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Après le guide pratique Les végétarismes chez l'enfant, l'adolescent, la femme enceinte et allaitante, élaboré par le Conseil européen des diététiciens de l'enfance (CEDE) que nous vous avons présenté dans notre édition du 4 mars dernier (1), c'est au tour du Conseil supérieur de la santé d'éditer ses recommandations sur l'alimentation végétarienne pour tous. Dans son avis(2), fondé sur les dernières connaissances scientifiques en la matière, il propose aux professionnels de la santé et aux consommateurs un outil qui leur permettra de conseiller au mieux ou de faire des choix éclairés. Ce guide est particulièrement bienvenu en un temps où les profils alimentaires sont en train d'évoluer dans un souci à la fois de santé, d'écologie et de développement durable. " L'objet n'est pas d'avoir ici une discussion sur les avantages et inconvénients d'une alimentation végétarienne mais de donner des conseils sur la façon dont ce type de régime peut répondre à une alimentation équilibrée couvrant les besoins nutritionnels des différentes populations", indique le Dr Daniel Brasseur (ULB). " Le passage à une alimentation saine d'ici 2050 nécessitera des changements alimentaires importants, notamment une réduction de plus de 50% de la consommation mondiale d'aliments malsains, tels que la viande rouge et le sucre, et une augmentation de plus de 100% de la consommation d'aliments sains, tels que les fruits à coque, les fruits, les légumes et les légumineuses", ajoute-t-il en citant le Lancet (2019 ; 393: 447-92). Les nouvelles recommandations du CSS visent les différentes déclinaisons du végétarisme, depuis le semi-végétarien ou flexitarien au végan ou végétalien, en passant par les lacto-ovo-pesco-végétariens. " Il faut retenir deux principes généraux, insiste-t-il: plus une alimentation est restreinte en nombre d'aliments, plus le risque de déficit est grand, et plus on mange tout le temps les mêmes choses, plus le risque d'apport d'éléments toxiques présents dans ces aliments augmente. C'est une question de bon sens. Ensuite, les besoins nutritionnels évoluent selon le stade de développement et l'âge." Réduire drastiquement ou supprimer les aliments issus du règne animal nécessite de surveiller ses apports en protéines, en acides gras oméga-3 EPA et DHA, en vitamine D et calcium, en vitamine B12, fer, zinc et iode. " L'apport en protéines ne pose pas toujours problème dans les alimentations végétariennes, il est important de trouver les bonnes sources alimentaires et de retrouver une diversité du type de protéines pour garantir une certaine qualité biologique parce qu'on sait que les protéines d'origine végétale ont une qualité biologique à hauteur de 30 à 90% de certaines protéines animales", précise la diététicienne Véronique Maindiaux (HE Vinci). Concernant les risques, on parle notamment de l'exposition aux résidus de produits phytopharmaceutiques qui est plus importante chez les grands consommateurs de fruits et légumes (privilégier le bio, bien laver et éplucher) ; aux facteurs anti-nutritionnels (inhibiteurs de la trypsine, lectines...) des légumineuses et céréales ; aux isoflavones du soja ; aux mycotoxines (céréales, graines, fruits à coque, fruits, légumes) ; au mercure (poisson) et à l'arsenic (riz, algues...). Par ailleurs, la richesse en fibres de l'alimentation végétarienne peut réduire l'absorption de certains nutriments (fer, zinc...) du fait des propriétés chélatrices de l'acide phytique, certains modes de préparation peuvent contrer cet effet (fermentation, germination...). Pour le CSS, le régime végan n'est pas recommandé aux femmes enceintes ou allaitantes, ni aux nourrissons et aux enfants en bas âge. Et, si un patient opte malgré tout pour cette alimentation très restrictive dans l'une de ces situations sensibles, un suivi strict par un professionnel de la santé est indispensable. L'avis fait également des recommandations spécifiques, en fonction du type d'alimentation, pour les populations les plus vulnérables: femmes enceintes et allaitantes, nourrissons et enfants de moins de trois ans, enfants de plus de quatre ans et adolescents et enfin, personnes âgées, qui sont incitées à faire appel à un professionnel de la santé et notamment à un diététicien. Chez les personnes âgées, il convient bien sûr de lutter contre la fonte musculaire. Comme les besoins énergétiques diminuent progressivement avec l'âge, mais que les besoins en nutriments restent inchangés voire augmentent, la densité nutritionnelle de l'alimentation doit s'accroître avec au fil des ans. Ainsi, les végétariens devraient consommer 20% de protéines en plus et les végans 30%. Il convient aussi d'assurer une prise suffisante de calcium et de vitamine D, sans oublier la vitamine B12, particulièrement en cas d'alimentation végane. " Le régime végétarien est tout à fait compatible avec une bonne santé et avec une couverture nutritionnelle adéquate. Mais, je dirais aux parents et aux adultes de ne pas hésiter à se faire conseiller par un spécialiste de la nutrition, un diététicien, qui peut orienter et rassurer le patient sur le fait que son alimentation est bien équilibrée", conclut le Dr Brasseur.