Le vapotage est une aide au sevrage tabagique en deuxième intention. Son utilisation à d'autres fins que la lutte contre le tabagisme doit être découragée, notamment auprès des ados spécifiquement visés par de nouveaux produits ludiques et addictifs.
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Pour utiliser correctement les cigarettes électroniques (e-cig) dans le cadre du sevrage tabagique, il faut bien les connaître et rester à jour. C'est ce qu'ont expliqué la Dr Natacha Gusbin (pneumologue, tabacologue) et Adrien Meunier (infirmier tabacologue), lors du webinaire " La vape, mieux la comprendre pour mieux l'utiliser" donné par le CHR de la Citadelle à Liège le 11 mai dernier. " La cigarette électronique a été inventée en 2003 par un pharmacien chinois pour son père qui n'arrivait pas à arrêter de fumer avec la substitution nicotinique habituelle qui ne donne pas un pic de nicotine suffisant", précise Adrien Meunier. Toutes les e-cigarettes fonctionnent sur le même modèle: une batterie, une résistance, un réservoir rempli d'e-liquide et un embout. Quand la batterie est allumée, la résistance chauffe l'e-liquide (<200°C) qui se transforme en vapeur. Il n'y a donc pas de combustion et donc moins de production de substances toxiques, à l'inverse de la cigarette classique (>1000°C). Les e-liquides contiennent de la glycérine végétale (0-90%), du polypropylène glycol (0-90%), de la nicotine (0-20mg/ml), des arômes (3-15%), de l'eau et de l'alcool. " Le vapoteur devient un petit chimiste quand il compose son e-liquide: s'il est fort dépendant à la nicotine, il mettra beaucoup de glycérine végétale, un corps gras qui adoucit et produit beaucoup de vapeur ; s'il veut un effet piquant, il mettra plus de propylène glycol." " Ce qui est très important c'est le dosage de la nicotine: la cigarette donne de grands pics de nicotine, les patchs la délivrent de façon plus stable mais ne couvrent pas les besoins ; et l'e-cig donne une courbe (avec des pics) qui ressemble à celle de la cigarette", souligne Natacha Gusbin. L'e-liquide doit avoir un taux de nicotine élevé pour réduire le comportement compensatoire, la quantité d'e-liquide inhalé et l'exposition potentielle au formaldéhyde et à l'acroléine. " On veut éviter que le patient tire toute la journée sur son e-cig, parce que la température de chauffe de la résistance augmente avec son usage et il risque d'y avoir plus de nitrosamines, éventuellement d'acroléine, dans le liquide inhalé. Donc chez un gros fumeur, il ne faut pas craindre de combiner un patch et une e-cigarette bien dosée pour éviter le phénomène de compensation et améliorer le sevrage." " Il n'y a pas de combustion dans l'e-cig et il y a maximum cinq ingrédients dans l'e-liquide inhalé sous forme de vapeur: on peut donc penser qu'elle est moins nocive que la cigarette", répond Adrien Meunier. En 2015, le ministère de la Santé britannique a conclu que vapoter était 95% moins nocif que fumer, les taux de nitrosamines dans la vapeur des e-liquides représentent 1 à 5% des taux des cigarettes. " Cependant, en 2019, on mentionne pour la première fois que les concentrations en formaldéhyde et en acroléine générées lors de la production de la vapeur (en général inférieures à celles des cigarettes) peuvent être affectées par les caractéristiques de l'e-liquide, du voltage, du vapotage et des additifs aromatisants". En 2014, l'e-cigarette de tabac à chaleur non brûlée (Heat not Burn) apparaît. L'IQOS (I Quit Ordinary Smoking) est composée d'une batterie qui chauffe à 350°C et d'un bâtonnet de tabac jetable promettant de donner le goût du tabac sans fumée. " Or, une étude a montré qu'il y a bien une combustion partielle et donc la production de fumée contenant des hydrocarbures aromatiques et du monoxyde de carbone..." " Le vapotage est moins dangereux que le tabac, mais on manque de données épidémiologiques sur sa sécurité à long terme. Il est difficile d'évaluer l'effet délétère de l'e-cig parce que les vapoteurs sont souvent d'anciens fumeurs ou des vapo-fumeurs. Ensuite, il existe beaucoup d'e-cig différentes et des milliers d'arômes (les goûts sucrés, gourmands sont plus toxiques que les autres). On ne sait pas ce qu'il en est de l'inhalation répétée du propylène glycol, du glycérol et des arômes et il faut faire attention à la production de formaldéhyde et d'acroléine quand les liquides sont trop chauffés", résume Adrien Meunier. La Dr Gusbin est revenue sur la polémique née aux États-Unis en 2019 suite à des décès survenus chez des vapoteurs: " Il s'est avéré que tous les cas de pneumopathie extensive étaient liés à l'e-cigarette, mais dans 90% des cas il y avait un usage avoué de THC ou CBD. C'était du 'bricolage' d'e-liquides parce que pour ajouter du THC ou du CBD, il faut mettre un corps huileux, l'acétate de vitamine E, très toxique pour le poumon." L'e-cigarette avec pod est composée d'une batterie et d'un pod jetable contenant la résistance, le réservoir d'e-liquide et l'embout. La résistance est donc toujours changée, il y a donc moins de risque de surchauffe. C'est simple, pratique, sécurisé et compacte (9 cm). Autre intérêt: peu de goûts sont disponibles, ce qui attire moins les ados. " Dans ces pods, la nicotine est sous forme de sels (pH acide, similaire à la nicotine naturelle), elle est donc délivrée plus rapidement au cerveau, ce qui présente plusieurs avantages: on utilise moins de produit, il y a une plus grande délivrance de nicotine (pour les fumeurs très dépendants) avec moins de vapeur (donc moins de glycérine que dans les e-cig classiques, pour les fumeurs au souffle court) et moins d'irritation (pour les gros fumeurs à la gorge abîmée)", constate-t-elle. Dernière nouveauté, la puff. " Créée en 2019 aux USA, elle a tout pour plaire: elle est compacte, prête à l'emploi et jetable. Elle permet environ 250 à 3.000 bouffées, pour un prix de 8 à 12 euros. Elle chauffe peu le liquide et donne peu de vapeur. Elle est ludique et propose des goûts attractifs (marshmallow, chocolat...): elle cible donc plutôt les ados, même si ses concepteurs disent le contraire. La vente d'e-cigarette est interdite aux mineurs en Belgique, mais les puffs sont facilement disponibles par internet et réseaux sociaux (des influenceurs en font la promotion sur TikTok), elle fait des ravages dans les cours d'école auprès des 13-17 ans", indique Adrien Meunier. " Dans la majorité de ces puffs, il y a des sels de nicotine ultra addictifs -on estime que c'est une porte d'entrée vers le tabagisme- et ils ont un effet néfaste sur le cerveau en développement", met-il en garde . "Parfois, il s'agit de sels de nicotine synthétique qui sont insipides, inodores, il y a un risque d'inhalation plus profonde, de meilleure délivrance de la nicotine et donc un risque de dépendance accrue chez les jeunes. Or, il n'est souvent pas précisé qu'il s'agit de nicotine synthétique, il est indiqué 'nicotine sans tabac'! Il existe aussi des puffs avec du CBD." Enfin, est-ce que le sevrage avec l'e-cigarette fonctionne? " Ça marche (20% sont sevrés), mais la moitié des patients gardent la cigarette électronique à long terme. En deuxième intention, on peut recommander la vape pour sortir du tabac, parce que vapoter diminue le risque pour un fumeur. Mais l'arrêt du tabagisme sous-tend l'arrêt du vapotage, il ne faut pas oublier la phase de sevrage de la vape parce qu'on ne connaît pas les conséquences d'un usage à long terme. Enfin, il faut éviter la vape chez la femme enceinte et les adolescents", conclut la Dr Gusbin.