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Vitres cassées, fenêtres occultées par des panneaux, façade en déliquescence... Aujourd'hui fermée au public, l'imposante église Saint François Xavier a l'air bien mal en point. Le wijkgezondheidscentrum (WGC ou maison médicale flamande, ndt) se dresse face à l'édifice religieux, en plein coeur de Cureghem. Le docteur Jo Butaye y travaille depuis 40 ans. " Je suis moi-même migrant ", annonce cet ex-Gantois avec le sourire. Dans ce quartier dense de 25.000 habitants, la maison médicale s'est vite sentie à l'étroit. En 2008, elle passe donc à la médecine forfaitaire. Medikuregem devient la deuxième plus grande maison médicale néerlandophone de Bruxelles. L'équipe est rejointe par une coordinatrice, une équipe d'accueil, un collaborateur administratif, des infirmiers, des psychologues, une diététicienne et du personnel paramédical. L'équipe compte aujourd'hui près de 30 personnes, dont sept généralistes et deux médecins en formation." L'étroitesse des lieux a été générateur de stress pendant 30 ans ", se souvient le Dr Jo Butaye. " Aujourd'hui, il y fait bon vivre. Nous avons réuni l'ensemble de l'activité sous un même toit. " La maison voisine a été achetée en 2009, mais le centre médical, dont la construction a été supervisée par Lode Vranken, du bureau d'architecture bruxellois De Bouwerij, n'a vu le jour qu'en 2017. Pendant les travaux, Medikuregem a poursuit son travail dans 14 containers adossés à l'église. " Les containers et les cabinets étaient reliés au secrétariat par un tube, un cordon ombilical en quelque sorte. Cela amusait beaucoup les patients, mais nous étions tout de même soulagés de pouvoir enfin travailler dans le nouveau bâtiment ", se souvient Jo Butaye. Une coordinatrice de chantier, Beatrice Cosemans, a même été désignée pour mener la transition à bien.Les deux bâtisses (l'ancienne maison du géomètre et la conciergerie) ont été reliées par une construction en verre moderne. Sur la façade, le dessin sablé de l'artiste Sofie Van der Linden attire notre regard. Il montre bien l'intrication du centre médical avec le quartier. Le verre accentue l'aspect transparence et ouverture. Le bâtiment tout entier respire la convivialité, avec sa lumière naturelle omniprésente, ses couleurs vives, et ses touches de passé, comme la vieille cheminée en marbre.À l'accueil, des piles de dossiers. Des collaborateurs d'origine turque, irakienne et burundaise accueillent les patients avec le plus beau des sourires et les guident dans ce labyrinthe. Les cabinets médicaux et les locaux du personnel infirmier sont répartis sur les deux étages des deux habitations, aujourd'hui reliées par des escaliers et une passerelle.Les cabinets sont chaleureux. Ce sentiment se voit encore renforcé par les touches personnelles apportées par les médecins et l'équipe du centre, marque d'une implication sociale forte. Au mur fleurissent des citations comme celle du philosophe Pierre Bourdieu " La différence crée le sens ", des affiches d'associations de quartier comme la plateforme Cureghem propreté et du projet social lié au football et lancé par Frankie Vercauteren, des questions comme " Problèmes pour obtenir la nationalité belge ? ", mais aussi des phrases de patients qui répondent au moratoire grotesque (sic) que la ministre De Block a voulu mettre en oeuvre dans les maisons médicales : " Nous nous sentons bien dans notre maison médicale. La prise en charge est chaleureuse, les docteurs sont excellents et, surtout, ils écoutent. " Les barrières sont ici imperceptibles et l'ensemble respire la chaleur humaine.Les scientifiques ont d'abord guidé " C'était aussi l'idée ", rappelle la coordinatrice en chef Truus Roesems. " Notre maison médicale ne devait pas être trop clean et nous souhaitions garder le cachet chaleureux de l'ancien bâtiment. Nous ne sommes pas dans un quartier riche, et le lieu doit mettre les gens qui y habitent à l'aise. " Aux étages, la vue donne sur les terrasses d'appartements où sèche du linge. Des paraboles pointent dans la même direction.Ce qui frappe d'entrée de jeu, ce sont les couleurs rafraichissantes, symbole d'un environnement ô combien coloré. " Il y a une certaine logique derrière tout ça ", poursuit Truus Roesems. " Le vert pour les cabinets, le rouge pour le personnel infirmier, le jaune pour le paramédical et autres prestataires de soins et le bleu pour les services auxiliaires. "" Le monde entier vient ici ", déclare Jo Butaye avec humour. " À l'exception des USA et de l'Australie, quasiment tous les pays sont ici représentés ici. D'où le multilinguisme du personnel. Ici, vous entendrez parler néerlandais, français, anglais, turc, berbère, arabe, ukrainien, bulgare, biélorusse, lingala, etc... Nous disposons aussi de médiateurs culturels et, si nécessaire, nous faisons appel à la plateforme de traduction Movietolk. Nous accueillons beaucoup d'enfants en consultation ici et beaucoup de diabétiques parmi les personnes âgées - plus de 10 % de cette patientièle. "" Notre équipe est très multiculturelle, à l'exception des médecins ", ajoute Truus Roesems. " En fait, nous souhaiterions engager un médecin d'origine étrangère. Par le passé, nous avons accueilli plusieurs médecins en formation venant d'autres pays. Rappelons aussi qu'environ 20 stagiaires passés par cet établissement ont plus tard opté pour un poste dans une maison médicale. En ce sens, nous sommes un vivier pour la médecine sociale. Liesbeth Deraeve, présidente de la Vereniging van Wijkgezondheidscentra (association des maisons médciales flamandes, ndt) a aussi travaillé chez nous. "" Vous savez, la santé ne se résume pas à consulter un médecin ", rappelle le docteur Butaye. " Dans un sens, nous entendons également travailler à la santé du quartier. Nous soutenons toutes sortes d'initiatives et organisons des sessions de groupe comme Goed-Gevoel-Stoel, un projet portant sur la santé mentale, des BBBru pour les femmes enceintes, des cours de cuisine, une chorale. Notre salle de réunion est ouverte à tous. Le médiateur de la commune et les organisations de Cureghem l'utilisent régulièrement. Medikuregem entend stimuler le quartier et incarner l'esprit d'ouverture, avec une vraie plus-value sociale ! "