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Des chercheurs se sont intéressés à la torsade de pointe, un trouble du rythme cardiaque plus ou moins fugace pouvant conduire à un arrêt cardiocirculatoire, puis à une mort subite s'il n'est pas pris en charge rapidement. Rare, il est aussi très difficile à détecter car près de 50% des patients sont asymptomatiques. Ce trouble peut être héréditaire ou provoqué par la prise de médicaments anti-arythmiques, antipaludiques, antidépresseurs et antibiotiques. Actuellement le torsade de pointe est identifiée à partir d'un simple électrocardiogramme (ECG), permettant de mesurer la durée de l'intervalle des ondes Q et T, qui correspond au temps nécessaire pour la dépolarisation et la repolarisation des ventricules. Lorsqu'une personne est touchée par une torsade de pointe, l'intervalle QT est allongé. Cette mesure est ensuite corrigée en fonction de la fréquence cardiaque du patient. Or, cette méthode traditionnelle est considérée comme insuffisamment efficace car la plupart des médecins qui prescrivent des médicaments à risque ne sont pas forcément capables de quantifier correctement le risque. D'où l'idée de recourir à l'IA pour améliorer la prédiction de ce risque et ainsi éviter les morts subites. Par conséquent, les chercheurs ont mis au point une nouvelle méthode originale, appelée DeepECG4U, qui repose sur le deep learning. Ils ont utilisé les algorithmes du DeepECG4U pour entrainer des modèles de réseaux neuronaux convolutifs (CNN) à détecter certaines anomalies complexes sur l'ECG de patients, liées à la prise de sotalol. Ce médicament, utilisé en prévention des récidives de certaines tachycardies, agit en inhibant le courant potassique - appelé IKr - mais peut aussi être responsable des torsades de pointe. Au-delà de l'allongement de QT, le blocage d'IKr génère de multiples altérations morphologiques du signal ECG. Les auteurs ont donc testé les modèles CNN sur des ECG d'une cohorte d'environ 1 000 individus sains, avant et après la prise de sotalol. Les premiers résultats sont plutôt encourageants. "Nous avons constaté que nos modèles surpassent la performance de ceux qui utilisent seulement l'intervalle Q et T corrigé", précise Edi Prifti, premier auteur de l'étude. "Ils ont une capacité discriminante plus élevée. Ils ont permis de détecter avec précision la présence et le type de syndrome du QT long congénital."Couplés à des capteurs portatifs du signal ECG, les modèles CNN pourraient donc améliorer la stratification du risque rythmique et ainsi prévenir les morts subites associées à la prise de médicaments couramment prescrits. Il semble par ailleurs que ce système pourrait être utilisé comme outil de surveillance, ce qui changerait la pratique clinique. En effet, l'IA est capable de détecter les changements dans le tracé de l'ECG au moins 24 heures avant la survenue d'une arythmie cardiaque. Enfin, cette technologie, très abordable, est particulièrement intéressante pour les pays du Sud touchés par une très forte désertification médicale. Des collaborations avec des partenaires sénégalais ont été initiées afin d'adapter ces travaux aux spécificités des populations locales.