Entre son engagement au GBO dans les années 90, une quinzaine d'années passées en coopération en Afrique, son retour aux affaires au GBO en 2010, la création de structures innovantes et les luttes pour une meilleure reconnaissance de la médecine générale, le Dr Paul De Munck, désormais président honoraire du GBO, livre une réflexion sans concession sur le renouvellement générationnel, les défis syndicaux et les enjeux financiers du système de santé. Regard dans le rétroviseur.
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Le Dr De Munck évoque pour commencer ses prolongations de mandats dues à des crises comme le covid-19, ainsi que la nécessité de trouver une relève avant les prochaines élections syndicales. "Le manque de renouvellement démographique chez les médecins, dans ce contexte de pénurie dénoncé par le GBO et le Modes depuis le début des années 2000 à contre-courant des autres syndicats et des pouvoirs publics, représente un défi majeur pour l'avenir de la concertation et de la défense professionnelle. Je souligne l'importance de réconcilier les jeunes générations avec l'engagement syndical, tout en reconnaissant les évolutions des priorités personnelles et professionnelles des médecins. Cette problématique, combinée à des défis politiques et organisationnels, nécessite des solutions innovantes pour assurer la pérennité des structures syndicales."Paul De Munck espère qu'une ou un MG de la génération suivante prendra la relève, "mais ce changement tarde à se concrétiser. Cette situation illustre un enjeu majeur pour le renouvellement des instances syndicales."Le Dr De Munck revient sur les accomplissements dont il est le plus heureux durant son mandat au GBO. Et d'abord... une excellente collaboration avec les journalistes. "La presse est un relais indispensable pour transmettre des informations aux praticiens et au public, et une collaboration respectueuse est essentielle." Et de citer Le journal du Médecin comme un exemple de média très lu et apprécié dans le secteur. Il cite également la présence accrue du GBO sur le terrain pendant son mandat. "J'ai systématiquement occupé le terrain, répondant aux sollicitations et parfois poussant des portes qui restaient fermées. Cette stratégie a permis au GBO d'être davantage reconnu, respecté et consulté par les administrations, les politiques et les autres acteurs du secteur." Il estime également avoir favorisé un dialogue constructif avec les organismes assureurs et tous les partenaires comme les pharmaciens, par exemple. Paul De Munck reconnaît avoir beaucoup investi dans la création de la Plateforme de première ligne wallonne et l'instauration de Proxisanté. Ces initiatives visent à mieux organiser les soins primaires en interdisciplinarité. Bien que des projets comme un Institut de première ligne soient encore en pause, il reste confiant quant à leur aboutissement. L'éclairage apporté à la médecine générale pendant le covid-19 a certainement positionné les MG et le Collège de la MG (CMG) comme centraux. La pandémie a mis en lumière l'importance de la médecine générale, notamment grâce à son adaptabilité et son bon sens. "Le GBO avec le CMG a été parmi les premiers à appeler à des mesures comme le port du masque ou la limitation des consultations physiques et les téléconsultations pour participer à la lutte contre de la contagion. Cela a démontré la pertinence de la médecine générale dans la gestion des crises sanitaires."Paul De Munck insiste sur l'importance de repenser la défense de la médecine générale en abandonnant les postures purement corporatistes d'un autre âge. Il plaide pour une collaboration interdisciplinaire avec les autres professions de la santé de première ligne. Cette multidisciplinarité est, selon lui, la clé pour organiser un système de soins modernes et efficaces. Et dans ce système de soins revu et corrigé, le rôle central du médecin généraliste doit être préservé. Pensons par exemple à sa responsabilité de gestion du Dossier médical global informatisé. "Cependant, cette place doit être constamment défendue pour éviter une dilution des responsabilités et un partage des tâches insuffisamment concerté."À cet égard, Paul De Munck souligne les différences fondamentales entre le GBO et d'autres syndicats, notamment l'Absym. "Alors que certains appellent à l'unification des deux syndicats, j'estime que les valeurs et principes directeurs diffèrent encore trop. Le GBO privilégie une approche réfléchie et nuancée, ce qui le distingue de ses homologues souvent plus prompts à réagir de manière plus corporatiste et précipitée à mon goût." Cette capacité à prendre le temps de la réflexion a contribué à la réputation du GBO. Cependant, cette méthode est parfois critiquée par ceux qui souhaitent des positions plus rapides et moins nuancées. Parmi ses regrets principaux, Paul De Munck cite le retard pris par Proxisanté. "Le projet Proxisanté, visant à structurer et renforcer la première ligne de soins, n'a pas abouti en 2024, en partie à cause de la pandémie de covid-19 qui a retardé de nombreux projets. Cet arrêt, je le regrette, car Proxisanté aurait pu constituer un pilier pour améliorer la coordination des soins."Malgré les frustrations liées à une reconnaissance insuffisante de la part de certains ministres, dont certains recevaient du bout des doigts le GBO ou pas du tout, "il est crucial de maintenir un dialogue constructif. Le GBO a su se faire entendre auprès des administrations et des politiques, en tissant une toile relationnelle solide. Ce travail, souvent invisible, représente une grande part de l'énergie investie. Si vous supprimez cette concertation, c'est foutu."Toutefois, Paul De Munck met l'accent sur plusieurs défis liés à cette concertation: manque d'effectifs pour y participer efficacement ; faible rémunération des participants (ex.: jetons de présence dérisoires bien inférieurs à ce qu'un MG gagne avec trois ou quatre patients par heure, par exemple) ; la pénurie de médecins généralistes accentue le problème, car le temps pris pour la concertation est souvent pris sur le temps clinique et ce temps doit être récupéré, ce qui augmente encore la charge de travail horaire du MG, déjà surchargé! Face aux pénuries, le numerus clausus est inadapté et devrait être largement repensé sans toutefois prendre le risque de créer une pléthore telle qu'on l'a connue dans les années 1980. "Une meilleure planification sur le long terme (30 ans) est nécessaire, tenant compte des besoins en généralistes par rapport aux spécialistes. Il faudrait dire plus clairement que ceux qui commencent des études de médecine ne pourront pas tous faire la spécialité de leur choix, ce qui est déjà le cas dans les spécialités d'ailleurs. Des sous-quotas dans les spécialités ont toujours existé."Le New Deal, un échec total vu le tout petit nombre d'adhérents? "Je ne dirais pas que c'est un échec. C'est un projet, et un projet ne peut pas être qualifié d'échec. Il a déjà permis à certains médecins de continuer leur activité. Lors d'un colloque récent sur la MG et la ruralité, un médecin a témoigné que le New Deal l'a convaincu de rester généraliste alors qu'il comptait arrêter. Ce sont des retours qu'il faut écouter. Est-ce que le New Deal sera la formule de demain? Je ne sais pas. Peut-être qu'un nouveau mélange de différents systèmes - forfaitaire et à l'acte - sera la solution. Personnellement, je suis pour favoriser de plus en plus la part forfaitaire, même si le GBO insiste pour garder un minimum à l'acte. Aujourd'hui, nous sommes déjà à 25-30% de forfaitaire dans le système dit 'à l'acte'."Le MR et la N-VA, qui sont en train de former un gouvernement Arizona, multiplient les appels aux économies. Pour les libéraux, le budget des soins de santé est une énormité au sens propre. "Parler "d'économies coûte que coûte" est une erreur. Il faut plutôt viser une plus grande efficience dans le système de santé, ce qui implique de rendre le système plus efficace, pas seulement moins coûteux. Un exemple évident est le renforcement de la première ligne. Cela permettrait de réaliser des économies globales considérables, comme le montrent de nombreuses études internationales. On doit réformer en profondeur, voire révolutionner certains aspects du système, pour mieux répondre aux besoins tout en maîtrisant les coûts. Pour faire des économies il faut parfois oser investir! Or la pénurie de généralistes est le résultat d'une politique en sens totalement contraire!"Or, pour Paul De Munck, le fait pour les libéraux, au sein de la Vivaldi, de ne pas voter le budget 2025, est une énorme erreur. "C'est scandaleux. C'est de l'irresponsabilité crasse. Ils renvoient la patate chaude au prochain gouvernement. Nous avons pris nos responsabilités en acceptant des économies dans un budget négocié avec tous les partenaires sociaux, mais ce gouvernement sortant se permet de se désengager. C'est un jeu politique malsain que je dénonce haut et fort."