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Dans la majorité des cas, le trouble du spectre de l'autisme (TSA) passe inaperçu dans la petite enfance. C'est à partir du 18e mois du bébé que certains signes alarmants apparaissent. Un calme exagéré ou une excitation excessive, une absence d'émotions, une asociabilité, des difficultés de communication... de nombreux signes peuvent susciter l'inquiétude des parents sur le développement neurocognitif de leur enfant et les inciter à consulter.Les parents vont toutefois devoir patienter assez longuement avant d'être fixés. En Europe, le temps de latence qui sépare les premiers soupçons d'un TSA du diagnostic final dure en effet en moyenne quatre ans." En cause, le fait qu'actuellement, il n'existe pas de marqueur objectif et simple pour mesurer le fonctionnement neurocognitif en pratique médicale courante, comme peuvent le faire un thermomètre pour la fièvre, et le tensiomètre pour l'hypertension ", confie Guillaume Bézie, le fondateur et patron de Sibius.Sibius, c'est une start-up créée à Lyon à l'automne 2019, qui vient de mettre au point une application accessible sur tablette, dédiée à la détection précoce de l'autisme.Cette application mobile s'appuie sur les travaux d'une équipe de l'Institut des sciences cognitives Marc Jeannerod (Université Lyon 1/CNRS) 1. Les chercheurs ont trouvé la preuve de l'existence d'une corrélation parfaite entre les déplacements du doigt parcourant une image (" digitracking ") et les mouvements oculaires (" eye-tracking ").Depuis plus d'une décennie, la recherche s'intéresse à l'analyse visuelle par " eyetracking " pour détecter certains troubles neurocognitifs. Mais le matériel nécessaire est très coûteux et hors de portée des médecins généralistes.Notons qu'en Belgique, le centre de recherche de l'ULB " Acte ", dédié à l'autisme, travaille également sur un outil de dépistage du trouble, basé sur l'oculométrie - ou eye-tracking - et de mesures précises du développement linguistique précoce. Son nom : Depist-Eye (voir jdM n°2601).Plus simple d'utilisation et plus économique (de 20 à 30 euros par examen), la technologie de digitracking est une transposition de l'eye-tracking. Concrètement, le jeune patient se voit présenter sur une tablette une image floue dont les composantes deviennent nettes lorsque son doigt passe dessus. Il reproduit ainsi le trajet qui correspond intuitivement à celui qu'il aurait fait naturellement avec ses yeux. Les mouvements du doigt sont captés par la tablette et analysés par les logiciels d'intelligence artificielle de Sibius." Cette action permet de déterminer la signature neurotypique du patient et d'identifier facilement un trouble neurocognitif ", explique Guillaume Bézie. " Dans le cas d'un enfant autiste, celui-ci évitera les visages pour se concentrer sur d'autres éléments de la photo. "Précisons que l'application de Sibius ne s'arrêtera pas au dépistage de l'autisme. En effet, plusieurs autres pathologies neurologiques, comme la maladie d'Alzheimer, la schizophrénie, les troubles DYS - dyslexie, dysorthographie, dyspraxie et dyscalculie - ou même les commotions cérébrales, pourront être diagnostiquées en temps réel grâce à l'intégration de logiciels et référentiels d'analyse bien précis.Sibius, qui emploie à ce stade trois personnes et cherche encore 1,7 million d'euros pour développer son produit, entre dans une phase cruciale : la collecte de données anonymes d'exploration via des collaborations avec des centres hospitaliers, des structures dédiées à la petite enfance et des entreprises. L'objectif est d'élaborer des modèles qui décrivent les trajets d'exploration dits sains et ceux dits atypiques qui suggèrent un trouble.La start-up vise une certification officielle pour l'Europe et les États-Unis en 2022. Sa clientèle première sera les orthophonistes, les neuropédiatres, les spécialistes de l'autisme et les services de prise en charge des enfants nés prématurément présentant un risque plus important de développer des troubles du neuro-développement. L'application leur permettra de confirmer leur jugement clinique et d'orienter rapidement le sujet vers une prise en charge adaptée.Les orthoptistes et les spécialistes de la rééducation visuelle pourraient aussi s'en servir comme un outil de rééducation.