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L'établissement d'une infraction suppose la réunion d'un élément matériel (par exemple pour le vol, la soustraction de la chose) et d'un élément moral. Pour les infractions intentionnelles, l'élément moral consiste en la résolution criminelle 1. À défaut d'une telle résolution, la condamnation ne se conçoit pas. Elle pourrait même paraître injuste, voire inutile 2. Il convient, par ailleurs, que l'infraction puisse être imputé à son auteur qui doit donc l'avoir commise de manière volontaire et consciente. Cette condition ne sera notamment pas rencontrée en cas d'altération mentale. Le code pénal prévoit en effet qu'il n'y a pas d'infraction lorsque l'accusé ou le prévenu était atteint, au moment des faits, d'un trouble mental qui a aboli sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister 3. C'est au juge qu'il appartient d'apprécier en fait si un prévenu se trouvait, au moment des faits qui lui sont reprochés, en état de démence 4. Naturellement, il se référera pour ce faire aux constats effectués par des experts. Dans un exemple récent, le tribunal correctionnel de Bruxelles a, dans la cause qui lui était soumise 5, estimé que le prévenu atteint d'un trouble psychotique avec délires au moment des faits ne pouvait se prévaloir de cette cause de non-imputabilité. Le motif? Selon le tribunal, ce trouble était le résultat du choix personnel du prévenu de s'adonner à l'abus de cannabis et d'alcool de manière apparemment systématique pendant une période de sa vie. Cette motivation appelle trois questions. Le tribunal pouvait-il, sur le plan médical, affirmer de manière aussi péremptoire qu'un tel trouble était le résultat d'une consommation excessive d'alcool et de tabac? Dans l'affirmative, fallait-il considérer que cette consommation excessive relevait d'un choix personnel? Enfin, même à supposer que ces deux premières questions appellent une réponse positive, pouvait-il en déduire que la cause de non-imputabilité déduite du trouble mental ne pouvait trouver à s'appliquer? À cette troisième question, la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi contre le jugement précité, a répondu par la négative. Ainsi donc, si le prévenu était atteint, au moment des faits, d'un trouble mental qui a aboli sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes, il doit être constaté l'absence d'infraction peu importe que ce trouble soit la conséquence de son comportement passé qualifié, par le juge du fond, de choix personnel. L'absence de responsabilité pénale n'implique cependant pas automatiquement que la victime des agissements perpétrés alors que la capacité de discernement de l'auteur était annihilée, ne puisse solliciter l'indemnisation de son préjudice. La loi 6 prévoit en effet que lorsqu'une personne atteinte d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes, cause un dommage à autrui, le juge peut la condamner à tout ou partie de la réparation à laquelle elle serait astreinte si elle avait le contrôle de ses actes. Le juge statue selon l'équité, tenant compte des circonstances et de la situation des parties. Il peut ainsi tenir compte de la situation matérielle du malade ou de celle de la victime ou encore de l'existence d'une assurance couvrant la responsabilité de l'auteur. En l'absence de motif d'équité justifiant une réduction de la réparation, il y a lieu de condamner l'intéressé à la réparation intégrale, sans réduction, des dommages causés 7. Le législateur a ainsi voulu être équitable tant vis-à-vis de l'auteur irresponsable de ses actes que de la victime étrangère à ces considérations.