Face à une recommandation unanime du Conseil supérieur de la santé visant à inscrire la vaccination contre le méningocoque B dans le calendrier vaccinal pour les nourrissons, l'administration fédérale, pour la première fois, ne suit pas. Rare, la maladie affiche pourtant une recrudescence nette.
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Le Conseil supérieur de la santé (CSS) ne cache pas sa surprise. En septembre 2023, son groupe de travail "vaccination", co-présidé par le Pr David Tuerlinckx, pédiatre au CHU UCL de Namur et le Pr Steven Callens, infectiologue à l'UZ Gent, rendait un avis très clair par lequel il recommandait l'élargissement du vaccin contre le méningocoque B pour les nourrissons via un ajout au calendrier vaccinal. "C'est une des premières fois que le gouvernement décide de ne pas suivre une recommandation du CSS", s'étonne le Pr Tuerlinckx, qui se dit préoccupé par une décision dont il ne comprend pas les motifs. La méningite reste une maladie relativement rare (104 cas d'infections à méningocoques déclarés en 2023), et, dans un contexte d'économies tous azimuts dans le budget de l'Inami, on peut légitimement penser que le rapport coût/bénéfice d'une vaccination ouverte à tous les enfants a fait grimacer l'administration. La vaccination reste pourtant une mesure essentielle pour prévenir cette maladie, et ce chiffre de 104 infections à méningocoques en 2023 doit être mis en perspective avec les années précédentes: on n'en a déclaré que 59 en 2022 et 32 en 2021. La Belgique fait donc face à une recrudescence de ces infections. Il faut également y ajouter les signalements de cas de méningites causées par des pneumocoques, qui s'élèvent à 106 pour 2023. Sans l'élargissement du calendrier vaccinal, le Pr Tuerlinckx exprime également son inquiétude concernant une inégalité dans l'accès aux vaccins non remboursés pour les enfants. "Alors que les programmes de vaccination régionaux comprennent des vaccinations contre les méningocoques de type ACWY, Haemophilus influenzae de type B et les pneumocoques, le vaccin contre les méningocoques de type B n'est toujours pas remboursé pour les nourrissons. De plus, les vaccins MenACWY et MenB pour les adolescents ne sont également pas remboursés alors que cette tranche d'âge est particulièrement visée. Cela entraîne une inégalité, car les parents doivent souvent faire face à des coûts élevés. Ce qui peut être particulièrement préjudiciable pour les familles moins aisées."Bien qu'il y ait eu des progrès en 2023 avec l'ajout du vaccin MenACWY au calendrier de vaccination remboursé pour les jeunes enfants à 15 mois, la vaccination MenB reste en retard tout comme celle des adolescents. "Une meilleure couverture vaccinale des adolescents permettrait pour certaines souches une réduction de la transmission aux adultes et donc une protection indirecte de ceux-ci", avance encore le pédiatre. "Il est également primordial de suivre les dernières recommandations en termes de vaccination des sujets à risque de méningocoque."Une étude récente du Dr Marc Raes, pédiatre au Jessa ziekenhuis de Hasselt, révèle que le taux de vaccination contre le MenB dans les communes les plus pauvres de Belgique pourrait être deux fois plus bas que dans les communes les plus riches pour les enfants de moins de deux ans. Le Pr Tuerlinckx souligne que des pays comme la France, l'Allemagne, la Suisse, le Luxembourg, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni, le Portugal, la République tchèque et même la Grèce ont désormais inclus le vaccin MenB dans leurs programmes de vaccination remboursés pour les nourrissons et certains ont aussi inclus des programmes remboursés pour MenACWY ou MenB chez les adolescents. "La Belgique devrait suivre l'exemple de ces pays pour aider à protéger nos enfants et adolescents", martèle-t-il. Pendant la pandémie de covid-19, les cas de méningocoques et d'autres infections bactériennes ont diminué en raison des mesures de précaution. Cependant, des données épidémiologiques récentes montrent une résurgence en Belgique, avec des cas de maladie méningococcique invasive doublant chaque année depuis l'assouplissement des restrictions. En 2023, les catégories les plus touchées sont les enfants de moins de quatre ans (3,4 cas/100.000) et surtout les moins d'un an (8,8 cas/100.000) suivi des 15-19 ans (1/100.000) et les adultes de plus de 80 ans (1.7/100.000). Au cours de la première moitié de 2024, sept cas sur dix chez des enfants de moins de cinq ans étaient également dus au sérogroupe B et un total de 43 cas de méningocoques pour tous les groupes d'âge ont été rapportés.