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"M on papa était médecin généraliste et ma maman, institutrice, tous deux issus d'un milieu modeste", explique d'emblée le Dr Steinier. Son père a fait la médecine à l'armée. Il est devenu médecin militaire et généraliste. "Mon frère et moi avons été profondément influencés par ce travailleur hors normes qui a vécu son métier tel un sacerdoce."Un métier que les frères, tous les deux médecins, ne le virent pas exercer et qui les passionnèrent d'autant plus. "On ne savait pas ce qu'il faisait. J'ai appris des choses bien après son décès. On m'a dit qu'il réparait même les chauffe-eaux lors de ses visites à domicile."Son père, ce héros, décède lors de sa troisième année de médecine, "de fatigue à ses 55 ans" reconnaît le Docteur Steinier qui avoue alors avoir tout fait pour rentabiliser son diplôme au plus vite. "Lorsque j'ai commencé à exercer en 1987, le médecin de famille était encore une référence. On nous vouait beaucoup de respect. Les choses ont évolué", constate-t-il. Il confesse la grande timidité de ses débuts et le choix de ses cravates avant de partir travailler. Une recommandation vestimentaire que lui avait d'ailleurs conseillé le président des médecins de l'entité. Une forme de rigidité qu'il apprend à apprécier différemment lors de son stage de médecine générale: Un mois d'immersion chez le Dr Talbot à Marcinelle qui lui ouvre les yeux sur l'évolution de la profession. Il lui parle des gardes, des répondeurs et de la vie possible en dehors de la médecine. Des recommandations très éloignées de l'exemple paternel. Il apprend qu'il est possible de fermer boutique à 19h01 tout en restant empathique avec ses patients. "Je me suis construit avec ces deux références", soutient Thierry Steinier. Enfant chétif, petit et maigre, il est très tôt catalogué comme le premier de classe nul en gymnastique. Pourtant morphologiquement formé pour les sports d'endurance, il se découvre quelques aptitudes pour le cross. "Durant mes études, je n'avais pas beaucoup de temps pour faire du sport bien qu'il m'est arrivé de faire du footing autour de mon kot à Kraainem", reconnaît l'ancien étudiant de l'UCL. Des études entrecoupées par le service militaire qu'il passe à Gand, sous la baguette du commandant De Fauw. Un peloton de 48 futurs médecins généralistes où l'officier leur fait faire du jogging. "A l'âge que vous avez, c'est peut-être la dernière fois que vous faites réellement du sport", leur aurait alors dit le gantois. Âgé de 25 ans, le futur Dr Steinier est piqué au vif et se donne comme objectif de lui donner tort. C'est ainsi qu'après quelques années consacrées corps et âme à la médecine, il se donne comme projet les "10 miles" de Charleroi. Il se prépare durant un an et l'expérience se passe "plutôt bien". Il la reconduit d'ailleurs plusieurs fois et améliore son chrono. "Un jour, mon facteur m'invite à faire un semi-marathon. Je l'ai fait et ai failli m'évanouir à l'arrivée", dit-il tout sourire. "La marathon a néanmoins quelque chose de mythique et de fort et j'ai souhaité relever ce défi." A l'aube de ses 42 ans, il prend le départ au marathon de Bruxelles et correctement préparé, il le termine en trois heures, 42 minutes et 42 secondes. Sans doute un signe du destin, pour qui est attaché à la symbolique. C'est dans le club de foot de son fils qu'il rencontre celui qui le fera rentrer dans le club de course à pied d'Ham-sur-Heure. Une chouette ambiance où il reprend goût au jogging: "Mon ex-femme était un véritable cordon bleu et il était difficile de partir courir en sentant le fumet qui émanait de la cuisine. Depuis quelques temps, je ne courais quasi plus", reconnaît le médecin généraliste. Il s'y rend le dimanche puis à une séance plus technique qui se tient le mercredi. Sa secrétaire adapte son agenda et il devient un mordu du club. Après deux ans, il en devient même le président. Depuis, ce ne sont pas moins de 15 marathons que Thierry Steinier compte à son palmarès et un beau score de trois heures, 18 minutes et 44 secondes. "Si j'avais commencé plus tôt, il m'aurait plu de descendre en dessous des trois heures, ce qui est un très bon temps dans cette discipline", souffle-t-il. Si cette activité prenante lui a coûté son mariage, il reconnaît que le sport l'a rendu plus "cool" et que la vie en club a sociabilisé sa personnalité d'emblée timide et indépendante. Un apprentissage de l'insouciance également au sein d'un club où les excès alimentaires sont encouragés. Débordements tout relatifs cependant vu que philosophiquement, il a tourné le dos à la viande rouge pour un régime "quasi végétarien et pas totalement végan" avoue-t-il, en évoquant sa nouvelle passion pour le Trail, qui l'a mené récemment sur les pentes du Mont-blanc. Dans le cabinet très simple où il nous reçoit, des photos de ses exploits et de sa famille sont accrochées sur les murs. Sur son bureau, entre quelques papiers, fardes et calculette, une photo en noire et blanc d'un homme de la cinquantaine, que l'on devine être son père, l'observe en souriant.