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La première démarche que fait le médecin en allant chercher son patient dans la salle d'attente est celle de l'accueil. Commence alors une phase d'écoute où le médecin est censé laisser parler son interlocuteur. " Il l'interrompt en moyenne après 20 secondes ", fait remarquer G. Pfister dans la Revue Médicale Suisse. Vient ensuite la délimitation et la programmation, étapes qui consistent à préciser le contenu et le cadre de cette consultation. L'examen puis l'explication, moment capital s'il en est, avec sa phase de contrôle de la compréhension mutuelle des uns et des autres, précèdent le moment de la terminaison de l'entretien. La consultation est donc un moment privilégié où l'on autorise le patient à brièvement devenir maître de son temps. " La médecine repose sur un principe qui trouve son origine dans une perception passéiste qui valorise les actes techniques par une série de codes Inami ", fait savoir le Dr Meulemans. Un prix fixe de la consultation favorise ainsi d'un point de vue strictement financier les consultations courtes : être payé 28 euros pour cinq minutes de consultation, ou 25 minutes ne donne pas le même tarif horaire. " Près de 70% des séances durent entre 10 et 20 minutes, les 30% restant sont constitués de consultations plus courtes et plus longues ", selon une étude de Solidaris. En 2020, Anne-Françoise Meulemans souhaiterait qu'il y ait enfin une reconnaissance par l'Inami de l'écoute professionnelle et active du médecin. Aucun code ne correspond à l'écoute empathique, bienveillante et non jugeante. Ce temps de consultation plus long et structuré serait consacré à la compréhension du contexte de vie du patient, à la prévention et l'information, et ainsi à une plus grande autonomie du patient, et /ou enfin à la gestion de ses difficultés psychosociales. Actuellement, des médecins généralistes ont une formation en psychothérapie tout comme les psychologues psychothérapeutes. Anne-Françoise Meulemans estime que cette formation devrait être reconnue afin qu'ils puissent jouer un rôle, en complémentarité avec d'autres médecins généralistes, les psychologues et les psychiatres. Elle aimerait aussi voir s'intensifier la formation dans la gestion de la relation, des émotions, de la communication, l'approche de sujets plus sensibles ou questionnant sur le plan éthique et déontologique en médecine générale, tant pour le bien des patients que pour celui des médecins. Ces formations accréditées pourraient donner lieu à un certificat et une reconnaissance de ces consultations plus longues par l'Inami. Consciente de la possible polémique que pourrait engendrer sa position, le Dr Meulemans propose différentes pistes car, pour elle, le mode d'évaluation du montant de la consultation devrait être repensé et actualisé. Elle propose de tenir compte du temps de la consultation par le simple fait de la durée, de mettre en place un " code écoute " qui permettrait de valoriser le montant de la consultation chez les médecins ayant suivi des formations spécifiques et de reconnaître le statut de médecin psychothérapeute pour les médecins qui ont suivi le cursus de la formation en psychothérapie. " Actuellement, l'injustice est là. La réalité est telle qu'au moins le médecin écoute, plus la consultation est courte, mieux il est payé par heure, vu que le prix de la consultation reste le même. Une forme de tabou de l'argent qui fait que le médecin qui écoute gagne moins que celui qui n'écoute pas ", insiste-t-elle. Le médecin pourrait même être tenté de prescrire davantage de médicaments, d'examens (coût, effets secondaires...), plutôt que de consacrer du temps à la prévention, à l'écoute. Fondatrice il y a dix ans de CentrEmergences, le Dr Meulemans vient de créer un site dédié à la téléconsultation : e-mergence " Cette évolution a connu un réel intérêt depuis le Covid ", confie-t-elle. Le système invite le patient à payer sa consultation avant que celle-ci ne se passe. " Si on veut que les patients soient acteurs de leur traitement, il est important que le cadre, la durée et le prix soient connus d'emblée ", informe-t-elle et de renchérir en disant : " il n'est pas normal que le patient ne sache pas à l'avance le montant qu'il devra débourser ".