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Pour le laboratoire d'immunophysiologie de l'Institut GIGA à l'ULiège, l'asthme est un peu devenu comme une pelote : on tire sur un fil et elle commence à se dérouler, livrant petit à petit ses secrets.Ces dernières années, dans le journal du Médecin, nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises d'évoquer les avancées sur cette affection qui est devenue un problème de santé publique majeur. Des avancées qui ont donc été réalisées par l'équipe que dirigent les Pr Fabrice Bureau (investigateur Welbio) et Thomas Marichal (chercheur qualifié FRS-FNRS, investigateur Welbio et ERC) et qui ont fait l'objet de publications dans des revues scientifiques.Récemment, les chercheurs liégeois ont découvert que les macrophages interstitiels pouvaient prévenir le développement de l'asthme 1. A peine avonsnous relayé cette trouvaille qu'ils annoncent avoir trouvé une autre cible potentielle : des neutrophiles 2.Ce résultat, ils le doivent notamment à Coraline Radermecker, la première auteure de cette nouvelle étude entamée en octobre 2015." Une fois mes études de médecine vétérinaire à l'Université de Liège terminées, en octobre 2012, j'ai rejoint le laboratoire de Fabrice Bureau pour y démarrer directement ma thèse, " raconte la jeune chercheuse. " Pendant quatre ans, j'ai bénéficié d'une bourse du FNRS et au terme de cette période, nous avons eu une première publication importante sur les macrophages. Je suis ensuite passée sous la supervision de Thomas Marichal avec lequel nous avons commencé à travailler sur les environnements pro-allergiques et les neutrophiles 3. "Cette fois, Coraline Radermecker peut se targuer d'avoir développé chez la souris trois modèles d'asthme induit par des environnements pro-allergiques." Ces modèles correspondent aux trois principaux facteurs environnementaux qui sont à l'origine de l'augmentation exponentielle des cas d'asthme dans les pays industrialisés observée ces cinquante dernières années : l'hygiène excessive, la pollution de l'air ambiant et les infections virales respiratoires", explique-t-elle." Dans chacun de ces modèles, nous avons constaté que seules les souris exposées aux environnements pro-allergiques et ensuite à des acariens, allergènes majeurs chez l'Homme, ont développé les symptômes de l'asthme allergique contrairement aux groupes contrôle de souris non exposées préalablement à un environnement pro-allergique qui, eux, dans chaque modèle, n'ont rien développé du tout. "La chercheuse et ses collègues ont ensuite découvert le mécanisme par lequel les environnements pro-allergiques induisent le développement de l'asthme. " Nous avons observé le recrutement de cellules immunitaires innées particulières, les neutrophiles, uniquement dans les poumons des souris exposées aux environnements pro-allergiques. Ces neutrophiles, une fois dans le poumon, libèrent leur ADN, provoquant une inflammation propice au développement d'une réponse allergique telle que l'asthme. De manière surprenante, lorsque les souris exposées aux environnements pro-allergiques sont traitées avec des composés empêchant le recrutement de ces neutrophiles ou la libération de leur ADN, nous avons remarqué qu'elles sont protégées contre le développement de la maladie. "" C'est la première fois que l'on trouve un dénominateur commun aux trois principaux environnements pro-allergiques dont on savait depuis longtemps qu'ils favorisent l'asthme mais qui a priori n'avaient rien à voir entre eux, " se félicite Coraline Radermecker. " Autre bonne surprise, ce dénominateur commun, c'est le recrutement d'une cellule du système de défense de l'organisme déjà décrite auparavant dans des infections bactériennes et des sortes d'asthme non-allergiques mais qu'on n'attendait pas du tout dans l'asthme allergique. "Ce résultat de l'équipe liégeoise est conforté par les conclusions d'une autre étude qui a permis d'identifier le même type de neutrophiles particuliers dans le sang d'une population d'agriculteurs américains, les Hutterites 4." Exposés à un très haut taux d'hygiène, ces Hutterites présentent une très forte prévalence d'asthme allergique comparativement à une autre communauté d'agriculteurs, les Amish ", précise Coraline Radermecker." Les deux populations descendent des mêmes ancêtres et ont donc plus ou moins le même background génétique mais par contre elles utilisent des techniques d'agriculture très différentes. Les Hutterites sont plus industrialisés, se servent d'outils modernes, sont moins en contact direct avec les animaux et donc très peu exposés aux produits dérivés des bactéries, tandis que les Amish, partisans d'une agriculture plus traditionnelle, se servent encore de chevaux comme moyen de transport et pour les travaux des champs, travaillent beaucoup à la main et avec des outils anciens, sont plus proches de leur bétail et évoluent par conséquent dans un environnement où il y a beaucoup de produits bactériens. "L'étude menée avec les deux communautés agricoles américaines suggère que les neutrophiles particuliers qui ont été identifiés par l'équipe liégeoise dans les poumons des souris exposées aux environnements pro-allergiques sont aussi présents chez l'être humain et pourraient être impliqués dans l'apparition de l'asthme chez l'Homme." Notre découverte permet d'envisager de nouvelles options thérapeutiques dans la prévention et le traitement de l'asthme allergique, " conclut Coraline Radermecker. " Enfin, une molécule déjà utilisée en médecine humaine dans le cadre du traitement de la mucoviscidose, le pulmozyme, pourrait être exploitée pour détruire l'ADN libéré par les neutrophiles et empêcher l'apparition de l'asthme chez les personnes exposées à des environnements à risque... "