Le projet de décret modifiant le Code wallon de l'Action sociale et de la Santé en ce qui concerne la promotion de la santé et la prévention a été adopté en scéance plénière du Parlement wallon le 2 février dernier. Un énoncé technique qui, selon l'opposition PTB et cdH, et le syndicaliste David Simon (lire jdM n°2701) cache pourtant des modifications "interpellantes".
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Long débat, en ce début février, dans les travées du Parlement wallon. L'objet, un texte a priori anodin et technique visant à modifier le plan wallon de prévention et de promotion de la santé. "Ce cadre prévoit la mise en oeuvre d'un plan promotion et prévention santé tous les cinq ans, qui permet de poursuivre les objectifs de santé suivant les thématiques d'alimentation, d'activité physique, de prévention, de tabagisme, de maladies chroniques, de lutte contre les cancers, de manière coordonnée avec une vision de santé dans toutes les politiques, comme c'est recommandé par l'OMS. C'est une première en Wallonie", explique Christie Morreale, ministre wallonne de la Santé. "Pour la première fois, nous allons disposer d'un cadre réglementaire qui défend une vision à long terme pour la santé publique et la santé de chacun et de chacune."Le décret aborde aussi la question du suivi et la gestion des maladies infectieuses sur le territoire. Il intègre la notion d'urgence sanitaire, qui permet à la Région wallonne d'être "plus réactive face aux mesures prises par le Fédéral en cas d'activation de la loi Pandémie d'août 2021 et au Parlement d'avoir une place dans ce processus", assure Christie Morreale. Pour mettre en oeuvre cette politique, le Gouvernement wallon peut compter sur 30 millions d'euros issus du Plan de relance, qui seront utilisés à partir de 2023 jusqu'en 2028. "Dans le texte, on trouve des dispositions qui donnent au Gouvernement régional les pouvoirs spéciaux, ou en tout cas une large délégation de pouvoirs concernant les soins de santé en cas de crise pandémique", note Germain mugemangango, chef de groupe du PTB au Parlement wallon. "Par exemple, la possibilité au Gouvernement d'imposer des traitements à des personnes qui seraient considérées comme contaminantes ou comme représentant un danger pour la communauté." Le texte prévoit en effet la possibilité, pour les inspecteurs de l'hygiène (infirmiers ou les médecins) de l'Aviq, d'imposer un traitement médical préventif ou curatif en cas de maladie infectieuse "sans préjudice du droit du patient de refuser (...) lorsque d'autres mesures visées dans cedécretpermettent de garantir une absence totale de contagion".Pour le PTB, ce projet de décret va même plus loin que la loi pandémie fédérale en permettant d'imposer un traitement médical, sans aucune liste des mesures qui peuvent être prises par l'exécutif. "La loi pandémie était déjà un chèque en blanc donné au gouvernement fédéral. Avec ce décret, on donne carrément les clés de la banque au gouvernement wallon sans aucune annonce, sans aucun débat", poursuit Germain Mugemangango. Une inquiétude partagée par le cdH, qui utilise la même métaphore. "Avec ce texte, on donne la clé pour ouvrir une porte sans savoir quel gouvernement nous attend dans dix ou 15 ans", estime la députée Mathilde Vandorpe. "C'est une nouvelle gifle de l'exécutif au législatif qui est en train de se faire hara-kiri en votant ce genre de texte."Une mesure qui fait aussi sortir de ses gonds le Dr David Simon (lire jdM N°2702), administrateur de l'Absym. Christie Morreale a répondu aux critiques sur le texte, rappelant que les inspecteurs d'hygiène avaient déjà de larges pouvoirs, même hors-Covid, pour éviter les risques infectieux. Risques qui se produisent rarement, raison pour laquelle le projecteur n'a quasiment jamais été mis sur les prérogatives des inspecteurs d'hygiène. Sur la question de la potentielle violation de domicile du patient, la ministre répond clairement. "Non, on ne va pas violer le domicile des citoyens dans le cadre de la gestion des maladies infectieuses grâce à ce décret. Rappelons que les inspecteurs d'hygiène sont soumis à la Constitution comme tous les citoyens." Et d'ajouter. "Dans la pratique de tous les jours, en dehors du prisme Covid qui, je le comprends bien, nous met tous à cran et donne à certains une vision biaisée des objectifs qui seraient poursuivis à travers ce prisme, si un inspecteur d'hygiène doit se rendre au domicile d'un patient, ce sera toujours en collaboration avec le médecin traitant de celui-ci pour évaluer une situation épidémiologique, prodiguer des conseils de prévention et orienter le patient dans ce qu'il doit faire pour éviter qu'il contamine d'autres personnes.""Les balises sont nombreuses", conclut Christie Morreale. "Pour activer l'état d'urgence sanitaire, il faut que l'état d'urgence épidémique fédéral soit déclaré par le Roi. (...) Les mesures pouvant être adoptées sont temporaires, d'une durée d'un mois, et ne concernent uniquement que l'aspect sanitaire."