention de ne pas se laisser imposer une territorialisation qui n'est pas choisie et qui ne répond pas aux besoins des cercles. Il ne faut pas, par exemple, que les territoires des coopérations fonctionnelles dictent les territoires des cercles, mais l'inverse."Le Dr Guy Delrée est conscient des craintes des généralistes, notamment au niveau de la perte de convivialité. "L'ancrage local est indispensable. Mais la convivialité peut être accrue et dépasser les limites des anciens cercles. Quant aux différences entre praticiens, je pense qu'il y a davantage de points communs entre les généralistes que de différences. Il faut garder à l'esprit qu'en restant petit, un cercle a peu de voix. Ce n'est pas comme ça que l'on défend le local, que du contraire. Il faut être suffisamment grand pour être audible.""Réformer, ce n'est pas nier le passé, c'est lui offrir un avenir", conclut Guy Delrée. "Il faut pouvoir prendre de la hauteur, comprendre ce qui nous attend et être lucide. Il faut quitter le paradigme paternaliste du cercle géré par deux ou trois personnes et s'orienter vers un modèle davantage associatif, notamment pour attirer les jeunes médecins à s'impliquer."