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Évidemment pour des libres-penseurs, s'en référer à la ville trois fois saintes, enjeux de tous les espoirs et de tous les conflits religieux, n'est pas un simple intitulé blasphématoire : au contraire, il s'agit pour les laïcs de remettre en cause leur rationalité matérialiste en se questionnant sur l'envie irrépressible de l'Homme de spiritualité, quelle qu'elle soit, et souvent constitutive de son identité.Réunis par le professeur Hans De Wolf, l'exposition se répartit sur trois lieux (voire cinq si l'on tient compte de l'oeuvre murale de Buckminster-Fuller qui ornera l'institut d'architecture Horta à Flagey et l'Art Wall conçu par Honoré d'O sur le campus de l'UZ Jette), dans un triptyque passionnant, dont le panneau principal se situe dans le bâtiment Pilar et répartie sur deux étages.Le premier chapitre, intitulé la white room, se veut la mise en évidence que spiritualité et intelligence peuvent travailler de concert, et a pour " autel " central l'oeuvre vidéo de Francis Alÿs intitulée When Faith Moves Moutains : lequel a mobilisé 500 volontaires de Lima afin de réduire de dix centimètres une dune de sable péruvienne. Action gratuite, symbolique dans un pays qui en cette année 2000 connaît des troubles incessants, marquant la fin de dictature de Fujimori. La foi et l'entraide qui déplacent une montagne... action aussi vaine que belle !Elle est entourée notamment d'oeuvres textiles et abstraites de Anni et Hans Albers, de Marlies De Clerck réinterprétant l'oeuvre mathématique et magique à la fois d'Alighiero Boetti, la mappe monde tapis de Richard Buckminster-Fuller, les constructions mathématiques du même dont le visage apparaît sur la couverture de Time magazine, ou la remarquable mosaïque de dominos, dont les combinaisons donnent en effet un vertige métaphysique, de José Patricio.La dark room parle de religion et d'identité, de la douleur et la souffrance accompagnant chaque vie humaine, qui s'en réfère alors à " dieux ". Grand iconoclaste, Thierry Decordier propose avec Nada une descente de croix éloquente et pourtant complètement vide, dont il ne resterait que le signe, et plongée dans le noir à côté d'un Homme en douleurs signé Ensor, et qui a tout de la figure christique.La perversion de la religion n'est pas oubliée au travers d'un extrait de La naissance d'une nation de D.W. Griffith, mise en regard d'un tableau très Zurbaran par son dépouillement de Michael Borremans, d'un pénitent cagoulé. En face le Sud-Africain Kendell Geers repeint la statue d'un prince italien de peinture cérémonielle africaine.Rita Pacquée réinterprète L'enfer de Dante, prêt à exploser, qui la montre dans divers lieux, diverses villes, une boule semblable à une bombe artisanale dans les bras. Léonard Pongo, artiste photographe noir né en Belgique (un bounty comme ils se nomment eux-mêmes joliment), rapporte de son premier voyage au Congo un triptyque qui rend compte des clichés occidentaux (Vaudou, transe...) véhiculés sur l'Afrique.Dans cette Dark Room trône également l'oeuvre organique, mystérieuse et photosensible de Dirk Braeckman, dans les tons noirs et pourtant éminemment lumineux. William Blake, entre autres, complète le tableau avec des dessins ainsi que de références à son célèbre poème intitulé... Jérusalem.Dans le superbe bâtiment en forme d'ellipse allongée de Renaat Braem qui accueille le rectorat de l'Université flamande, trône encore notamment une oeuvre suspendue de Kris Verdonck, un rocher qui renvoie à la Croix, au Château des Pyrénées de Magritte aussi bien qu'au pendule de Foucault. Preuve que l'homme ne peut faire autrement que de se suspendre à une croyance quelle qu'elle soit.Enfin dans le U-Square, ancienne caserne de gendarmerie située au-delà du boulevard Général Jacques, des anciens bureaux accueillent la partie réservée à de jeunes artistes qui évoquent la question du Christ et de son contraire, notamment au travers de l'oeuvre de Rinus Van De Velde, spécialement conçue pour l'expo ; dans un dessin très... pictural, il se met en scène afin de mettre en exergue la dualité de l'homme : Many men talks like philosophers but live like fools, s'intitule son oeuvre.Géraldine Tobe M. évoque le passé colonial au travers de tableaux noir et blanc de silhouettes, comme des ombres chinoises, évoquant entre autres le côté diabolique de la religion des Blancs. Shirin Neshat explore les rituels religieux, notamment funéraires, dans un pays intégriste et paternaliste tel que l'est désormais l'Iran, non sans une certaine nostalgie de cette patrie dont elle est désormais exilée.Enfin, parmi ses jeunes propositions souvent vidéos, Younes Baba-Ali, d'origine marocaine vivant à Bruxelles, combine à la fois provocation et ironie avec Kamikaze, une oeuvre hélas visionnaire de 2013 : une charrette remplie de vieilles bonbonnes de gaz placées, ne l'oublions pas, dans une ancienne caserne de gendarmerie. Une sorte de ready-made rempli d'humour noir qui évoque à la fois l'islamisation de son pays d'origine et la liberté qui y fait souvent défaut au contraire d'ici, en même temps que le racisme et les préjugés qui règnent dans nos sociétés occidentales.Une belle " explosition "...