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Pour comprendre l'intérêt du schéma pharmacien, il est important de rappeler qu'il existe différents type de schémas de médication à l'heure actuelle. À côté du schéma de médication qui est déposé sur les réseaux de santé wallon, bruxellois ou flamand, il y a le schéma du pharmacien qui est lui déposé sur un réseau propre aux pharmaciens, le Pharmaceutical Care Database Hub (PCDH). Le projet Vidis ("Virtual Integrated Drug Information System") "vise à partager les données et les informations sur tous les aspects du traitement médicamenteux, de façon électronique, efficace et efficiente", renseigne l'Inami qui coordonne ce projet. Cela se fait donc via le schéma de médication auquel ont pour l'instant accès les médecins, dentistes, sages-femmes et infirmières. Plus tard, il est convenu que le service soit également accessible aux pharmaciens et pharmaciens hospitaliers. La participation des pharmaciens au projet est très attendue de la part du corps médical, notamment car elle permettra de savoir si le schéma d'intention du prescripteur est bien délivré, ou non. Une bonne manière de suivre la compliance du patient. "C'est le schéma idéal", avance le Dr Philippe Jongen, responsable du projet e-santewallonie et directeur médical du Réseau santé wallon (RSW). "Il est déjà fonctionnel entre médecins généralistes et spécialistes. Mais les logiciels des pharmaciens ne sont pas connectés au système de ce schéma de médication partagé du RSW et cela n'interviendra probablement que dans un an au plus tôt."Dans les têtes depuis une quinzaine d'années, ce projet n'a donc pas encore vu le jour sous sa forme complète. Et ce, pour de nombreuses raisons. "Le projet Vidis est difficile à mettre en oeuvre pour l'autorité publique. Différents chefs de projet se sont succédé et cela retarde inévitablement l'échéance", explique Charles Ronlez, porte-parole de l'Association pharmaceutique belge (APB). La raison? Il est difficile de concilier les visions que chacun a du schéma. "Pour ma part, je suis le projet Vidis depuis 15 ans. J'ai toujours eu dans l'idée que nous avions à disposition un nuage de données autour du patient qu'il faut structurer pour que le patient ait une image, les prestataires une autre image et le pharmacien encore une autre image", renseigne le pharmacien, qui reconnaît que cette idée est techniquement complexe. Même sur la ligne de médication, il y a encore des discussions. "Prenons un exemple: un patient a besoin de prendre un médicament pour un problème cardiaque. Le généraliste prescrit un comprimé d'amlodipine de 10 mg par jour. Ce patient va chez son cardiologue, qui confirme ce traitement et prescrit le générique. La fois suivante, il demande une prescription à son généraliste qui lui prescrit un autre générique. Est-ce qu'il faut faire trois lignes dans le schéma de médication? Non, il suffit de renseigner la molécule d'amlodipine à raison de 10 milligrammes à prendre une fois par jour. Le reste n'est pas important. On arrive à la notion de traitement. La prescription du médecin pourrait donc se limiter à ajouter, supprimer ou modifier une ligne dans le schéma de médication. Ces trois actions suffiraient à générer l'instruction pour le pharmacien de délivrer telle boîte ou telle boîte de telle date à telle date si nécessaire."Dernier problème et non des moindres à résoudre pour le projet Vidis: qui portera la responsabilité du schéma de médication quand plusieurs prescripteurs interagissent? Quid quand le pharmacien modifie la posologie? Quid enfin quand le patient ne suit pas son traitement? "On n'est même pas à 50% d'adhésion au traitement en Belgique", pointe Charles Ronlez. Le Dr Philippe Jongen le pointait: le projet Vidis n'est pas attendu avant 2023. "Effectivement, l'objectif est d'avoir quelque chose à proposer en 2023-2024 au plus tard", confirme Charles Ronlez. "C'est toujours le problème avec des projets d'une telle envergure: ou on attend d'avoir résolu tous les problèmes avant de mettre le bébé en route, ou on se lance sachant qu'au début il y aura des maladies de jeunesses et que tout le monde n'y adhèrera pas tout de suite. C'est ce qui a également bloqué: nous avons voulu écouter tout le monde et que tout le monde soit satisfait. Cela a complexifié les choses. Mais nous sommes repartis sur de bonnes bases."Les acteurs de terrain ne sont cependant pas les seuls à avoir les choses en main. "Il faut d'une part que les hubs se mettent d'accord mais également que les fournisseurs de logiciels se mettent au pas. Et nous n'avons n'a pas de moyens de pression sur ces derniers. C'est une des raisons pour laquelle il y a peu de pharmaciens connectés au RSW", explique Charles Ronlez. Ce que corrobore Philippe Jongen. "Jusqu'à présent, aucun des logiciels pharmaciens n'a fait des développements pour se connecter sur le schéma de médication partagé. Cela frustre les médecins."Heureusement, les pharmaciens ne sont pas restés à attendre que leurs fournisseurs de logiciels bougent. "En attendant l'éclosion du projet Vidis, nous avons fait une proposition, qui a mis longtemps à se mettre en place, pour mettre à disposition le schéma pharmaceutique - ou schéma de délivrance, c'est selon - aux autres prestataires de soins en lien avec le patient", annonce le porte-parole de l'APB. "Il s'agira par contre d'une image statique. C'est toutefois davantage qu'un PDF car on peut l'intégrer dans le logiciel métier d'un médecin. C'est une mesure temporaire qui devra disparaître le jour où tout pharmacien belge pourra interagir avec un schéma de médication présent sur un hub régional à l'instar du RSW, du RSB ou de Vitalink. Il s'agit de ne pas avoir de doublons et de permette au patient d'y voir clair."Il y a 7.000 schémas présents actuellement sur le réseau PCHD. "C'est peu, mais cela s'explique car les logiciels métiers des pharmaciens doivent encore faire le lien vers les hubs et meta-hubs. Il faut surtout que le RSW ouvre les portes au niveau wallon. Mais ce n'est qu'un détail à régler."Pour l'heure, ce détail n'est pas encore réglé, et aucune date précise ne filtre. Au mieux, les médecins peuvent espérer un cadeau sous le sapin. Au pire, il faudra attendre cette mesure - temporaire - pour début 2023.